Mois : mai 2018

Querelle

Ces jours, occupé à me quereller à dis­tance, par mes­sages, avec Gala, dis­ons plutôt me bat­tre au vue de l’en­jeu, une défini­tive sépa­ra­tion, bien qu’il entre dans ce con­flit peu de mots écrits, d’o­raux aucun, ce qui laisse autant et plus de place au tracas.

La cognition

A l’in­stant au pied de l’église, en par­tie haute du vil­lage, pour lire ce livre épais au titre inquié­tant, La cog­ni­tion (je veux traiter des rap­ports entre cyberné­tique, postlibéral­isme et démoc­ra­tie de masse dans l’es­sai promis à l’édi­teur pour octo­bre) qui en plus d’être pas­sion­nant se lit plus facile­ment que je ne l’imag­i­nais, à moins que je n’ai fait de pro­grès de com­préhen­sion, ce qui au regard de l’ef­fort pro­duit l’an dernier lorsque j’ai com­mencé de tra­vailler le sujet est prob­a­ble. Du parvis de l’église, fer­mée depuis le départ du dernier curé devenu pro­fesseur de ski, on a une échap­pée sur la route qui ramène dans la val­lée de l’Aragon et sur les toits de notre quarti­er, prin­ci­pale­ment celui rénové avec des pier­res plates de la riv­ière et qui appar­tient à ce Madrilène dont la mai­son mérite d’être décrite comme une lux­ueuse forter­esse cam­pag­narde; comme je l’ad­mi­rais, la com­para­nt à ma mai­son qu’il con­viendrait d’ap­pel­er une “masure”, je me sou­ve­nais des efforts inter­minables (qui de fait se ter­minèrent par la fuite hors des lieux et du pays) con­sen­tis pour assainir, via­bilis­er et rebâtir, dans l’Ain, la cure de L’hôpi­tal où je m’é­tais instal­lé en 2005. Ces efforts m’érein­taient et impli­quaient l’in­vestisse­ment de fortes sommes de sorte que quand je ne tra­vail­lais pas à la mai­son, je tra­vail­lais pour pro­duire de l’ar­gent. Fix­ant le toit impec­ca­ble du Madrilène (il se dit au vil­lage que la mai­son a coûté deux mil­lions et en vaut aujour­d’hui, après la crise, à peine un), je remar­quais que, depuis deux ans que je suis à Agrabuey, son pro­prié­taire ne s’é­tait encore jamais mon­tré, me félic­i­tant de vivre dans une mai­son qui coûte, tous frais addi­tion­nés, moins de trente euros par mois, ce qui me per­met de lire, au pied de l’église, à l’heure qu’il me plaît, des livres tels que La cognition,

Faiblesses

Déclar­er vos faib­less­es vous rend aus­sitôt sympathique.

Pécores

Ces femmes, idiotes achevées, qui s’achè­tent une vir­ginité morale en fustigeant les com­porte­ments certes peu défend­ables des hommes avec qui elles étaient en com­merce sans s’apercevoir que ce procès, mon­té par les hommes du pou­voir, pré­par­ent leur prochaine déval­ori­sa­tion en tant que marchan­dise sex­uelle à l’usage des nou­velles pop­u­la­tion d’Eu­rope aux mœurs sex­uelles rudimentaires.

Rire

Les rats qui rient le plus sont préférés comme parte­naires de jeu.

Jungle

Quand la plu­part des con­sciences migre vers des réseaux-machines où le poids des trans­mis­sions tient en quelques mots, le vivant se raré­fie dans la jun­gle des textes.

Vérité d’Etat

G., cette femme de Lon­dres que je souhaitais ren­con­tr­er et avec qui j’ai pris con­tact, autant pour l’avoir aperçue et trou­vée char­mante que pour le car­ac­tère qu’an­nonçait son physique, mais encore du fait de ses préoc­cu­pa­tions intel­lectuelles, tournées vers le vélo de long cours et les vagabondages lit­téraires, habite dans un quarti­er de la cap­i­tale que je con­nais. Or, on y habite parce qu’on est pau­vre, donc faute de pou­voir le quit­ter (j’ex­clus cette rai­son, elle a des moyens, ses livres ren­con­trent le suc­cès), parce qu’on est musul­man (elle ne l’est pas) ou en rai­son, dernière option, d’un par­ti-pris. Ce qui, con­clu­sion oblige, me fait enten­dre que nous ne pour­rons con­vers­er que pour se heurter bien­tôt du fait de nos adhé­sions per­son­nelles. Telle est la divi­sion idéologique intro­duite dans notre démoc­ra­tie par la vérité d’E­tat. Rap­pel d’un temps récent, à l’est, où la méfi­ance démo­bil­i­sait toute ten­ta­tive d’ami­tié (reste l’amour, par nature dangereux).

Mai

Drôle de temps, dit-on chaque année en mai, c’est le cas; la mat­inée est ensoleil­lée, puis les nuages s’a­mon­cel­lent au-dessus des toits, les mou­tons bêlent, les gouttes tombent. Avant de se cloîtr­er pour éviter l’a­verse, les voisins sor­tent dans l’étroite rue boire un vin. Le paysan tape à ma porte. Je sors.
-Les vach­es de Rober­to ont vêler? Il m’a sem­blé voir tourn­er les rapaces qui chas­sent le pla­cen­ta.
Ensuite nous par­lons de Berlin. La fille du paysan s’est fait dérober son passe­port, il a fal­lut descen­dre à la ville où la garde civile à envoy­er un dou­ble à l’aéro­port de Shön­feld. J’évite d’in­sis­ter sur l’in­sécu­rité des cap­i­tales-poubelles, cela mèn­erait trop loin. Pour le voisin, c’est un cas isolé, faible­ment sta­tis­tique — vue d’A­grabuey la réal­ité est autre. Un craque­ment a lieu dans le ciel. Une grêle s’a­bat sur le quarti­er. Je ren­tre et dresse la tête. A tra­vers les Velux nou­velle­ment posés, je mesure la taille des pépites, songeant aux ceris­es de Sanz, inqui­et pour le capot de ma Dodge. On tape encore à la porte. Sanz, encore lui, il apporte un bol de “per­ro chico”, champignons ramassés à l’aube sur le ver­sant sud de la montagne.

Suite

Celui qui manque de suite dans les idées est un citoyen à l’u­til­ité pleine, adapt­able et sou­ple dans ses con­vic­tions, por­teur de vir­tu­al­ités, de direc­tions, bref un élé­ment sûr. A l’in­verse, celui qui marchant selon des principes, chevil­lé à des buts et mar­qué au sceau du car­ac­tère, n’or­donne son action à celle de la société que pour autant qu’elle con­vi­enne, est un citoyen à risque, objet de défi­ance voire de con­trôle. Reste celui qui n’a aucune suite dans les idées, le fou.

Problème

“Gala!”, appelle Gala, de sa voix habituelle, quelque part dans la cham­bre, alors que c’est la nuit, qu’il fait noir, que le vil­lage est silen­cieux et que Gala est absente, à des cen­taines de kilo­mètres. Le prob­lème, je ne dors pas.