Mois : mai 2018

Villes

Villes uni­verselles. C’est à dire neu­tral­isées, monot­o­nes, réduites à une expo­si­tion de camelote. Avant qu’il ne soit trop tard, il faut se pré­cip­iter dans Paris ou Bangkok où affleurent encore sous le décor de la mon­di­al­i­sa­tion quelque chose du passé his­torique (les mon­u­ments sont à éviter).

Machines

Quand la mémoire entière aura migré dans les machines, la vie s’étein­dra. En atten­dant, nous entrons dans le temps de la tristesse.

Malades

Ces gens pour qui la mal­adie est une rai­son de vivre. Affec­tés de ceci, de cela, tou­jours malades. Ne le sont-ils plus, ils cherchent le moyen de tomber malade.

Rêve

C’est un exa­m­en de cul­ture générale, dis­ais-je à Mon­frère, pas de théolo­gie, on ne te demande pas le con­tenu de Dieu!

Impasses

Je prends des notes, m’in­téresse au prob­lème des tours de Hanoï, fais la vais­selle, cherche des films de Julien Duvivi­er, de la musique indépen­dante; soudain j’éprou­ve le besoin de m’al­longer, ce que je fais sur le canapé. Une mouche m’a­gace. Je la tue. Une autre. Je la tue. A la troisième, suf­fit! Je descend dans la cham­bre à couch­er (elle est en par­tie enter­rée). Sur le point de rabat­tre les volets intérieurs, j’aperçois Sanz. Sa tête est à la hau­teur de la fenêtre. Comme un renard approchant des poules, il est à l’af­fût. Je toque con­tre la vit­re. Il sur­saute. J’ou­vre.
-Que fais-tu dans cette impasse?
-Il y a des femmes der­rière ton jardin, je voulais les voir.
Nous rions. Je fais le noir, je me couche. Pas de ver­tiges, mais une fatigue! Dor­mi dix heures la nuit dernière, je me ren­dors. A la fin, je rêve que je rêve. Gala est dans le couloir, adossée à la paroi.
-Maman!
Elle est aus­si dans mon lit.
-Maman, maman!
Un phénomène de bilo­ca­tion, me dis-je. Et pour faire venir Gala du couloir dans le lit, je crie:
-Maman!
Ce qui me réveille.

Reflux

En con­va­les­cence — mais de quoi?

Vertiges

De nou­veau des ver­tiges. A peine éveil­lé, la tête sur le côté, j’ou­vre les yeux et le corps bas­cule. Il s’en­v­ole, se posi­tionne au-dessus du lit, revient. Les yeux clos, je fixe un point imag­i­naire. Un peu mieux; mais je n’ose plus bouger. Or, il faut se lever. Assis, que se passera-t-il? Et debout? L’an dernier, à Pâques, dans ce chalet de loca­tion, à Hauteluce, lorsque le matin je me plan­tais devant le miroir de la salle de bains, à peine aperçu mon vis­age, le corps s’en allait m’oblig­eant à me retenir au lavabo.

Paroles

Sen­ti­ment que les gens ne par­lent pas. Ils par­lent, oh, ils par­lent, et en Espagne plus qu’ailleurs, mais il ne se dit rien, der­rière les sons c’est à peine s’il y a des mots, du sens, de la force.

Longue vie 2

Me tra­vaille aus­si l’idée d’un départ qui serait un arrache­ment heureux, toutes cir­con­stances habituelles mis­es de côté, de ces départs intem­pes­tifs pour des lieux sans attach­es (la légèreté ain­si acquise ayant pour fatale con­trepar­tie une appro­fondisse­ment de la solitude).

Longue vie

Je com­mence à trou­ver la vie longue en ce sens que je décou­vre avec éton­nement et même incré­dulité, quand l’oc­ca­sion en est don­née, pho­togra­phies, anec­dotes ou sou­venirs, celui que je fus