Journées

Débu­taient ce matin, Les journées mycologiques. Mon voisin, un guide, m’en par­le depuis dix jours. Il m’en a fait le por­trait comme je lui dis­ais mon inten­tion d’aller courir quar­ante kilo­mètres au départ de Puente, man­i­fes­ta­tion que j’avais  trou­vée annon­cée à l’of­fice du tourisme de la sta­tion de ski.
-Mais enfin, tu n’y pens­es pas, nous allons quêter des champignons, jouer de l’orgue, boire et si tu tiens à marcher, nous marcherons!
Ain­si me suis-je retrou­vé, à dix heures, trop tôt à mon goût, sur la place, par­mi une cinquan­taine de per­son­nes, salu­ant le maire (qui est allé me chercher des jumelles), Sanz, Pilar, bref, les habi­tants réels du vil­lage, lesquels tirés à hue et à dia par de amis de ren­con­tre, me plan­tèrent là. Un peu raide, ne sachant que faire de mes mains, de mes yeux, puis jugeant que je j’avais l’âge de pass­er out­re ces com­plex­es ado­les­cents, inerte, con­tent, en attente, je regar­dais venir. Vint Ale­jan­dro, le guide, un petit gabar­it, du reste bel homme. Assis sur le mur de l’an­ci­enne école pri­maire, il organ­isa deux groupes, l’un par­tant pour la cueil­lette des champignons, l’autre pour le repérages des oiseaux. Il y avait là des familles du vil­lage que je ne croise pas au quo­ti­di­en, des habi­tants de Puente, un cou­ple anglo­phone, lui en san­dales, elle affec­tant ce sourire plat des Sax­ons et, que je dis­tin­guais aus­sitôt, une femme pleine de qual­ités, je par­le de son physique. Sur le pont qui tra­verse la Lubière, les meneurs, un ornitho­logue et un biol­o­giste dis­tribuent à qui le veut des livres de plantes et des antholo­gies de rapaces, puis nous avançons le long de la riv­ière, faisant étape chaque fois que vole un spéci­men notoire ou qu’une fleur mérite com­men­taire. S’in­stalle alors un jeu de regards — du moins, il me sem­ble — qui con­siste pour cette femme et moi-même à faire comme si — quoi? — nous ne nous étions pas remar­qués. Ce qui me vaut, chose par­mi toutes effrayantes, de pren­dre l’ini­tia­tive. Après quoi, l’échange pre­mier, banal, ron­de­ment mené, je dois par force con­stater: mon prob­lème est cer­tain, seules m’in­téressent les femmes à prob­lème. Oh, nous par­lons! Mais sans l’air d’y touch­er, avec des yeux froids. Cepen­dant passe un vau­tour, nous étu­dions la mar­guerite jaune et une vipère échouée au milieu du groupe que vient de neu­tralis­er un colos­sal berg­er des Pyrénées appar­tenant à un “insum­iso”, en tra­duc­tion, un hip­pie néo-rur­al. Au gré des haltes, je me déplace ici et là, nouant des con­ver­sa­tions, pour revenir vers une autre femme, moins raide dans ses pro­pos, dis­ons con­fi­ante, qui, par chance, se trou­ve être de l’amie de la précé­dente. Lesquelles, après une dis­cus­sion polie sur le D.F. de Mex­i­co me deman­dent ce que je fais. Alors la fille froide (je car­i­ca­ture), s’ex­clame : “mais moi aus­si, je suis écrivain!” A en juger par les pro­pos suiv­ants, je veux la croire, du moins sait-elle ce qu’il en est de l’écri­t­ure. La balade ter­minée, nous entrons dans le bar du vil­lage (il ouvre pour l’oc­ca­sion, les prix se chiffrent en cen­times) où j’ex­plique que je comp­tais courir ces quar­ante kilo­mètres et que c’est le voisin, Ale­jan­dro, qui m’en a dis­suadé.
-Les… Demain? Nous y serons. Tu viendrais?
Aus­si ai-je pris la voiture pour aller retir­er in extrem­is un dos­sard, et de retour à Agrabuey, j’ai suivi dans les rues la “ron­da”, cou­tume qui con­siste pour une bande flok­lorique à jouer dans les rues en se faisant offrir des gour­des de vin, du chori­zo et des olives.