Sauf à être aveugle, les signaux concordent: importation massive d’analphabètes du tiers-monde (nommés “migrants”), défense sur nos territoires d’un culte allogène et rétrograde (islam), généralisation de la surveillance électronique (piratage étatique de réseaux sociaux privés), ajournement des décisions populaires (Brexit) et neutralisation du vote (Italie), arrestation des opposants (Tommy Robinson), relaxe des militants mondialiste (gauchistes au service du capital), confiscation des armes aux citoyens (adaptation de la loi Suisse). Doublons l’entraînement, le ciel est bas!
Mois : mai 2018
Préparation 2
Avouons-le, je suis inquiet. Avant de parcourir de grandes distances, je m’entraînais. Sans même parler du périple sur la route du Tour de France 2015, dans les Pyrénées, avec ses vingt-deux cols, ce qui avait requis plusieurs mois d’efforts préalables afin de ne pas finir en queue de peloton ou pire succomber, la diagonale Oviedo-Malaga, entreprise trois fois de suite avec Monfrère, étaiet toujours précédée d’une préparation au vélo statique et d’une vingtaine de sorties; là, rien. Deux ans que je me concentre sur le Krav-Maga et la course. Mais enfin je serai seul, il n’y a pas de rythme imposé. Et sitôt baissée, l’inquiétude revient: la météo annonce dix jours de pluie, du moins sur la moitié Nord de l’Espagne. Or, il n’est pas possible de transporter des habits de rechange — trop lourd.
Préparation
Occupé à tracer ma route à travers l’Espagne, je cherche à me faufiler entre les montagnes afin d’éviter les passages par les cols aujourd’hui régulièrement desservis par des tunnels, joignant des routes secondaires, régionales ou vicinales. Encore faut-il trouver le ravitaillement, donc des villages habités, ce qui dans des provinces désertes telles que Ciudad Real ou Teruel, n’est pas facile. Pour la première fois depuis que je me lance dans ces traversées surgit un obstacle aussi paradoxal que réel : le tourisme. Lorsqu’on a roulé huit ou dix heures, l’hôtel le plus commode est celui qui accueille les camionneurs. Ce n’est pas la même fatigue que celle du sportif, mais eux aussi ont à récupérer. Descendus de cabine, ils boivent, mangent, aussitôt fait se couchent. Or, ces établissements sont distribués sur les grands axes, ceux que le cycliste prudent évite. La solution de rechange consiste à finir l’étape dans des bourgs pourvus d’hôtels de commerce. Le bar et le restaurant sont à proximité quand ils ne font pas partie de l’hôtel. Mais à en juger par le peu d’hôtels dans cette catégorie, la figure du voyageur de commerce relève du passé : les échanges numériques l’auront rendue obsolète. Quoiqu’il en soit, me voici confronté à des régions complètes où ne tiennent le couvert et le lit que des familles disposant de chambres rurales, d’auberges de charme et de maisons d’hôtes. Par exemple, lors de la troisième étape, mon point d’arrivée devrait être Maranchon dans la Province de Guadalajara. Pour l’atteindre j’ai compté 118 kilomètres. Cela sans connaître les dénivelés, ni le climat du jour (en ce moment, il pleut). Inutile de préciser, je ne peux pas ajouter vingt ou trente kilomètres pour rejoindre l’hôtel. Et pourtant, c’est bien ce que font les voyageurs: ils visitent (des sources sises près d’un lac si je comprends bien) puis roulent cette distance afin de se loger dans un établissement de qualité. J’agrandis la carte électronique. Je fouille. Rien à faire, pas de bourg, pas d’hôtel modeste, une ou deux étoiles, faisant bar et lit. Trois mouvements de populations successifs, à la charnière du siècle dernier et du notre, expliquent cette situation. D’abord, les jeunes ont migré vers les villes. Abandon des villages. Puis le travail a manqué. Sont demeurés les vieux et les retraités, tandis que les clients de passages, camionneurs ou voyageurs de commerce, se rabattaient sur les petites villes. Enfin, dernier mouvement, une offre réfléchie a été créée afin d’attirer les visiteurs lointains. Sur la foi de ces rentrées saisonnières, quelques habitants ont donc adapté leurs maisons à l’attente de ces argentés des capitales, proposant des séjours à thèmes. Non que j’y sois opposé, mais ces lieux étant tenus d’avoir du cachet, ils se dressent sur des promontoires, occupent des vieux moulins ou des châteaux, et entre les périodes d’affluence, on se retrouve seul dans des chambres fantomatiques sans une biscotte à se mettre sous la dent.
Stiegler
Afin de dénoncer le faux-progrès du capitalisme de prédation, Stiegler fait un usage politique des catégories aristotéliciennes de la causalité, distinguant entre causes efficientes et causes finales, les premières marquées d’un a‑priori positif validant l’ensemble des procédés d’appropriation du réel, les secondes, porteuse de valeurs morales, exclues du débat voire niées, analysant ainsi les conséquences toxiques sur le corps et l’esprit de ce que Habermas, avant de croire à la possibilité d’un sauvetage de la conscience collective par l’ “agir communicationnel” (à la fin du siècle dernier), résumait par ce titre: “La technique et la science comme idéologie”. Face à cette stratégie de l’efficience, Stiegler en appelle alors à la réaffirmation de l’état de droit, faute de quoi le niveau général d’entropie dans la société augmentera jusqu’à l’éclatement de la guerre civile (qu’il envisage, si je comprends bien, sous la forme d’une révolte de la minorité éclairée contre les tenants de l’ingénierie sociale, point sur lequel je le trouve utopiste — si guerre civile il y a, ce sera entre les masses méthodiquement divisées par l’ingénierie en groupe aux visées pseudo-antagonistes).
Chute
Llanura
Sur la place de la Cathédrale, à huit heures, prêt à prendre le départ de la marche, les candidats boivent du chocolat et partagent des churros. J’ai revêtu le maillot officiel orange, épinglé le dossard. Passe devant moi un gars petit à la chevelure rare. Une fois de dos, je vois que deux tresses pendent sur ses épaules. Arrive Menela, qui me le présente: Minguez, professeur de philosophie. Nous tendons la main, la marche est ouverte, deux cent personnes s’élancent en direction de la forteresse ancienne, piétinant une herbe lumineuse. Mon quotidien ne tenant plus compte de l’horaire légal (couché tard dans la nuit, je me réveille à l’heure du premier repas), je suis surpris de me trouver là, au milieu de ces marcheurs enthousiastes; je suis dépassé. Menela, le philosophe, mais aussi le couple observateur d’oiseaux rencontré la veille à Agrabuey, tous filent en tête de colonne laquelle s’étire maintenant de la falaise qui borde la ville (le “rompeolas”, brise-vagues) aux champs de la Llanura. Je suis mal réveillé, incertain de l’endroit, du sens de cette marche. Je m’y suis inscrit précipitamment, la veille, pour revoir ces gens, revoir cette fille, faire des amis. Or, maintenant que j’y suis, je marche seul, en silence. Nous franchissons un pont médiéval jeté sur l’Aragon, gravissons une colline de blé, au loin apparaît un village suspendu. J’ai l’habitude de courir, pas de marcher, du moins pas à un rythme effréné comme font ces gens; je me tâte — oui, je participe à une marche, oui, nous sommes partis pour vingt kilomètres. Alors je remonte les groupes, aperçois Menela. Elle va à grands pas, si légère qu’elle semble voler. Je m’approche, reste derrière. Ainsi je n’ai pas à converser. La parole, dans une langue étrangère, dans ces conditions, où l’on parle avec toute la spontanéité requise pour ne rien dire, n’est pas aussi facile qu’on l’imagine. Et puis, je suis essoufflé. Plus tard, je chemine avec l’Administrateur, ce garçon au physique d’athlète (il est champion de curling), au caractère d’une rare gentillesse. A la fin, nous rejoignons les filles et le philosophe, mangeons du pain à l’ail et parlons de l’Ecole de Francfort. De retour au pied de la Cathédrale, nous voyons que nous avons bouclé les vingt kilomètres en trois heures trente. A Agrabuey, une paella géante est cuisinée dans l’ancienne école, j’apporte du vin, nous finissons par des fraises. Tout du long, j’aurai cherché à comprendre qui est cette Menela, sympathique, réservée, par moment absente, supposant ceci et cela, que son ami vient de la quitter, qu’elle est portée à la dépression, secrète ou seulement solitaire, les deux derniers cas étant des figures rares en Espagne, au moins en public. A l’heure du café, il est sept heures du soir, le week-end fini, j’apprends que je serai le bienvenu en soirée, le vendredi, jour où tous se retrouvent à la ville et sortent.
Tommy Robinson
Peuples d’Europe, niés, asservis, et pour les plus audacieux, futurs héros, tel hier Tommy Robinson, décapités. C’est à dire privé du droit à l’existence, d’abord symbolique (cessation de la parole) et — nous verrons ces prochains jours — effective, car si les autorités vont jusqu’à livrer l’Anglais, après l’avoir emballé, aux prisons islamisées du royaume où sévissent les va-nus-pieds, nul doute qu’il n’en meure. Le problème tenant ici en un mot: démocratie. Convaincu que ce concept a encore un sens, la majorité des individus se fait spontanément l’avocat du pouvoir totalitaire, minimisant ses actes anticonstitutionnels, dont la triste journée que nous venons de vivre donne deux exemples, la confiscation du vote populaire en Italie et l’arrestation d’un partisan du droit en Angleterre. Pour ce qui est de la Suisse, j’ai honte d’en être. Les exemples de déni des libertés se multiplient tant et si bien, que l’on se souhaite de relever d’un autre peuple. Mais mon propos est ailleurs; j’aimerais avancer une métaphore pour expliquer l’absence de réaction devant ces actes d’Etat qui bafouent l’héritage libéral. Lorsqu’un individu bien élevé et moral est confronté à une attaque, il la voit sans la voir. L’attaque identifiée, le temps ralentit, de sorte qu’il succombe à la violence avant d’avoir pu organisé une riposte. Situation connue des combattants professionnels, analogue pour ce qui est de nos peuples, aujourd’hui confrontés à l’extension d’un schéma totalitaire dont le projet est de prendre de vitesse toute les résistances. Et en effet, en analysant à l’aune de notre héritage cultivé (mais aussi déculturé) des décisions d’Etat telles que l’arrestation de Robinson ou le sabotage du gouvernement italien, nous ne trouvons pas la parade, nous soupesons, envisageons, cherchons la nuance… et poursuivons notre course décapités.
Journées
Débutaient ce matin, Les journées mycologiques. Mon voisin, un guide, m’en parle depuis dix jours. Il m’en a fait le portrait comme je lui disais mon intention d’aller courir quarante kilomètres au départ de Puente, manifestation que j’avais trouvée annoncée à l’office du tourisme de la station de ski.
-Mais enfin, tu n’y penses pas, nous allons quêter des champignons, jouer de l’orgue, boire et si tu tiens à marcher, nous marcherons!
Ainsi me suis-je retrouvé, à dix heures, trop tôt à mon goût, sur la place, parmi une cinquantaine de personnes, saluant le maire (qui est allé me chercher des jumelles), Sanz, Pilar, bref, les habitants réels du village, lesquels tirés à hue et à dia par de amis de rencontre, me plantèrent là. Un peu raide, ne sachant que faire de mes mains, de mes yeux, puis jugeant que je j’avais l’âge de passer outre ces complexes adolescents, inerte, content, en attente, je regardais venir. Vint Alejandro, le guide, un petit gabarit, du reste bel homme. Assis sur le mur de l’ancienne école primaire, il organisa deux groupes, l’un partant pour la cueillette des champignons, l’autre pour le repérages des oiseaux. Il y avait là des familles du village que je ne croise pas au quotidien, des habitants de Puente, un couple anglophone, lui en sandales, elle affectant ce sourire plat des Saxons et, que je distinguais aussitôt, une femme pleine de qualités, je parle de son physique. Sur le pont qui traverse la Lubière, les meneurs, un ornithologue et un biologiste distribuent à qui le veut des livres de plantes et des anthologies de rapaces, puis nous avançons le long de la rivière, faisant étape chaque fois que vole un spécimen notoire ou qu’une fleur mérite commentaire. S’installe alors un jeu de regards — du moins, il me semble — qui consiste pour cette femme et moi-même à faire comme si — quoi? — nous ne nous étions pas remarqués. Ce qui me vaut, chose parmi toutes effrayantes, de prendre l’initiative. Après quoi, l’échange premier, banal, rondement mené, je dois par force constater: mon problème est certain, seules m’intéressent les femmes à problème. Oh, nous parlons! Mais sans l’air d’y toucher, avec des yeux froids. Cependant passe un vautour, nous étudions la marguerite jaune et une vipère échouée au milieu du groupe que vient de neutraliser un colossal berger des Pyrénées appartenant à un “insumiso”, en traduction, un hippie néo-rural. Au gré des haltes, je me déplace ici et là, nouant des conversations, pour revenir vers une autre femme, moins raide dans ses propos, disons confiante, qui, par chance, se trouve être de l’amie de la précédente. Lesquelles, après une discussion polie sur le D.F. de Mexico me demandent ce que je fais. Alors la fille froide (je caricature), s’exclame : “mais moi aussi, je suis écrivain!” A en juger par les propos suivants, je veux la croire, du moins sait-elle ce qu’il en est de l’écriture. La balade terminée, nous entrons dans le bar du village (il ouvre pour l’occasion, les prix se chiffrent en centimes) où j’explique que je comptais courir ces quarante kilomètres et que c’est le voisin, Alejandro, qui m’en a dissuadé.
-Les… Demain? Nous y serons. Tu viendrais?
Aussi ai-je pris la voiture pour aller retirer in extremis un dossard, et de retour à Agrabuey, j’ai suivi dans les rues la “ronda”, coutume qui consiste pour une bande floklorique à jouer dans les rues en se faisant offrir des gourdes de vin, du chorizo et des olives.