Le truc c’est de chercher la station-service la moins visible, la mieux nichée, la plus intime. La différence sur le plein permet d’économiser l’équivalent d’un menu ou d’une tournée d’apéritif. Dis comme ça, la chose à l’air simple, mais il faut garder l’œil ouvert sur des centaines de kilomètres et analyser les panneaux perchés au fond des paysages. A Lodares, j’en trouve un derrière un petite cordillère. Edifice de tôle blanche dressé sur un terrain vague. Des semi-remorques à la manœuvre. Dans la cabine, une femme pompiste. Elle met ses gants, ouvre mon réservoir, fait couler le diesel. Le pied sur mon pneu Climate Cross elle demande:
-Sont vrais ces Michelin?
-Vrais? Oui bien sûr! Parce qu’il y en a des faux?
-Et comment M’sieur, y’a des faux en tout, les vôtres ils doivent coûter dans les 100 balles pièce eh bien on peut en trouver pour huit balles, de la copie chinoise.
A ce moment-là, un routier descend de son camion, il lance à la pompiste:
-Hé María, où as tu mis ton mari?
-Il y a longtemps que je l’ai envoyé promener! Non mais!
Elle se remet à taper du pied sur mon pneu:
-C’est comme pour les gosses, on en fait trois ou quatre, ou même cinq, et il y en a toujours un qui est une copie des autres et celui-là, il marche moins bien, il a pas de qualité, on peut rien en faire.
Puis elle se lance en dialecte dans un discours sur les vertus des vrais enfants et des faux adultes qui me fait rire aux larmes bien que n’y comprenne goutte.