Patrimoine

Con­sti­tu­ants de la mémoire immatérielle du monde, le silence et la soli­tude; et ses sché­mas délétères, le bavardage et le divertissement. 

Ecriture

Acheté 102 litres de bière puis passé 80 heures à recopi­er Diplodocus. Jamais je n’au­rai pen­sé que ce fut aus­si long. Le roman tenait dans deux cahiers de petit for­mat. Il est vrai que je ne savais pas taper sur un clavier et qu’au­jour­d’hui je ne sais plus. Avan­tage d’avoir atten­du pour ce tra­vail de mise au pro­pre, j’avais oublié l’his­toire du per­son­nage. Je l’ai redé­cou­verte en lecteur. Con­tent du résul­tat mais c’est un roman écrit par un fou. A côté de cela, peu de répons­es des édi­teurs suite à l’en­voi de l’es­sai Gou­ver­nance et Gam­ing — Pren­dre le con­trôle du réel. Her­mann de Paris félicite pour la “rigueur de l’analyse philosophique”. Bon point. 

Route

De pas­sage à Lau­sanne (une demi-heure). Gala me donne ren­dez-vous devant la Boulan­gerie du deux­ième jour (con­cept: acheter moins cher le pain d’hi­er). A l’heure dit, j’y suis, elle n’y est pas. Il pleut. L’Arabe du Petit-chêne vient de me chang­er l’ar­gent que j’emporterai en Espagne. Mes poches sont pleines. Où est Gala? Au Palace. Par­tie arrière, café, salon, elle grig­note des petits crois­sants servi sur plateau d’ar­gent par la nou­velle pop­u­la­tion noire, jaune, rouge et du monde entier. Mes fess­es dans le canapé cinq min­utes (de trop) avant de repren­dre la route. Halte en France voi­sine, au trou de Gail­lard, pour rem­plir le réser­voir d’essence chez Inter­marché, puis mise en route, neuf heures de con­duite. Le soir je suis à Port-Laura­gais, près de Toulouse, le van rangé sur l’aire de repos par­mi les camions litu­aniens, roumains, espag­nols, et je mange à bord, et je dors devant le canal aux pénich­es de location. 

Schiffenen

Une semaine sur le park­ing, place E4, grâce à une aimable voi­sine qui a dégagé sa voiture, sorte de dé à coudre élec­trique, pour que je puisse y installer le van. Brouil­lard, nuit, douche glacée. Le soir du deux­ième jour (la journée je tra­vaille à Fri­bourg à la fab­rique du cube), je sors un cahi­er et prends mes notes. Ce camp­ing pour 250 rési­dents âgés, en sur­plomb du lac de bar­rage, avec ses étranges vis­i­teurs emmi­tou­flés qui tapent des balles de golf les pieds dans la neige, cela se racon­te. Pro­jet de réc­it: Schif­f­e­nen abyssal. 

Saint-Augustin

Nuit sur le park­ing de la vieille-ville de Fri­bourg. Croy­ant à tort que le chauffage indépen­dant ne fonc­tionne que lorsque le van est branché sur secteur, je dors dans le froid. Tem­péra­ture à bord au milieu de la nuit, ‑5 degrés.

Schwartzsee

Nuit, neige, gri­saille. Il est à peine dix-huit heures. Cafés fer­més. Le camp­ing est au bout du lac, dans l’im­passe. Après la cahute des pro­duits en vente libre, farine fer­mière, miel arti­sanal, pommes de ter­res, le route devient chemin. J’ar­rête le moteur du van sur un ter­rain glacé. Les par­celles n’ont pas été dégagées. Il faudrait un tank pour se gar­er dans cette épais­seur de neige. Tem­péra­ture, moins 4 degrés. En chute libre. J’es­saie d’ou­vrir les armoires élec­triques pour branch­er mon chauffage indépen­dant, elles sont ver­rouil­lés. Le pro­prié­taire, au télé­phone a dit: “installez-vous, j’en­cais­serai demain”. De l’in­térieur des chalets en bis­côme, adossés à leurs poêles, les cou­ples de retraités me regar­dent véri­fi­er une après l’autre les armoires. 

Drôme

Camp­ing de l’Isle-blanc, le lieu est inédit. Logé dans une forêt, invis­i­ble du ciel, rangé con­tre un lac- bassin, acces­si­ble par une la départe­men­tale qui cir­cule entre l’aéro­drome et la cen­trale nucléaire. Aucun pan­neau. J’ai essayé, rien n’indique l’ex­is­tence de ce camp­ing. En juin, j’é­tais per­du. Je règle le GPS. Il m’é­gare. Véri­fi­ca­tion faite, je suis bien sur le site de l’Isle-blanc, mais le camp­ing qui porte ce nom est ailleurs. A‑t-il été démé­nagé? Désor­mais il se trou­ve à quelques cen­taines de mètres du vil­lage l’Homme d’armes. Un vil­lage qui com­mence et aus­sitôt finit, un vil­lage dont le bâti­ment prin­ci­pal est une usine. Je bifurque sur un chemin de terre, pénètre dans la forêt. Gala est éton­né. Moi aus­si, mais ce soir je suis cer­tain de ma direc­tion: j’ai pris des repères en mai, lors du dernier pas­sage. Le camp­ing est là, der­rière une porte grise, tirée, close. A l’in­térieur, pas un bruit. Vaste camp­ing, mais flou, enfon­cé dans la végé­ta­tion. Neuf heures que je roule. Nous avons accéléré pour aboutir car à dix-neuf heures le bar ferme, avec le bar la récep­tion, les gens s’en vont, le silence retombe, on entre plus. Horaire respec­té et pour­tant le bar est fer­mé. A l’Homme-d’armes il fai­sait encore jour, ici la nuit est tombée. Des phares jaunes trouent l’ob­scu­rité. Un Chrysler Wag­on cabossée avec à son bord une famille cou­verte de tatouages : “il faut deman­der un code”. Télé­phone, j’ap­pelle… Répon­deur. Nous quit­tons la forêt, remon­tons en direc­tion de Tri­c­as­tin, garons le van au Floréal, autre camp­ing, en ter­rasse celui-là, vue sur les chem­inées de refroidisse­ment. Sous les panach­es de vapeur j’en­file à grand-peine la capote isolante sur le toit ouvert. Il fait deux degrés. Sans la capote, impos­si­ble de dormir dans le lit d’étage. 

Fascisme

Par­ti­san du fas­cisme celui qui l’im­pose jamais celui qui le subit. Or, comme il faut pour l’im­pos­er que beau­coup le subis­sent, il ne peut exis­ter, au moins dans la durée, de pro­jet fas­ciste sol­idaire au niveau d’une société.

Bétail galactique

Quel spec­ta­cle de l’in­vis­i­ble ces vach­es aéri­ennes d’A­grabuey! L’é­cho des cloches tra­verse les nuages et vole au-dessus des toits mais quand l’on met la main en visière on ne trou­ve pour corps de preuves que des tach­es gris­es qui se meu­vent sous le ciel avec la légèreté du pollen.

Suite

La nais­sance est une décon­cen­tra­tion de l’én­ergie, à l’in­verse la mort est une con­cen­tra­tion. De ce point de vue, la fable de la trans­mi­gra­tion des âmes est peut-être plus qu’une fable, une recréa­tion hors du corps. Que ce soit dans un espace-temps qui admet les corps sub­tils (impondérables) ou sans espace ni temps.