Voiture (rêve)

A L’u­sine de Genève. Au bar. Les amis me trou­vent téméraire d’être là, à boire avec eux, alors que je devrais répéter au local.
-Tu as ton con­cert!
En effet, la date est proche. Jeu­di. Et les musi­ciens, mes musi­ciens, où sont-ils? Au mur, der­rière le comp­toir, l’af­fiche-pro­gramme. Le nom de mon groupe est inscrit. Impos­si­ble de reporter. J’i­rais sur scène, seul, je ne sais pas chanter, je ne sais pas faire de la musique. Je serai ridicule. Main­tenant, je marche dans la nuit, sur un chemin de cam­pagne, en direc­tion d’une ferme. Près de la grange, deux voitures sur­gis­sent. Elle appar­ti­en­nent à ma famille. En sens inverse, un 4 x 4. Lancé à grande vitesse, il per­cute la pre­mière voiture qui se retourne, grimpe sur la deux­ième qu’il écrase sous ses roues, patine, rugit, tombe en bas de la pente, échoue dans un champ. Ma famille s’ex­trait des car­cass­es de voitures, encer­cle le 4 x 4. Il redé­marre, part à l’as­saut du chemin d’où j’as­siste à la scène, ne peut franchir l’ob­sta­cle, fait un ton­neau, s’im­mo­bilise. Une damne en sort. Petite, bour­geoise, blonde, française, arro­gante. Elle ful­mine. Dis­cus­sion houleuse, cris, men­aces. Le pique-nique sera retardé. J’al­lume le bar­be­cue. Le feu prend, les flammes gran­dis­sent. Elles lèchent le ven­tre d’un camion. Le bar­be­cue est placé sous son réser­voir. Mes enfants, qui ne se doutent pas du dan­ger, se glis­sent sous le camion. Je veux crier: “Sortez de là!”, au lieu de quoi je pense: “inutile, ce sera le truc clas­sique du mau­vais rêve, on est sans voix!” Alors, j’agite le doigt de gauche de droite, pour faire com­pren­dre à Luv et Aplo qu’ils ne faut pas aller par là, que l’ex­plo­sion est immi­nente. Ils ne font pas cas. J’empoigne le bar­be­cue. Il résiste. Il est enté sur un cadre de vélo. Je fais levi­er. Le camion bas­cule. Je mets le bar­be­cue en lieu sûr. Il est éteint. Le feu est resté sous le camion. Con­tre le réser­voir. Déséquili­bré, le camion va tomber dans le ravin. La Française au 4 x 4 quitte la ferme, elle vient dans ma direction.

Avion (rêve)

La fumée monte. Les pas­sagers chi­nois sont les pre­miers alertés. Ils se pré­cip­i­tent à l’ar­rière de l’avion. Je réveille Mon­frère. Calme, il est prêt à mourir.
-Et le per­son­nel! Que fait le per­son­nel?
Je m’agite, décroche ma cein­ture, cherche le poste de pilotage. Par le hublot, j’aperçois le sol, des prés, une ville. Nous sur­volons Fri­bourg, Lau­sanne, Genève.
-Autant s’écras­er sur Fri­bourg, dis-je, ces gens-là m’ont emmerdé, mais ils ont aus­si su don­ner. Lau­sanne, rien.
L’ap­pareil tangue. Il vire. Il s’en­gage entre deux parois. Des immeubles cal­cinés, fis­surés, délabrés. Au milieu des galeries borgnes, une expo­si­tion de Vol­vo. La lumière baisse. La fumée aug­mente. Un essaim de corps bleus. Venus du ciel, ils fondent sur le fuse­lage.
-Les extrater­restres!  Il fal­lait que ça se ter­mine ain­si, dis-je à Mon­frère. Lui, impas­si­ble, à pris la posi­tion d’amer­ris­sage. Je songe: “un de ces aliens va faire irrup­tion. Il faut sur­veiller la porte. Com­ment le décrire, quand il entr­era? Dois-je écrire “un homme est entré” ou “une créa­ture est entrée”. La porte s’ou­vre. L’ex­trater­restre jette une oeil à l’in­térieur de l’avion. Il s’en va.
Noir.
Hôtel d’aéro­port. Comme le reste, à l’a­ban­don. A Mon­père j’ex­plique:
“Je mon­tais l’esca­la­tor quand ton cousin a glis­sé sa main dans le sac à dos pour me vol­er Fr. 500.-. Je l’ai sen­ti, mais tu me con­nais, dans un pre­mier temps, je fais tou­jours con­fi­ance. Je compte les récupér­er coûte que coûte!”
-C’est de ma faute, dit Mon­père, j’au­rais dû te dire, je les lui avais promis!
Je le laisse dans la cham­bre, assis sur le coin du lit, la tête dans les mains. Le couloir d’hô­tel est jonché de reliques de nour­ri­t­ure. Char­i­ots de linge à terre, néons brisés, moquettes lépreuses. Je débouche au niveau Départs. La galerie com­merçante a été van­dal­isée. Au sol, des cen­taines de mon­tres et de lunettes. J’a­vance sur le bout des pieds. Les vendeurs en cos­tume-cra­vate me fix­ent avec dédain.
“Excusez-moi!“
Mes efforts pour cir­culer sans endom­mager la marchan­dise les lais­sent de mar­bre. Soudain, je talonne un réveil. Ils se met­tent en mou­ve­ment, d’une seule voix me gron­dent. Je m’en­file dans un escalier en col­i­maçon. J’écrase un autre objet. Je me retrou­ve au milieu des vendeurs. Ils font cer­cle. Je décoche un direct qui rate sa cible.
-Bande de lâch­es, vous êtes cinq!
Un coup de pied. L’at­taquant latéral est repoussé. Les autres se jet­tent sur moi. Je me débats, je frappe. Gala se réveille. Me réveille. Elle vient de pren­dre le coup. Trois heures du matin. Nous nous rendormons.

Italie 4

Ain­si, nous avons emmé­nagé dans l’ap­parte­ment de Gal­luz­zo sans vis­iter, payé sans venir (quinze jours que l’ap­parte­ment est à dis­po­si­tion), obtenu sans sign­er et décidé sur la foi des com­men­taires de ce garçon que Gala a ren­con­tré en octo­bre dernier, dans le mag­a­sin où je louais une vélo, et dont elle a aus­sitôt fait son ami inconditionnel.

Italie 3

Der­rière la poste, il y a une dis­tri­b­u­tion d’eau minérale naturelle et gazeuse. En façade, au-dessus des robi­nets, il est écrit: “gra­tu­ito”. J’ai bu dans mes mains. L’eau pétil­lante est légère, un peu iodée. Dès lun­di, j’achèterai des bouteilles à cap­sule. Sur la place du vil­lage, une obélisque et des kiosques à jour­naux en fonte. Au bas d’un immeu­ble, un marc­hand de vin et de bière en vrac. Au stade de foot­ball de Gal­luz­zo, le 9 juil­let, l’élec­tion de Miss Italie.

Italie 2

L’ap­parte­ment sur deux étages est logé dans une vieille ferme que les Flo­rentins appel­lent prob­a­ble­ment Palaz­zo. Sur la colline, une char­treuse émergée des cyprès avec ces cel­lules pour céno­bites. Un coq chante. Une oie chante. Un chien aboie. Celui des voisins. La femme vient d’ac­couch­er de jumeaux. Le mari les promène dans un dou­ble lan­dau suivi du chien, un spéci­men fab­riqué en lab­o­ra­toire. Aver­tis de l’ex­is­tence de ce chien, nous avons longue­ment dis­cuté, pour enfin renon­cer à la loca­tion. Gala a expliqué à la pro­prié­taire que “je ne sup­por­t­ais pas!”. Cela paraî­tra exces­sif, et requiert l’ex­pli­ca­tion: en Andalousie, en 2016, lorsque j’écrivais sur mon toit l’es­sai de philoso­phie , j’é­tais entouré de trente chiens (comp­tage effec­tué): ils aboy­aient jour et nuit. Puis, nous avons changé d’avis et décidé de pren­dre l’ap­parte­ment. Le pre­mier soir, dés­in­car­céré du dis­posi­tif autoroutes-péages-ponts-tun­nels, le chien vient à notre porte. Gala par­le et le caresse. Il repart. Depuis, silence.

Italie

Instal­la­tion à Gal­luz­zo, dans les faubourgs de Flo­rence. Par­tis le matin de Lau­sanne, nous avons roulé onze heures. Après la mon­tée du Sim­plon, der­rière des semi-remorques albanais trans­portant des voitures, puis cinquante tun­nels. La route du Pié­mont n’est pas encom­brée, elle est à l’ar­rêt. Gala appelle la pro­prié­taire et retarde notre venue. Une heure plus tard, elle rap­pelle. Nous avançons à vingt kilo­mètres heure. D’après ce qu’on nous dit, c’est l’é­tat habituel du traf­ic aux abor­ds de la ville. Ajou­tons que l’a­vant-veille, les mêmes prob­lèmes étaient vrais des routes français­es et suiss­es. Con­stat pénible et réjouis­sant: à vue de nez, les sys­tèmes s’ef­fon­drent. Pour l’in­stant, cela se chiffre en coups de colère, injures, résig­na­tion, frus­tra­tion, mal­adie. Bien­tôt, l’ef­fet soupape ne suf­fi­ra plus.

Rondes

Fête de deux jours dans Agrabuey. Same­di, prom­e­nades le long de la riv­ière et dans les sous-bois pour enten­dre chanter les oiseaux et cueil­lir des champignons; nous sommes au lit, der­rière le volet tiré. A midi, pre­mier café. Le temps de sor­tir dans notre rue quand reten­tit le son de la Ron­da qui joue des airs celtibères. Gala danse avec le paysan devant cent vil­la­geois, puis nous emboî­tons le pas, tournons autour de la place, faisons des haltes pour manger des beignets, du chori­zo et du fro­mage. Les hommes boivent du vin en lev­ant haut la carafe, une femme chante des airs d’Aragon. En début d’après-midi, la balade en musique se ter­mine par une danse col­lec­tive. Main dans la main, enfants jeunes et vieux tour­nent autour de l’orchestre. Nous allons tous au bar, cent, cent vingt per­son­nes, puis dans la salle com­mu­nale pour dîn­er d’une soupe à l’ag­neau. Après la sieste, la fête recom­mence. A deux heures du matin, nous sommes dehors. Les hip­pies gar­di­ens de chèvres, apicul­teurs, maçons, guides, pro­fesseurs de yoga font du rock (espag­nol). Gala qui a sor­ti sa zibeline se tient envelop­pée avec cette autre femme Suisse qui vit à l’é­cart du vil­lage, dans une val­lée rocailleuse, et tient un haras de chevaux. 

Maison

Prise, reprise, chaude, tor­ride, sur la table, au lit, puis paroles d’amour, apaise­ment des sens, rires, sourires, alcool. Vient la nuit. Soudain Gala adresse ses remon­trances : hier, je promet­tais d’a­cheter à une mai­son à Flo­rence, ce soir je sem­ble hésiter (je ne me sou­viens pas avoir promis, du moins dans ces ter­mes). La dis­cus­sion s’en­ven­ime.
“Et où veux tu que je ter­mine mes jours! J’en ai assez d’être trans­portée!“
J’en­tends et, mal­gré le ton, qui monte, monte encore, j’é­coute. A la fin, Gala attrape cet instru­ment qui mesure la pres­sion. Elle au max­i­mum.
“Il faut par­tir! Immé­di­ate­ment!”
- Où ça?
“Aux Urgences!”
-Quoi? Il y a deux mon­tagnes devant nous et je viens d’avaler cinq litres de bières!
“Tu veux vivre avec un légume? Tu veux que je fasse une crise car­diaque?“
A deux heures du matin, nous sommes dans une salle d’hôpi­tal. Infir­mières et doc­teurs s’oc­cu­pent de Gala. Ils piquent et mesurent. Une fois toutes les demi-heures, ils m’in­for­ment.
-Nous allons revenir. Ne vous inquiétez pas.
Cepen­dant, je me promène entre les pins, dans la nuit et le silence, l’œil dou­ble.
A cinq heures, l’hôpi­tal informe que le dan­ger est passé.

Rêve

Autour de la table ronde, amis et cama­rades de classe dis­cu­tent le pro­gramme. Séances de ciné­ma, con­certs, école, tout y passe. “Dois-je révis­er?” L’un des copains se dresse:
-Il n’y aura pas d’ex­a­m­en, sauf pour celui qui ne sait pas. Mais d’abord, qui es-tu pour ques­tion­ner ain­si? Serais-tu Jésus?
- Son patron!
Réponse qui provoque un tol­lé. On me jette dans un ascenseur. Puis j’as­siste à la pro­jec­tion d’un film. Dans le noir rôde l’ex­am­i­na­teur. Quand je lui échappe, me voici coincé dans un bus. Il trace des cer­cles, passe à prox­im­ité du bâti­ment où se trou­ve mon arrêt, repart. Je saute. Des incon­nus sont à ma pour­suite, mais je cours mieux et plus vite. Plutôt, je vole devant moi. Deux pas pour l’élan, une droite dans les airs. Hélas, le truc fait long feu. L’én­ergie faib­lit, mes jambes s’alour­dis­sent, je m’embourbe. Alors je vois que la ville, le pays, la planète entière sont inondés d’une eau sale que jonchent des détri­tus.
“J’ai bien fait de me réfugi­er à la cam­pagne il y a vingt ans”, me dis-je.
A la place du bâti­ment, un hôtel. A la récep­tion, des hommes en cra­vate. Le récep­tion­niste me fait annon­cer à mon père, lequel me présente son amant, un PDG Japon­ais. Habil­lé d’un cos­tume, il est couché en tra­vers d’un lit mat­ri­mo­ni­al.
“Jamais, me dis-je, je n’au­rai cru que mon père était homo­sex­uel!“
Autour de la table ronde avec mon ami C.W. que je n’ai pas vu (dans la vie réelle) depuis six ans.
-Et main­tenant, je demande, tu fais quoi?
-Je suis min­istre.
-Min­istre! Du sérieux!
-Oui, mais que le jeu­di, quand je dois organier le café à l’heure de la pause.
Sur ces entre­faites, je me réjouis de par­ler à l’a­mi retrou­vé, mais les occu­pants de la table, des vau­dois comme lui, l’ont recon­nu et l’as­sail­lent de ques­tions. Je demeure là, en silence, invis­i­ble pour ces vau­dois comme pour C.W.

Monstres

Le devenir mon­strueux des hommes et femmes mod­i­fiés par la plas­tique chirurgicale.