Noël (toute la journée).
Picaresque (2)
Toujours occupé à écrire La Table. Sans précipitation ni sentiment de devoir. L’esprit est bonhomme, ce qui ne me ressemble pas. A vrai dire, je n’y pense qu’au moment d’ouvrir sur la table l’un de ces grands cahiers de dessin chinois. Couché à l’horizontale, il permet d’écrire de longues phrases. Je fais cela au stylo, avec sur le côté un ordinateur qui affiche des cartes car je n’ai aucunement en tête la géographie du plateau Tolédan, lieu de l’action Cet après-midi, j’atteignais à peu près la moitié du texte et tirais mon personnage, l’ébéniste Paco dont la couille gauche a la taille d’un melon, d’une affaire difficile: caché derrière une pierre au milieu de la forêt, là où les bûcherons ont dressé leur camp, il lui fallait échapper à leur vindicte. Or, Paco est lent, très lent. D’ailleurs il ne marche plus (le handicap de la couille), il rampe.
Dernières nouvelles de la dictature
“Assez!”, écrivais-je. Ne suffit pas. “Folie” vaut mieux. Qui montre ce que ces gens du contrôle politique ont en tête. Et qui à la faveur de la tempête apparaît pour ce qu’il est: monstrueux. Donc nouveau projet de loi en France, proposé il y a quelques heures par le premier ministre, de tracer les mouvements des citoyens jusque dans la sphère privée, cela au motif d’un “état d’urgence” à l’avenir institutionnalisé, cela sans besoin d’en passer par le parlement. Autrement dit, ce qui restait du peuple, un semblant de représentation, est ici nié. Extinction des feux! Chacun chez soi! Députés, représentés, ouste! Loin on vous dit! Voici confisqué le droit des corps et des esprits à être des singuliers, des non-choses. C’est entendu, légalement. Bonne vieille méthode: la loi. Impressionné, je relis trois fois la proposition de texte (Projet de loi no 3714 instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires). Concrètement, ces factotums du mondialisme veulent vous empêcher de voyager, de faire l’amour, de conclure des contrats, de débattre avec vos amis, de voir vos enfants, ces factotums veulent vous empêcher de vivre et de penser, de vous exprimer comme d’exprimer vos jus. Pisser? Vous avez besoin de pisser? Simple: il suffit de montrer son passeport. “Monsieur, manque une case! Voyez, là! Elle n’est pas cochée. Vous comprenez ce que cela signifie? Vous n’êtes pas en ordre! D’ailleurs, pourquoi avez-vous quitté votre domicile. Ce ne sont pas les heures légales de travail que je sache? Oui, on est en France Monsieur, mais la France, ce n’est pas chez vous. Elle a un propriétaire maintenant. Ah, moi, ce que j’en pense… En attendant, montez dans le fourgon! Comment? Ah, je ne sais pas Monsieur, faites dans votre culotte.” Peu après, j’apprends par Le Figaro (site internet, 21h30) que la proposition de loi serait retirée. Que s’est-il passé? Ingénierie? Coup de semonce? Ou les imbéciles de la caste gouvernementale, tout excités de pouvoir se défaire un instant des problèmes liés au chaos national, ont pris d’allure les autres dirigeants internationaux? Soudain, en coulisse, un téléphone aura sonné. Un plus gradé les aura rappelé à l’ordre: “attention hein? on fait comme on a dit, personne ne grille les étapes. Allez, on va arranger ça… A demain!”?
Picaresque
Toujours à rédiger La table. Une heure par jour, à peine plus. Avant comme après, je pense au texte. Il m’arrive de sécher ou, comme ce matin, d’entrevoir les développements et de les produire. Dix jours que je n’ai pas quitté le village d’Agrabuey. Pendant ce temps, je n’ai parlé qu’avec mes voisins, soit deux personnes et le maire, qui bâtit pour moi une nouvelle cheminée. Accroché au toit, il me nommait les résidents de Saragosse, Huesca, Andorre, Pampelune: “Untel arrivera le 23 décembre, Tel autre le 26…”. Puis la radio donne la nouvelle: interdiction de quitter sa province, sa ville, son quartier. Le silence va se prolonger. D’autant plus que l’on se garde désormais de dire que le fascisme est installé (preuve qu’il l’est). Pour la première fois, le bruit de la rivière arrive à ma porte.
Avent (2)
Le sapin couché dans l’entrée, je me suis mis en quête du pied. J’avais en mémoire un tripode vert de métal, me souvenais de sa taille et de son poids. Visitant les dessous de lit, les bas d’armoires, les cartons, je ne trouvai pas. M’apercevant enfin, lorsque je déballais au milieu des boules et guirlandes une plateforme achetée à Fribourg récemment, que le pied dont m’était revenu l’image était celui de mon enfance à Helsinki, j’avais alors six ans.
Assez! (11)
Les immigrés que l’Etat importe des terres primitives de l’homme se tiennent désormais ici, sur notre sol d’Occident, comme ils se tenaient auparavant, dans leurs lointains déserts, au pied des images télévisées de la propagande hollywoodienne. Chaque jouir ils espèrent. Chaque jour ils espèrent un peu moins. Le rêve brisé, ils campent sous les ponts, avalent de la mauvaise drogue et récoltent quelques francs européens distribués par la Sécurité contre bons services (ils sont venus). Pendant ce temps, nous autres imbéciles pleurnichards, cantonnés dans les étages des immeubles de rapport, fixons la rue avec une angoisse nouvelle. Car les énergumènes à peau sombre couchés sur le trottoir donnent un aperçu du destin universel que préparent les faux dirigeants. Et quoi? Eh bien, nous aurons tout perdu! Nous comme les immigrés. Eux n’auront rien obtenu du rêve mercantile qui leur était vanté. Nous autres aurons tout bradé de notre savoir-vivre. Ainsi en ira-t-il de ce monde programmé où, de la fosse, nous peinerons à savoir voir ce qui se trame sur la hauteur. Là intervient le tragique de l’histoire. Jusqu’ici, nous avions comptabilisé deux perdants. Troisième et dernier, donc. L’instigateur de cette merde. Sur la hauteur, les néfastes ne profiteront que brièvement de la destruction de la liberté. Passé la période de débauche et d’illusoire liberté, ils s’entretueront.
Immeuble
Longue barre d’immeubles surmontée de grues. Sur les toits, des centaines d’ouvriers. Ils dirigent la levée d’un paquebot. Les treuils enroulent, les bras pivotent, la coque du navire craque. Le paquebot est hissé le long des façades sous le regard de milliers d’habitants. Mais le poids est lourd, trop lourd. Un balcon se fissure, puis un pan de mur, l’immeuble entier menace de s’effondrer. Gala habite un studio au douzième. Je cours, je pénètre dans l’épicerie: “Mon portable est cassé, que l’on me prête un téléphone! Vite, un téléphone…!”. Une Sud-américaine range ostensiblement le sien. Je me précipite, elle tourne le dos. Une vieille dame, aux personnes de la boutique: “qui est-il, pourquoi lui prêter un téléphone!”. “C’est Gala, je crie, l’immeuble va s’écrouler, tout les locataires mourront!”, et je récite son numéro: “00–41-718…”. Une gamine ouvre son sac, prend son téléphone, consulte ses messages.… “Pitié! Mademoiselle…!” Lentement, très lentement, la gamine: “Bon, bon, voilà… Quel numéro vous dites…?” “Zéro, zéro… quarante et un… sept-cent dix-huit…” Elle recule: “mais, c’est à l’étranger ça! Vous offrez quelles garanties en somme?”.
Maison
Chaudière à l’arrêt. La question étant: “quelle température annonce-t-on pour cette nuit?” Puis au réveil: “trouverai-je quelqu’un pour réparer avant les Rois mages?” D’autant plus que les gens du coin, dégoûtés par les annonces du jour (l’interdiction prononcée par le président provincial de voyager pour voir sa famille pendant les fêtes), n’ont pas le cœur en joie.