Mois : juin 2019

Fille

Luv, ma fille, qui vient de fêter ses dix-huit ans, est à cet âge où les adultes appa­rais­sent comme une espèce dis­tincte et séparée qui par­le la même langue, dis­pose des mêmes corps qu’elle dirige dans le même espace, mais demeure étrangère complètement.

Cheveux

Course con­tre la mon­tre pour sauver mes derniers cheveux et d’abord le toupet frontal — j’en ris; mais enfin, à Noël, c’est bien moi qui aurait l’air d’un natif du con­ti­nent Mu.

Civilisation 2

Pour notre civil­i­sa­tion, notre cul­ture, et l’art tout entier, j’ai trop d’ad­mi­ra­tion et de con­science de l’ef­fort con­sen­ti pour ne pas aimer qu’on le réduise à ces sanc­tu­aires marchands les musées. Surtout quand, dans le même temps, le lieu véri­ta­ble de la cul­ture, le creuset de la civil­i­sa­tion, le motif entier de l’art, nos rues, se peu­plent de ces fig­ures du nou­veau prim­i­tivisme que sont les hommes de marché (occi­den­taux dégénérés) et les hommes du culte (ori­en­taux abrutis).

Civilisation

“Je ne me laisse pas éblouir par des bateaux à vapeur et des chemins de fer: tout cela n’est pas de la civil­i­sa­tion.” Châteaubriand. Mémoires d’outre-tombe, livre IV.

Monts et vaux

L’enchevêtrement de la nature et des hommes, des routes et des collines, du ciel et des maisons qui oblige à se déplac­er dans les prox­im­ités de Flo­rence en pas­sant d’une niche à l’autre, cette absence de per­spec­tive, pro­duit pos­i­tive­ment une sorte d’in­sou­ciance. Dès lors qu’on ne voit pas venir, on ne s’oc­cupe plus de voir venir.

Folklore

A guichets fer­més, deux équipes en cos­tume d’époque dis­putaient cet après-midi dans Flo­rence un tournoi de rug­by médiéval.

Rencontre

Cet ami dit : “Dès la pre­mière ren­con­tre, elle a accep­té que je l’at­tache au radiateur”.

Chaleurs

Tor­peur de l’été. Tem­péra­ture dès le matin. Se lever à l’aube est la solu­tion, car pass­er cette heure-là, plus rien n’en­gage à se lever, n’é­tait-ce pour s’asperg­er d’eau, boire, manger et se recouch­er. Du reste, cette chaleur toscane est bien dif­férente de celle qui saisit l’An­dalousie de juin à sep­tem­bre. A moins que cela ne tienne à la réac­tion des autochtones. Ici, le rythme est lent, mais sans inter­rup­tion. Les gens vaque­nt en toute dis­cré­tion, comme s’il cher­chaient à se faire oubli­er, les nuits sont inhab­itées. Les Andalous s’agi­tent jusqu’aux pre­mières heures de l’après-midi, font les morts, puis le soleil éteint s’agi­tent doublement.

Jours

“Les jours se suiv­ent et se ressem­blent”. Phrase romanesque, idée fausse. Sauf à don­ner dans la méta­physique, nul ne niera que les jours se suiv­ent, mais ils ne se ressem­blent pas. Ou alors, c’est que l’ob­ser­va­teur a l’e­sprit obtus et ne juge que par l’ac­tiv­ité la plus extérieure. Or, celle-ci ne saurait épuis­er la var­iété des jours. Leib­nitz a rai­son: chaque chose est absol­u­ment indi­vidu­elle et a for­tiori chaque con­fig­u­ra­tion de choses, ce qu’il est con­venu d’ap­pel­er un événe­ment. Quand je me tiens à la plus stricte des rou­tines, je vois que je ne fais qu’es­say­er de m’y tenir. Le réel débor­de, le détail fausse, la nuance colore.

Chanter

Les Espag­nols chantent l’amour et la mort, l’e­spoir et dés­espoir. Le reg­istre est celui de la pas­sion. Les Ital­iens chantent, et sou­vent fre­donnent, pour accom­pa­g­n­er les menus gestes du quo­ti­di­en, adoucir les mœurs, liss­er le réel, ren­dre le tra­vail moins pénible.