Lorsqu’on accepte l’effacement de soi, c’est que l’on considère cette acceptation comme un acte de liberté qui, au nom de celle-ci, mérite d’être accompli en ce qu’il confirme notre personnalité. Ceux qui organisent et présentent cette possibilité d’acceptation ont, depuis longtemps, perdu le rapport à eux-mêmes et ne vérifient plus leur être que par le positionnement hiérarchique, soit la possibilité de proposer l’acceptation plutôt que de la subir.
Machina 4
Rationalisation technique d’un constat de psychologie: la propagande revient à constater la difficulté qu’à la personne à créer une idée et la facilité qu’elle a à s’approprier ce qui est de l’ordre des choses. Le constat fait, l’idée est chosifiée et proposée sous forme de consommable. Ce n’est plus le “croyez-ce-que- je-dis” religieux ou le “nous-sommes-la-vérité” totalitaire, mais le “cette-chose-formidable-qui-est-une-idée-est-faite-pour-vous-il-vous-suffit-de-vous-l’approprier”.
Machina 3
L’effet recherché de propagande, mais encore la brutalité de la formule du posthumanisme de “téléchargement de l’âme” suscite le rejet. L’âme n’est pas suffisamment désacralisée. Partant le télescopage est calculé et voulu: il s’agit de confronter un passé mythologique à la technologie. Toutefois, envisagé d’un point de vue moins militant, le sujet est bien sur la table. La cybernétique puis la philosophie cognitive ont réduit l’esprit (après avoir nié l’âme) et les utilitaires miniature inscrivent dans le réel, au quotidien, une société sans corps. Non pas qu’il n’y ait plus de corps, mais ce ne sont plus eux, les corps, qui donnent son sens au monde que créent les vivants mais les actes de communication enregistrés sur le réseau. A la rigueur, j’aimerais mieux sortir sans famille ni mes amis que sans le terminal de poche qui fait de moi un membre de l’interconnexion des cerveaux capables d’expression. La “fausse maladie” dite Covid fut une première tentative à l’échelle planétaire de supprimer le corps en niant l’utilité de l’espace, restant alors le temps comme lieu de vectorisation exponentiel du “devenir-soi”. L’émergence dans la machine est une métaphore de ce que les courants cognitivistes considèrent comme seul existant: une supra-additivité basée sur un calcul biotechnique. Il acte en théorie la disparition pour “non-consistance” de l’âme comme de l’esprit — en un sens ontologique. Mais surtout, il prépare effectivement le glissement sémantique qui permettra de passer du stade anthropologique antérieur (l’homme corps et esprit) au stade anthropologique programmé et volontariste d’une entité dont l’esprit programmatique (décodé puis codé en continu) absorbera le corps et dissoudra l’histoire de feu et de sang dans une léthargie machinique, pseudo-statique, alimentée et alimentant des serveurs qui, en circuit semi-ouvert, écriront l’histoire future de l’espèce.
Effacement 2
Que signifie “visiter des ruines”, écrivais-je à propos du site de Calakmul. C’est peiner devant des vestiges pour imaginer ce qu’était la vie des individus plongés dans la jungle et les superstitions, la guerre et les techniques, le soleil, la lune et l’eau. La rupture est complète. Du même ordre que celle qui mettra fin à la présence en scène de nos sociétés d’âme, d’esprit et de cerveau au profit d’un “autre” dont nous sommes aussi incapables d’imaginer la nature que nous sommes, quand nous passons des heures à “visiter des ruines”, incapables de se représenter la vie maya.
Art
Cent à cent-cinquante métisses protégés par des parapluies attendent sous un soleil brûlant devant le Palacio de Bellas Artes. Une employée du musée énumère dans un porte-voix les conditions de sécurité: consigne des sacs, temps limité, groupes restreints, distance, etc. Le succès des impressionnistes, même à l’autre bout du monde. Mais peut-être ont-ils raison. Je suis aller visiter le musée d’art moderne de Chapultepec (peintres mexicains): rien que des croûtes.
Plaza
Retour dans le D.F, quartier Revolución. Trop fatigué à l’aller pour profiter, je me rattrape, je marche des heures dans les rues (de Chapultepec à Allende) et me délecte des merveilles locales. Dès le lendemain j’ai mes repères: échoppe de jus qui fabrique des “vampiros” (carotte, carotte rouge, céleri, ananas), Kiosquito où l’on mange le meilleur Guacamole d’Hidalgo, gargote a tacos qui sert des “caguamas” (bière en bouteille de 1,120 cl).