Mois : novembre 2018
Guadalajara 2
Guadalajara
Expérience genevoise 3
Dans un bar, rue Prévost-Martin, en vitrine, ainsi le veut la nouvelle mode, vous êtes exposé. Désespéré, je commande une canette. Une autre. Défilent toute l’arche de Noé. Des espèces, des variétés, des couleurs, toutes solubles dans le capitalisme, mieux qu’un programme de l’O.N.U. D’où une troisième canette: pour oublier. Et soudain s’installent juste derrière mon dos, en terrasse, trois skinheads. Habillement canal historique. Jeans javellisées, bottes rouges , têtes rases, polos. Mon moral remonte en flèche. Je sors. Je me réjouis de savoir comment ils se débrouillent. Après m’être présenté, je demande si je peux m’asseoir. Ce faisant, je leur glisse, afin de les rassurer, “j’ai quelques contacts chez Résistance helvétique”. Ils sursautent, montrent le poing, menacent:
-Fous le camp ou on cogne! Nous sommes des redskins!
Expérience genevoise 2
A la Trocante, cette librairie d’anciens au choix formidable. A la caisse, le propriétaire Baronne. Autrefois jeune con, aujourd’hui vieux con. Je me faufile entre les tas de livres, les paquets de livres et les livres, cherche, ne trouve pas, prend ce que je peux, en viens à ma demande.
-Avez-vous quelque chose sur la philosophie des réseaux?
Recroquevillé derrière un pile de livres, plus aigri qu’un cornichon:
-Sur quoi? C’est quoi?
J’explique en deux mots.
-C’est pas intéressant.
-Dommage.
-Non.
Expérience genevoise
Dans le bâtiment de la nouvelle université, rue Carl-Vogt, au milieu des ces jeunes magnifiques, femmes aux longs cheveux, gars solides, qui tous font plaisir à voir et j’imagine, ne demandent qu’à s’aimer et à s’entrelacer, à boire et rire, et jouir. Et que voit-on au sol? De gros autocollants ronds qui incitent à se méfier les uns des autres. Messages idiots, délétères: “il m’a mis la main aux fesses”, “tu n’es pas obligé de supporter tous les regards”, “depuis que j’en parle, ça va mieux”
Rêve
Avec l’écrivain O.T. dans cette salle à boire. La serveuse ne vient pas. Je me lève pour la quérir. Elle file. Je sors du café. Tout en me sachant attendu, je m’éloigne. Désormais, il me faut faire le tour de la ville. Le long de l’avenue, des kayakistes ruisselants. Ils tirent leurs embarcations de la rivière. Les dresse, les pose sur cales. Je bouscule un catamaran qui tombe. “Ce n’est pas moi!”, dis-je au chef de groupe. Je me rapproche du café où m’attend O.T, mais voici un marché. Je me faufile entre les marchandises éparpillées au sol, foulards, bracelets, encens, ceintures. Les chemins se referment. Je piétine des sacs, des mouchoirs, des montres. Est-ce grave? Sans perdre de vue mon but, j’interroge les hommes assis au milieu de la pacotille. Ils m’ignorent. Le café est encore loin.
Cravate
Malgré la cravate de l’hôte, le couple nous fit bonne impression. Cet objet usuel n’était pas en tissu mais de métal. Raide, patiné, il obligeait ce Monsieur d’âge moyen à parler haut et fort, le menton tendu. Au cours de la soirée, égayée par des chanteuses burkinabés, nous comprîmes que toute la vie du château tournait autour de cette cravate. A l’heure de gagner nos chambres, le maître d’hôtel l’enferma dans une vitrine. Cet enfermement fut précédé d’une courte cérémonie à laquelle les jumelles du propriétaire nous convièrent avec insistance.
New age
Rêver toute la nuit de l’hyperindividu. De la façon dont il considérera son corps et son esprit, ces deux composantes vides de l’être brut et, rationnellement, après évaluation des plaisirs recherchés, placera des demandes d’achat pour devenir quelqu’un, bifurquant à l’occasion sur la foi d’une publicité ou par l’effet de la concurrence mimétique.
Emballement
Et dans ce silence, au village, sans raison, l’esprit s’emballe, les nerfs sont agacés, je donne dans toutes les directions. L’essai, je crois. Hâte d’en finir, conscience que cela avance à petits pas. D’où cette accélération à vide. Comme pour me venger, je multiplie les affaires: élabore un projet de réseau d’affichage électronique, me renseigne sur les fabriques de T‑shirt au Cambodge, compile les extraits de ce Journal pour une revue parisienne, achète des billets d’avion, fais les plans de notre future chambre en bois, réserve et annule des hôtels, étudie mon “knife ans tomahawk throwing guide”, mène mon vélo à réparer, cuisine indien et castillan. Si bien qu’il semble que je suis en train de courir — sur place — un marathon doublé d’un parcours d’obstacles.