La fumée monte. Les passagers chinois sont les premiers alertés. Ils se précipitent à l’arrière de l’avion. Je réveille Monfrère. Calme, il est prêt à mourir.
-Et le personnel! Que fait le personnel?
Je m’agite, décroche ma ceinture, cherche le poste de pilotage. Par le hublot, j’aperçois le sol, des prés, une ville. Nous survolons Fribourg, Lausanne, Genève.
-Autant s’écraser sur Fribourg, dis-je, ces gens-là m’ont emmerdé, mais ils ont aussi su donner. Lausanne, rien.
L’appareil tangue. Il vire. Il s’engage entre deux parois. Des immeubles calcinés, fissurés, délabrés. Au milieu des galeries borgnes, une exposition de Volvo. La lumière baisse. La fumée augmente. Un essaim de corps bleus. Venus du ciel, ils fondent sur le fuselage.
-Les extraterrestres! Il fallait que ça se termine ainsi, dis-je à Monfrère. Lui, impassible, à pris la position d’amerrissage. Je songe: “un de ces aliens va faire irruption. Il faut surveiller la porte. Comment le décrire, quand il entrera? Dois-je écrire “un homme est entré” ou “une créature est entrée”. La porte s’ouvre. L’extraterrestre jette une oeil à l’intérieur de l’avion. Il s’en va.
Noir.
Hôtel d’aéroport. Comme le reste, à l’abandon. A Monpère j’explique:
“Je montais l’escalator quand ton cousin a glissé sa main dans le sac à dos pour me voler Fr. 500.-. Je l’ai senti, mais tu me connais, dans un premier temps, je fais toujours confiance. Je compte les récupérer coûte que coûte!”
-C’est de ma faute, dit Monpère, j’aurais dû te dire, je les lui avais promis!
Je le laisse dans la chambre, assis sur le coin du lit, la tête dans les mains. Le couloir d’hôtel est jonché de reliques de nourriture. Chariots de linge à terre, néons brisés, moquettes lépreuses. Je débouche au niveau Départs. La galerie commerçante a été vandalisée. Au sol, des centaines de montres et de lunettes. J’avance sur le bout des pieds. Les vendeurs en costume-cravate me fixent avec dédain.
“Excusez-moi!“
Mes efforts pour circuler sans endommager la marchandise les laissent de marbre. Soudain, je talonne un réveil. Ils se mettent en mouvement, d’une seule voix me grondent. Je m’enfile dans un escalier en colimaçon. J’écrase un autre objet. Je me retrouve au milieu des vendeurs. Ils font cercle. Je décoche un direct qui rate sa cible.
-Bande de lâches, vous êtes cinq!
Un coup de pied. L’attaquant latéral est repoussé. Les autres se jettent sur moi. Je me débats, je frappe. Gala se réveille. Me réveille. Elle vient de prendre le coup. Trois heures du matin. Nous nous rendormons.