Présence

Jouis­sance vis­i­ble chez cer­tains qui par­lent fort à dou­bler leur corps physique d’un corps sonore.

Recours au désert

Plus est dense la société plus les com­pro­mis sont grands. Bien sûr le matériel. Et le con­fort. La navette, le va et vient de l’ar­gent… Mais l’homme dans tout ça? Le plaisir? On se sur­prend, si jamais l’on y songe, à n’ex­is­ter plus.

Obstacle

Que nous dis­ent les gens? Qu’ils ne veu­lent pas savoir.

Chiens

Epidémie de chiens. Il n’y a pas fab­rique du silence, mais il y a fab­rique du bruit. Les ani­maux conçus en éprou­vette, con­géni­tale­ment per­tur­bés, aboient. Sur le marché, une bête de com­pag­nie pèse son poids de cro­quettes. Ain­si va l’é­conomie, elle pour­rit la vie des gens en mul­ti­pli­ant les nui­sances: qui rem­plis­sent les tiroirs-caisses.

Automne

Grand silence. Fontaine au loin, som­meil aidé — j’ai avalé pour tenir la dis­tance, éviter de longues plages dialec­tiques, à se per­dre et se chercher, de la méta­do­line. Endor­mi, je pense : “ça ne marche pas ce truc, je ne dors pas”. D’ac­cord, je suis fatigué. Donc je peine à trou­ver le som­meil. Avant de don­ner same­di huit heures de cours (défense, évac­u­a­tion, refuge), l’estom­ac per­foré par une tranche de cabil­laud dans son huile, je n’ai pas fer­mé l’oeil. Alors je récupère. Et j’ai mal partout (la par­tie pieds-poing du cours). Rêve qui tourne au cauchemar qui tourne au rêve. J’ap­prends à con­naître mes amis. Cer­tains que je n’ai pas vu depuis vingt ans. D’autres qui ces jours ne me font pas réponse mais, dans le rêve, avouent des traits de car­ac­tère que je ne con­nais­sais pas. Soupçon­nais. Traits qui sont étranges, dan­gereux. Je me ren­dors. Est-ce que je dor­mais? Cela va mieux. Beau soleil. L’oiseau est de retour. Il sif­fle. Je sif­fle. Nous cau­sons. Le matin, mais il est déjà tard, je me décide à cor­riger le pam­phlet. D’abord au jardin, alors que l’ou­vri­er fraise le por­tique de notre église, l’ou­vri­er est sous les nuages, au-dessus de la mai­son. Puis à mon bureau, ravi d’être aus­si out­ranci­er. Le pam­phlet, plus facile que l’es­sai. Dif­fi­cile d’écrire dans les règles de la rai­son. D’ailleurs! “Gou­ver­nance et gam­ing”, envoyé ici et là et encore et à mon édi­teur habituel, pas de réponse, pas même un accusé de récep­tion. Le monde, plat comme un marché où per­son­ne n’ose plus pub­li­er son opin­ion, dire sa posi­tion, revendi­quer son idée.

Demain (notr pays)

Nous écrirons les mêmes livres, nous enreg­istrerons les mêmes titres, nous par­lerons la même langue et aurons le même car­ac­tère, nous serons celui que nous ne sommes pas, soit ce que nous sommes; l’in­di­vidu aura son musée, la notion de “per­son­ne” devien­dra dif­fi­cile à saisir, un con­cept pour intellectuels.

Campagne

Ne pou­voir par­ler de rien avec per­son­ne, c’est aus­si un des plaisirs de la campagne.

Sumba

“D’o­rig­ines eth­niques divers­es, les nou­veaux arrivants apportèrent avec eux leur ani­misme, et des chevaux.” (Wikipedia).

Pays profond

Quand tu dis à un Espag­nol que tu es écrivain, c’est comme si tu lui dis­ais que tu es cos­mo­naute. Il te regarde dans les yeux, inter­loqué et se demande: “d’ac­cord, mais qu’est-ce qu’il fait?”.

Pompes

La voi­sine, au loin, au fond de son jardin. Vieille dame chenue le men­ton sur la poitrine. Elle a un livre sur les genoux? Elle lit? Dans mon jardin, sous le prunier, je fais des pom­pes, je souf­fle, je ahane. La vielle dame le men­ton tou­jours sur la poitrine mais je ne vois plus le livre. Tombé à ses pieds? Elle ne bouge pas sur la chaise. Elle a cal­culé sa posi­tion. Un ray­on de soleil donne sur sa tête blanche. Bien­tôt, me dis-je, je serai comme ça. Et je fais des pom­pes, encore des pom­pes. Oui, bien­tôt, je serai assis à atten­dre la mort. Ce que cela me fait? Rien. Je fais des pom­pes. Puis je sors du prunier, je m’a­vance vers la bar­rière. La vieille dame est en vue. Je salue de la main. Je crie: “oh la!”. Aucune réac­tion. Rien. Je me remets aux pompes.