Dévoiement

Com­ment for­muler le prob­lème? Per­son­ne ne s’in­téresse plus à l’en­tourage vivant, sa famille, ses amis, son mari, sa femme, pour s’in­téress­er à ceux qui font méti­er de se ren­dre intéressant.

Vivent dans un rêve

Dans le kiosque, ce cou­ple d’hommes que je n’ai pas revu depuis vingt ans, à qui je dis: “cela va faire vingt ans, depuis le rêve précé­dent (je suis en train de rêver) et vous êtes tou­jours là! Il est vrai que vous avez vieilli”. 

-Encore quelques années de tra­vail et ce sera fini, mais on a aus­si fait des pro­grès. Regarde der­rière toi la Mercedes!

Je jette un œil par-dessus l’é­paule de mon inter­locu­teur et vois sur un park­ing une Mercedes. 

Je me réveille.

Je me rendors. 

Même kiosque et même cou­ple mais cette fois toute la scène au ralen­ti: elle présente les événe­ments qui ont eu lieu juste après mon pre­mier rêve, lorsque je ren­con­trais pour la pre­mière fois le cou­ple du kiosque et il s’ag­it d’un crime, le crime qui a con­duit mes deux inter­locu­teurs en prison et qui mon­tre ce qui s’est pro­duit entre nos deux rencontres. 

Vanga 2

LM repart pour San­ta Mar­ta. Je loue dans un hôtel pop­u­laire der­rière la can­tine des chauf­feurs de bus. Fenêtres sur couloir, chaleur suf­fo­cante. Pour se diver­tir, le jeune récep­tion­niste envoie pen­dant des heures une balle con­tre le mur, pen­dant des heures je me demande ce qui peut bien faire ce bruit.

Vanga

Sur la plage bondée, nous sommes dimanche, véri­ta­ble spec­ta­cle , baigneurs et indi­gents, pêcheurs, col­por­teurs, et musique, partout de la musique et des dans­es. J’at­tends LM qui pour­suit je ne sais quelles dis­cus­sion déci­sives pour l’avenir de son ter­rain situé en par­tie haute de la com­mune. Il en revient épuisé, con­tent, nerveux, sauf qu’il m’en par­le depuis le début de la semaine matin et soir (sans me don­ner pour autant les clefs du prob­lème) et que j’en entends van­ter les mérites depuis bien­tôt dix ans, donc main­tenant que nous sommes ren­dus, je demande à voir. Nous grim­pons au-dessus de la plage. Ter­rain de deux mille mètres sur le côté d’un hôtel de taille moyenne, vue dégagée sur la mer mais socle rocheux, en forte pente, exigeant un tra­vail à la dyna­mite. LM a plan­té et peint un gros pan­neau de bois : « ce ter­rain est à LM, il n’est pas à ven­dre, pas à louer, il est à moi ».

Hors-murs

Trente jours en ville. Je trou­ve une loca­tion de tentes de camp­ing dans un palmeraie du parc Tay­rona. LM aimerait que je descende en ville, je reste sous ma tente. Soirée à l’am­poule avec d’aimables français (qui se gar­dent de par­ler de la France) et une famille fri­bour­geoise qui vit en basse-ville, con­naît les gens que je con­nais, revient du Pérou, du Hon­duras, a débuté son voy­age sur des vélos couchés, le long du Danube, avec les trois enfants.

Hotel Jardin 3

Ves­tige de l’époque de la « fausse mal­adie » mais surtout illus­tra­tion du pou­voir néfaste des admin­is­tra­tions, une fiche au-dessus du lavabo explique com­ment se laver les mains en 11 étapes.

Hôtel Jardin 2

Tan­dis que je par­le au télé­phone avec Aplo, une tortue passe devant mes pieds. Elle porte son nom sur la carapace.

Hôtel Jardin

Endor­mi, je rêve que je suis dans la cham­bre d’hô­tel – j’y suis en effet – je la vois telle qu’elle se présente depuis le lit, vestibule, salle de bains, court bureau. Quand une porte s’ou­vre. Je me réveille. Dans le noir je cherche quelle porte a pu s’ou­vrir, si elle est bien ouverte. Aucune porte ouverte, d’ailleurs il n’y a pas de porte de ce côté de la chambre.

Route

De Bar­ran­quil­la a Rodadero, inter­minable champ d’or­dures. Les maison­nettes en car­ton for­ment sur le côté droite des lotisse­ments gris sable. La vie se joue au ras du sol. A l’ar­rière-plan, dans les lagunes, cabanes de pêcheurs sur pilo­tis reliées par des pon­tons de planch­es. Les enfants marchent devant eux, la démarche molle, comme s’ils allaient tomber. Même le ter­rain de foot­ball (un tous les cinq cent mètres) est jonché d’or­dures : bouteilles sèch­es, sacs plas­tiques, seaux en charpie. Du côté gauche, c’est l’Océan et le vent.

Direction Santa-Marta

LM me donne ren­dez-vous à l’aube. Il pren­dra le pre­mier bus. A Bogo­ta déjà il dor­mait peu et même moins, trois heures par nuit. Si je me lev­ais, je le trou­vais assis der­rière la porte de ma cham­bre, dans le noir, à mâch­er du bois doux ou un morceau de cig­a­re. Mais voilà, il va mieux. Depuis qu’il a les cheveux coupés, depuis que nous sommes dans les Caraïbes il « voit » com­ment résoudre son prob­lème de ter­rain à Van­ga (un faubourg de San­ta-Mar­ta) et il a pris ren­dez-vous avec le chef de la com­mu­nauté indigène, l’ar­chi­tecte munic­i­pal et quelques frappes locales (au besoin), la solu­tion est en vue, ça va. « Donc on se voit à 5h00 au bus? ». Évidem­ment non. Je suis en vacances et d’ailleurs ce cauchemar qui est de se lever tôt, je l’ai chas­sé de ma vie. Aus­si lui dis-je de par­tir devant et après le petit-déje­uner (éter­nel oeufs-arepa) je me rends à la cen­trale des Berli­nas Mar­bel­la près de Get­se­mani, monte dans un mini-bus pour Bar­ran­quil­la. Nous lon­geons la côte de Carta­ge­na, filons entre des ter­res marécageuses défrichées pour recevoir des tours d’habi­ta­tion (boîtes d’al­lumettes posées sur des aplats de mousse), nous roulons droit devant, par­al­lèle aux vagues gris­es qui bat­tent ce désert quand mon télé­phone sonne. LM part pren­dre le bus, il est midi. Cinq heures plus tard je descends juste avant San­ta-Mar­ta, à Rodadero, aggloméra­tion de grat­te-ciels bâclés en bord de mer et dors à l’hô­tel Jardin dans un bun­ga­low entouré de tortues.