Mois : août 2019

Ciel

Sat­ur­er le ciel d’avions. Impos­si­ble de savoir ce qu’il était autre­fois. Bleu? Vide? Source de roman­tisme? Vecteur de pro­grès tech­niques? Sat­uré de Dieux?

Avenir

Dis­ci­pline d’avenir, l’Archéolo­gie de la con­ver­sa­tion. Ce que c’é­tait; com­ment cela prit forme; pourquoi cela disparut.

Autre monde

Partout des appels à la créa­tion d’un nou­veau monde. Les out­ils man­quent. A moins que ce soit l’homme. Car­i­ca­ture de ce qu’il était, dépos­sédé de son imag­i­na­tion par trois siè­cles de matéri­al­isme, il ne sait plus créer. Ce qui est par­ti­c­ulière­ment vrai du secteur le plus malade de notre société, les cap­i­tal­istes endur­cis. Gérants ou ren­tiers qu’un mode de vie fondé sur la cul­ture du corps a vidé des tout esprit : ceux-là s’en­fer­rent à vivre engoncé dans la matière ou, quand ils sont pris d’an­goisse, délirent sur le posthu­main. Mais les autres? Nous tous? Nous voyons le monde actuel cir­con­scrit, sat­uré, sur­in­ter­prété. Dans l’é­tat, nul ne juge l’ex­péri­ence pérenne (je ne par­le pas d’é­colo­gie, mais bien de psy­cholo­gie). Ce monde suc­combe, et nous avec lui. Mais alors pourquoi ne pas réa­gir? D’abord, parce que les out­ils de créa­tion, détru­its par un siè­cle et demi de cri­tique matéri­al­iste, sont rouil­lés et que nous avons trans­fér­er notre savoir-faire aux grands réseaux d’au­to­mates que con­trô­lent les cap­i­tal­istes endur­cis; ensuite, parce que sor­tir du monde plat dans lequel ces mêmes com­man­deurs nous enfer­ment est dif­fi­cile. C’est que nous man­quons de temps libre: comme dans tout total­i­tarisme en effet, le temps est aliéné. Enfin, parce que nous espérons “tenir encore un peu”, sen­ti­ment lié à l’é­pargne, c’est à dire au tra­vail con­sen­ti, dont nous atten­dons logique­ment une récom­pense. Et pour­tant, ce mou­ve­ment de sor­tie du monde actuel aura lieu. Je dirais même qu’il ne saurait tarder. Aus­si est-il urgent de four­bir ses outils.

Appel du vide

Une épidémie qu’il serait bon d’in­ter­préter: la défen­es­tra­tion. Je sais, le mot fait penser à de hauts événe­ments — car il sont ain­si qual­i­fiés — his­toriques, révo­lu­tion­naires et sou­vent, de l’aveu général, roman­tiques (non: tou­jours) — Con­stan­tino­ple, Ver­sailles, Saint-Péters­bourg… Aujour­d’hui, la réal­ité est plus quo­ti­di­enne, vul­gaire. Moins géopoli­tique. Les gens tombent des bal­cons et meurent (Mag­a­luf, Benidorm). Bas­cu­lent hors de fenêtres, soirées poudre et alcool, dans les meilleurs apparte­ments des cap­i­tales européennes (ou villes sec­ondaires, un de mes employés genevois est mort ain­si). Dévis­sent des ponts, des grues, des façades pour ten­ter le tour­nage d’une séquence d’héroïsme 2.0. à des­ti­na­tion du pub­lic virtuel. Un tal­ent de fin du monde.

Rietine 2

Ain­si, je pré­parais depuis une semaine — en imag­i­na­tion — la décou­verte d’un vig­no­ble du Chi­anti avec vis­ite de cave et dégus­ta­tion. Hier, Gala con­firme. Le pro­prié­taire nous attend pour midi. Ce matin, lev­és, brossés, nous embar­quons. Trois min­utes plus tard, nous sommes dans l’embouteillage. En direc­tion de Flo­rence. En direc­tion de la cuvette. Dans la chaleur. Un tick­et de péage à la main. Au pas. A regarder les autres occu­pants de véhicules. Qui nous regar­dent. Quand je peux (après huit kilo­mètres), je quitte l’au­toroute, je paie, je nous ramène à la mai­son. Morale: au mois d’août, con­tente-toi de ton imagination .

Rietine

Force est de l’ad­met­tre, je n’ai plus le courage d’en­tre­pren­dre aucune action matérielle com­plexe par cette chaleur et dans ce décor. Le régime de collines toscan est un spec­ta­cle pour les yeux qu’il vaut mieux goûter assis, un verre à la main, sous un para­sol. Car si la tem­péra­ture a bais­sé (il ne fait plus que 34 degrés), le flux des esti­vants demeure con­sid­érable: en cette semaine du “fer­ra­gus­to” cha­cun se pré­cip­ite hors de sa case. Or, pour franchir les collines par tun­nels, ponts et coteaux, il faut un véhicule. Bref, aus­sitôt par­ti, on est à l’ar­rêt par­mi mille véhicules, avec bam­bins, ani­maux, per­ro­quets, mate­las et grands par­ents. Les bouées sont gon­flées, la mer est encore loin.

Vie (après la mort)

Le réal­isme s’énonce en peu de mots. Les Stoï­ciens ne par­lent ni du par­adis ni de l’en­fer car ils ne sauraient exis­ter sans la con­science. Dans la mort, il n’y a rien de posi­tif: fin de la glose. Si l’idéal­isme occupe les rayons des bib­lio­thèques, c’est parce qu’il par­le de la vie. De la vie avant et après la mort. Chez les philosophes idéal­istes, il n’est jamais ques­tion de la mort. De là à autoris­er le soupçon, il n’y a qu’un pas: qu’ap­porte du point de vue philosophique cette lit­téra­ture spécu­la­tive sinon un pou­voir sur les vivants? Ou alors, par un retourne­ment qui sem­ble celui qu’a cau­tion­né l’his­toire des idées, nous auri­ons d’une part une majorité de philosophes qui dis­cu­tent du “regard que l’on peut porter sur la mort”, d’autre part des penseurs. Qui dis­ent, “la mort est le non-être”, ce dont nul ne peut parler.

Touffe

Sou­vent je demande, “sais-je encore regarder une touffe d’herbe, une dent-de lion, un arbre, le chat qui passe?” J’ai con­science d’être un hand­i­capé et je me réjouis: tout le monde n’est pas dans mon cas. Pour ce qui est de con­tin­uer à voir (les yeux), à con­stater la présence de ces éma­na­tions (les yeux et le cerveau), signes qu’il y a une terre sous nos pieds, sem­ble-t-il, la capac­ité s’estompe. Or, ce qui s’estompe là, c’est un rap­port au monde. A l’ex­térieur. Et alors? Sans extérieur, nous devien­drons ce que nous sommes, une chose lancée dans l’e­space, une con­for­mité, sans aucun con­trôle de trajectoire.

S’amuser

Jouant ma par­tie dans la retraite du monde, à nou­veau je m’a­muse. Je n’au­rais pu en dire autant ces trois dernières années: je peinais, comme piégé dans un vieux mag­a­sin dont on con­naît le stock. Le pas­sage douloureux est celui de l’ex­pul­sion. Il faut sor­tir de la matrice. Voilà qui est fait. Par­venu de l’autre côté, que fait-on? S’en­tretenir à grand ren­fort de labil­ité cer­vi­cale, du con­tenu, du sens, des sym­bol­es. Et prier pour que nul ne s’aperçoive que l’on a tourné le dos au monde obligatoire.

Afro-progressisme 3

Le sui­cide col­lec­tif auquel nous con­vient, telle une secte d’il­lu­minés, les asso­ci­a­tions de “sec­ours en mer” oeu­vrant pour l’ac­céléra­tion du tech­no-cap­i­tal­isme. Pour le sui­cide, j’ai une cer­taine sym­pa­thie: mais là encore, à par­tir d’une volon­té per­son­nelle et mûre­ment réfléchie, donc libre.