Sept musicien.nes réuni.es
Téléphone 2
Le voisin banquier d’Agrabuey, septante quatre ans, à qui je demande sa tondeuse, me coupe le gazon puis m’emmène chez lui où il me montre l’ancienne centrale de téléphone du village, un paravent à lucarnes muni d’un guichet derrière lequel se tenait sa grand-mère. En 1961, il n’y avait que trois abonnés dans la vallée, les autres venaient ici pour passer les appels.
Pompes
Enterrement de prince pour les hommes politiques, simples élus de la démocratie, tel Rubalcaba l’Espagnol, le pauvre, mort d’un ictus il y quelques semaines. Les partis coalisés défilent, signent les livre de condoléances, visitent la chapelle ardente brusquement montée au milieu de la Chambre des députés. Mais enfin, ce pauvre homme qui meurt comme ma voisine, un inconnu, tout le monde, n’est qu’un fonctionnaire, l’occupant d’un poste! Son rôle symbolique est neutre. Il n’est ni le roi de Thaïlande ni un dictateur de république bananière! Seulement un ouvrier choisi par le peuple pour mener à bien les tâches: de tels excès en démocratie soulignent assez la crainte que ressent la classe politique à l’idée de perdre la direction du spectacle.
Téléphone
L’échange des cartes SIM a eu raison de mon téléphone. Je l’ai jeté, en ai pris un neuf: lorsque je l’allume à Lviv, trente contacts russes. Evola: “un appareil recyclé”. Trop tard, j’ai effacé les lignes. Le soir, je rapporte l’objet. A la boutique, il redémarre. Le numéro ukrainien fonctionne, mais je manque d’unités. En Slovaquie, je n’y pense plus. A Madrid, il m’est nécessaire: je dois prendre des billets de train pour rentrer à Saragosse et Agrabuey et la confirmation de paiement exige un renvoi de code. Au bout de sept tentatives, la carte de crédit se bloque. Nous sortons boire. Gala commande un plateau de fritures. Il est servi avec un appareil qui distribue de la bière pression. Le matin, buffet à l’hôtel avec des Japonais qui participent à un salon de la téléphonie. Ils portent des étiquettes autour du cou. Par le métro, en route pour le centre de Madrid et la gare d’Atocha. Des queues aux guichets. A la machine, j’obtiens deux billets pour l’après-midi. Gala achète des chaussures d’été en daim souple. A la sortie du magasin, un motard monte sur le trottoir. Nous l’aidons à défaire le nœud de lacet qui l’attache à son levier de vitesse. “J’ai failli y passer!”, répète-t-il. A la tombée du jour, au départ de Saragosse, le bus par les montagnes, puis le taxi brousse de Pedro. En chemin pour Agrabuey, il me raconte dans les mêmes termes et avec les mêmes phrases qu’il y a un mois son futur séjour-paquet à Istamboul, en août, pour micro-implantation de cheveux.
Slovaquie-Espagne
Gare routière de Bratislava à 2h30. Toujours aimable, Evola m’accompagne. Il propose de prendre un café. En pleine nuit, accès verrouillés. Il rentre dormir. D’un bus débarque un nain. Le silence retombe. Autour des abris éclairés au néon, le chantier de la nouvelle ville, des tours de bureaux qui lorgnent sur le Danube. Un demi-heure plus tard, le bus de la Slovaklines est au complet. Je rouvre les yeux. Nous roulons à haute vitesse entre deux palissades grises: une vision de jeu électronique. Aux douanes de l’aéroport de Vienne, un personnel au ralenti et deux routards Finlandais. A huit heures, l’avion survole Madrid. Le nez contre le hublot, je repère la passerelle piétonne qui mène au village de Barajas. La trouver au sol est plus compliqué. Il faut enjamber des glissières d’autoroute, traverser des entrepôts, longer des parkings. Elle est à l’usage des ouvriers de l’aéroport. J’aboutis sur la Plaza mayor, commande du pain à la tomate et un café noir, puis vais dans un parc, choisis un banc, m’endors. En début d’après-midi, enregistrement à l’hôtel de Alameda de Osuna, puis départ en navette pour le Terminal 4 où doit arriver Gala (trouvant Jésus au volant, je me souviens que je lui avais promis une boîte de chocolats lors de mon dernier passage).
Bratislava 3
Excellente rencontre dans un Biergarten avec deux Slovaques, l’un géographe, l’autre barman à Prague. Tous deux d’une grande générosité, regrettant que nous soyons si peu conquis par leur capitale. Ils sont accompagnés d’une belle jeune femme qui a rencontré sur internet, la veille, son ami du jour, un Corse capitaine de yacht et “base-jumper” dont la modestie et la franchise, alors même qu’il raconte la vie de luxe que mènent ses patrons, est plaisante. Sorti pour prendre une bière à quatorze heures, nous sommes les derniers clients à partir, sur le coup des minuit, et rejoignons une petit brasserie dont l’originalité est de ne posséder ni tables ni chaises: les clients tendent leurs verres sous les fûts de cuivre puis gagnent la rue et ses bancs publics.
Bratislava
Arrivé ce matin en Slovaquie. Aussitôt dans la vieille ville pour un petit-déjeuner. A portée coule le Danube, large, rapide, jaune et brun et vert. Quais maçonnés et durs, buildings nouveaux, cafés sous parasols. Arrimés à des barges, les navires de croisière. Ils déversent des milliers de retraités européens et autant de Chinois qui avancent derrière des fanions et photographient encore et encore, les vestiges retoqués par le syndicat, toit à corniches, voûtes austro-hongroises, plaques commémoratives, pavé médiéval. Clou de ce parcours, le château, dressé sur la colline. En route, des colifichets, des kiosques à glace et des bars à hamburger. Lorsque nous obtenons les clefs de notre appartement Evola fait:
-Je n’ai même pas envie de ressortir!