Effacement de l’histoire. Les bars aux comptoirs de marbre, aux sols de sciure où résonnait la variété flamenco aujourd’hui tenus par des Colombiens ou des Roumains. Aux champs des Magrébins, aux chantiers des Africains. Le paysage change, la musique change, la population change. Les Espagnols anciens se réjouissent d’une petite Mercedes et regardent travailler les autres; les Espagnols nouveaux mangent des chips devant la télévision. Ils ont trente et trente-cinq et quarante ans, ils se plaignent de ne pouvoir faire de famille. Eux aussi regardent travailler les autres. Les plus dégourdis embrassent de grandes carrières universitaires alors qu’ils savent à peine écrire puis renforcent l’immense Etat dans l’Etat que représente la fonction publique, là-bas à Madrid et partout où l’Etat mande un délégué de Madrid. Cependant le grand-père meurt, son fils hérite de la Mercedes. Puis celui-ci prend sa retraite et le commerce (quincaillerie, boulangerie, boucherie, cordonnerie) ferme, que personne ne reprend pas même un Roumain ou un Colombien faute de savoir.