Mois : novembre 2018
Pain
Distrait, je pose le pain à l’envers sur la planche. Gala se précipite :
-Le pain ! Jamais à l’envers !
Rêve
Monpère dort dans le même lit. J’entends des bruits derrière la cloison. De l’eau. Puis des voix. Je m’alarme. J’appelle. Je crie. Si bien que Gala se réveille :
-Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
-Rien, je te raconterai.
Cinq heures plus tard, après l’insomnie, je me rendors. Je rêve que je vomis de la bile noire. Monpère me demande :
-Que se passe-t-il ?
-Je rêvais, j’ai cru que tu dormais à côté de moi.
-Je parle de ce que tu as mangé.
«Sais pas, me dis-je, un produit pour l’entraînement ? »
-Qu’as-tu mangé ? insiste Monpère.
(il sait tout sur les causes et les effets).
Je réfléchis à ce que je devrais et ne devrais pas lui dire.
-Un petit pain ?
Platter 2
« Nous n’étions pas encore bien éloignés de Dresde lorsqu’un jour, comme je mendiais dans un village, un paysan qui se trouvait devant sa maison s’enquit de mon origine. En apprenant que j’étais Suisse, il me demanda si je n’avais pas de compagnons. « Ils m’attendent à l’entrée du village », répondis-je. « Amène-les ici », dit-il. Et il nous donna un bon repas avec de la bière en quantité. Nous fûmes bientôt en belle humeur et le paysan aussi. Sa mère était au lit dans la même chambre ; il lui dit. « Mère, tu as souhaité maintes fois de voir un Suisse avant ta mort ; eh bien ! en voici quelques uns que j’ai invités pour l’amour de toi ! » A ces mots, la vieille se mit sur son séant et remercia son fils de nous avoir régalés : « J’ai, ajouta-t-elle, entendu si souvent dire du bien des Suisses que j’avais grand désir d’en voir un ; il me semble que maintenant je mourrai plus volontiers. Allons, amusez-vous. »
Thomas Platter, Ma vie.
Platter
« Le soir, j’ai fait souvent cinq ou six voyages pour porter à mes bacchants, qui demeuraient à l’école, le fruit de ma quête du jour. Les gens me donnaient l’aumône volontiers, parce que j’étais petit et Suisse : en effet, les Suisses étaient très aimés et la nouvelle des pertes qu’ils venaient d’éprouver à la grande bataille de Milan avait excité la compassion générale. Le peuple disait : « Les Suisses ont perdu leur meilleur pater noster », vu qu’auparavant ils passaient pour invincibles. »
Thomas Platter, Ma vie.
Rincon
La plage est sous la pluie. C’est rare. Je décharge nos cartons, valises, vestes, ordinateurs, gare la voiture à un kilomètre, dans les hauts du village, car le nouvel appartement est en plein centre, devant la Plaza Mayor, l’immeuble donne sur l’arrêt de bus. Il est humide. A croire qu’il pleut dedans. Je me penche par la fenêtre. Très peu d’Andalous. Les terrasses sont en place, inondées. Les piétons rasent les murs. Nous nous mettons au lit. La chaleur du corps condense l’humidité. Nous sommes dans l’eau. Le matin, grands cernes. Gala est défaite. Même la crème n’y suffit pas. Et il pleut.
Essai sur le posthumanisme – dernier.
Péniblement corrigé sept pages en trois jours. J’y pense, j’y pense encore, pars pour l’entraînement, oublie. Au milieu de la nuit, je me réveille, j’allume, je me mets à travailler. A l’aube, je me recouche. A dix heures, je continue les corrections, avale des pâtes, y retourne. Pendant deux jours. Soudain, c’est fini. Jésus branche la clef qui contient le manuscrit, imprime, j’emballe, achète une enveloppe chez Sing, donne à la poste, rentre et dors. Dix heures, encore dix, puis onze.