Si nous autres Suisses espérons vivre demain aussi bien ou, si l’on préfère, aussi mal qu’aujourd’hui, le réquisit premier est d’admettre qu’il n’y a pas de démocratie dans notre pays, encore moins en Europe.
Vladimir
Ces jours, me saisit à nouveau une forte émotion en pensant au courage d’un Vladimir Boukovski. Des textes complets de sa confession de prisonnier publiée à l’époque sous le titre “Une nouvelle maladie mentale en U.R.S.S., l’opposition” me reviennent en mémoire. Voilà l’homme qu’il faut inviter dans les écoles.
Etudier
Professeurs, tenus aux règles de la charge, forcés de transmettre en tant que pièce majeur de l’école-outil la pensée critique sur la foi de textes littéraires imposés par une hiérarchie idéologue — si cette compromission ne me semblait méprisable, je les plaindrais. Me revient en mémoire cette discussion qui eut lieu sur les marches du Collège du Belvédère de Lausanne, l’année de mes quinze ans, comme nous attendions, élèves et professeurs, l’heure de rentrer en cours. Le maître de classe demandait à la ronde ce que chacun ferait l’année suivante la dernière année du cursus obligatoire venant bientôt à son terme. Apprentissage, école professionnelle, chacun fit réponse. Il se tourna vers moi.
-Quitter le plus vite l’école afin d’étudier, lui dis-je.
Mousse
Gala ne marche plus. Même dix mètres. J’exagère. Cinquante, cent, pour peu que j’insiste le double, mais alors cela hypothèque sur deux ou trois jours tout autre déplacement, aussi allons-nous en voiture, d’immeuble en immeuble, d’une rue à l’autre, ce qui revient à introduire sa vie dans le labyrinthe des lois, règles, traces, signes, cet alphabet d’interdits absurdes que le piéton peut, moyennant d’avoir cultiver son art, transgresser, mais que faire, l’alternative n’étant pas de l’ordre des possibles, et puis c’est elle qui conduit, c’est sa voiture, c’est ainsi, de sorte que l’Holiday Inn quitté, nous longeons le pâté d’immeubles pour se garer de l’autre côté de l’avenue et pénétrer dans une brasserie aux salles voûtées et plafonds peints où Gala demande à la serveuse en costume bavarois une bière “wenn es möglich is mit wenigem Schaum”, ce qui revient à demander une fondue sans fromage.
Allemagne 2
Une seule fois j’ai vu la voiture de Gala. Petite, grise, française, Citroën je crois. La précédente, une Honda foncée et plate, nous avons roulé des nuits entière à son bord, cherchant où coucher, où s’enfermer, se cacher, empruntant des appartements, des chambres et même un château pour le week-end, parfois loin de Genève, ou roulant dans l’herbe une couverture sur le dos, le passage d’une voiture à l’autre correspondant bien au changement de nature de notre relation, plus compliquée et disparate que jamais et c’est elle, cette voiture grise pareille à toutes les autres que je guette du fond du hall de réception du Holiday Inn de Berg Am Laim, qui surgit en effet dans l’allée autour de dix-huit heures, pointant du nez à gauche à droite comme je me précipite pour faire des gestes d’accueil, n’étant pas vu, redoublant de vigueur. Gala sort de la voiture et, comme si elle me trouvait par hasard, dit:
-Tu es là?
Armstrong
Dans son autobiographie, Lance Armstrong, le champion cycliste, fait l’éloge de la compagnie Nike, renvoyant toutes les critiques qui pleuvent sur les multinationales; atteint de cancer, il dit n’avoir jamais été lâché par ce sponsor, plus que cela et malgré le fait qu’il ne pourrait peut-être jamais plus courir, il raconte avoir été soutenu moralement et financièrement, décrivant une relation placée bien au-dessus des enjeux de pouvoir, opinion à contre-courant de la caricature et d’autant plus intéressante qu’elle contraste avec ce que rapporte par exemple Michael Moore de ce rendez-vous avec le PDG de la marque qui tout en connaissant la démarche du réalisateur le reçoit avec sympathie, mais refusera toujours de le suivre dans la visite de ses propres fabriques aux Philippines. Jugements qui réflexion faite ne sont pas exclusifs dans l’approche néo-libérale laquelle ne conçoit pas les règles du jeu comme relevant de l’universel.
Ducasse
Mort à vingt-quatre ans, Lautréamont, dont on ne sait à quoi il succombait, est peut-être mort deux ans plus tard. Venu de Montevideo étudier dans les Pyrénées — Pau et Tarbes– puis à Paris où il écrit les Chants, il est inhumé dans une fosse commune en 1871, exhumé l’année suivante, à nouveau enseveli. Etrange constat pour notre époque si proche qui cultive le détail jusqu’à l’aberration, l’acte de décès du poète mentionne “sans autres renseignements”; à distance, cependant les enquêtes, on ne sait toujours pas.
Francis
Fukuyama avait raison- ce qui confirmerait, c’est mon avis, qu’il était commandité par les think-tanks néo-libéraux- nous touchons à la fin de la dialectique, c’est à dire à l’inopérabilité de l’argumentation dans un système techno-instrumental qui projette toute position de discours sur un écran blanc où aussitôt il s’efface au profit de la narration générale