Guadalajara

L’Espagne du Nord au Sud. A mi-chemin. Hôtel d’étape à Guadala­jara, ville des Faubourgs de Madrid. Par hasard, la récep­tion­niste nous attribue la même cham­bre qu’il y a huit ans. Le choix pour­tant ne manque pas, l’établissement compte deux cents cham­bres. Je tire les rideaux. Devant nous, en pente douce, des prés semés de gira­toires, d’ossatures d’immeubles, de hangars à camion. Ils s‘étendent vers la Manche. L’été où nous avons fait halte dans cette cham­bre, il fai­sait quar­ante degrés. Des pul­vérisa­teurs d’eau arro­saient en rythme les rues com­merçantes. Un luxe tout munic­i­pal. Pour le reste, le pays bradait ses immeubles, les ban­ques étaient en fail­lite, les gens souf­fraient. C’était au plus fort de la crise. De la ter­rasse, je con­sid­ère le paysage. La nuit tombe. 

-Tu te sou­viens, fais-je à Gala, comme ce soir nous fix­ions le noir et soudain une ville entière de réver­bères fraîche­ment piqués s’est allumée. 

Les années, suiv­antes, lorsque je pas­sais seul, je véri­fi­ais ; ils étaient là, déposant leur halos orange sur un labyrinthe de bitume. Deux mille, trois milles habi­tants étaient atten­dus. Jamais le chantier ne démarra. 

-Ils ont rasé les réver­bères, dis-je à Gala.