Picaresque

Tou­jours à rédi­ger La table. Une heure par jour, à peine plus. Avant comme après, je pense au texte. Il m’ar­rive de séch­er ou, comme ce matin, d’en­trevoir les développe­ments et de les pro­duire. Dix jours que je n’ai pas quit­té le vil­lage d’A­grabuey. Pen­dant ce temps, je n’ai par­lé qu’avec mes voisins, soit deux per­son­nes et le maire, qui bâtit pour moi une nou­velle chem­inée. Accroché au toit, il me nom­mait les rési­dents de Saragosse, Huesca, Andorre, Pam­pelune: “Untel arrivera le 23 décem­bre, Tel autre le 26…”. Puis la radio donne la nou­velle: inter­dic­tion de quit­ter sa province, sa ville, son quarti­er. Le silence va se pro­longer. D’au­tant plus que l’on se garde désor­mais de dire que le fas­cisme est instal­lé (preuve qu’il l’est). Pour la pre­mière fois, le bruit de la riv­ière arrive à ma porte.