Assis dans un parc, sur un banc, au-dessus de Gernikako Arbola Hiribidea, dans le quartier Derio de Bilbao, j’attend les enfants qui bientôt passent à cinquante mètres au-dessus de ma tête à bord du airbus d’EasyJet en provenance de Genève, lequel termine au-dessus de ce quartier son approche de piste.
Mois : juillet 2018
Pour le bombardement de la ville de Lausanne (suite).
Emeutes de voyous à Nantes, France. Les simples du quartier, habitants primitifs, sautent, pillent, vocifèrent, brûlent. Je m’en réjouis. Détruire l’habitat est de première utilité. Le sentiment de dépression, déjà lourd à porter au quotidien, augmente à proportion. Mais surtout, un territoire national devant être considéré comme une plan innervé, il pèse sur les mentalités lointaines, ravage donc par télé-empathie les dernières virtualités énergétiques de ce peuple, les Français, qui triche depuis trop longtemps avec les valeurs. Notant cela, je m’empresse de dédouaner toute approche nationale. Ma plus grande satisfaction serait que se calcinent sur nos chaussées de doux velours municipal, dans Lausanne, des limousines incendiées par les analphabètes d’importation. Ce qui, selon les lois de la physique classique (et l’histoire n’est pas encore passée au schéma quantique), mêmes causes, même effets donc, ne manquera pas d’arriver. Ce grand soir, comme disent en se gargarisant les révolutionnaires, lequel ne se produira pas dans cette forme, rien d’aussi stratosphérique ne pouvant se produire sans l’aide de l’intelligence, je me réjouis de revenir dans ma ville de naissance pour débattre du futur.
Fascination
Fasciné par la beauté des femmes, que je confonds avec la grâce, c’est plutôt elle l’objet de ma fascination, je m’étonne à l’instant, comme je passais par la salle de bains et jetais à un œil sur mon médiocre portrait, par la conformation ridicule, disons-le laide, de l’humain eu égards aux règles de la convenance et de la géométrie telles qu’elles sont exploitées dans la définition du parfait.
Lenbachhaus
Toiles splendides, romantiques, expressionnistes et pompiers, œuvres de peintres qui savent dessiner et peindre, qui connaissent les couleurs et savent traiter la lumière (Lowis Cortinth par exemple), un régal; puis on passe à ce formalisme dont la justification historique évidente ne rachète pas l’absence du plaisir de contemplation (Klee); enfin, on arrive dans les salles contemporaines, dont il faut ressortir au plus vite (idéalement, pour aller chercher un type à l’esprit brocanteur qui débarrasserait), encombrées qu’elles sont d’un bric-à-brac pop, conceptuel, installateur et objectif (même l’excellent Gehrard Richter était représenté par des toiles proches du gribouillis).
Autriche 2
Même si elles ne fonctionnent pas, j’aime les solutions simples. “Tu n’as qu’à traverser ce pont et on va dans le premier village côté autrichien!”, ai-je dit. Et comme c’est la voiture de Gala et que c’est Gala qui conduit, je guide, du moins j’essaie. Je fais: “là!”. Car il m’a semblé voir un panneau indiquant notre village, ce “premier village autrichien”, Niederdorf. Nous roulons sur une voie de service, devant un barrage, au-dessus de plusieurs réservoirs, puis sur un chemin de terre. Ce n’est pas là. A l’évidence. Pourtant, j’ai vu un panneau. De fait (nous le vérifierons plus tard), il y a un panneau… réservé aux cyclistes. Mais voici le miracle. Entêtés que nous sommes, nous poursuivons le long du chemin et soudain, planté sur le bord de route, nous trouvons un édicule en forme de chalet, en réalité une vitrine contenant des images de chalets d’été et des Gasthaus, avec chaque fois le nom du propriétaire et son numéro de téléphone. Tandis que je siffle et donne des coups de pieds dans les cailloux, Gala, brusquement revigorée, téléphone. Et miracle, le deuxième, grâce à elle, quelqu’un décroche et dit: “venez, je vous attends”. Ainsi, nous arrivons chez une merveilleuse petite dame qui tient, ou plutôt tenait avec son mari, une auberge énorme de trente tables et autant de chambres et non, elle ne fait plus commerce, mais enfin, “vous êtes là, je vais vous préparer une chambre (car, il faut dire, Gala est une femme qui inspire la confiance, tout le contraire de ce que j’inspire — comme quoi les apparences son trompeuse — je plaisante — à moitié…)”. Bref, nous voici dans une chambre en bois, avec son balcon régional, ses couvre-lits brodés et, au rez, son immense salle à boire garnie de bocks anciens et de médailles et de scènes de chasse. Et en attendant de profiter de cette situation idéale, comme nous n’aimons pas la bière du café de village, la Anker, nous retraversons l’Inn et allons boire de l’autre côté, en Allemagne.
Autriche
Quitté Brannenburg, la quête d’un hôtel recommence et ce sont toujours ces jolis villages, avec en leur centre le clocher, la fontaine, les bacs d’oeillets rouges et verts, la brasserie et le Gasthaus, dont le tarif des nuitées vous troue les poches, de sorte que nous passons la frontière, sommes en Autriche, à Kufstein, ville répandue au pied d’un gros caillou sur lequel est édifiée une forteresse (haute et grosse et pleine de meurtrières, un funiculaire monte les visiteurs), même décor, intérêt, bonheur que Viège, notre ville garde-meuble du fond de la vallée du Rhône (si Migros, le monopole nationale de nourriture avait fait les plans de notre beau pays toutes les agglomérations ressembleraient à Viège), et qu’y faisions-nous, à Kufstein, dans la rue principale et presque unique nous allons, Gala lentement, il y a des boutiques de chaussures, moi plus vite (il y a des Turcs), allant et venant, répétant “bon, on y va!” et Gala, fascinée par la possibilité d’achat d’une trois-cent quarante-cinquième paire de chaussures, distraite au point de ne pas entendre “oui, oui…”, et à la fin, je veux dire la fin de la rue, se tient une magasin de sport, j’achète une barre de traction pendant que Gala profite du réseau internet pour chercher un hôtel et nous repassons la frontière allemande, arrêtons devant un hôtel, Gala entre, demande les toilettes, ressort dit “j’ai dû payer”.
Allemagne 4
Sommet du Wendelstein dans les alpes bavaroises. Gravi par le train crémaillère les mille trois cent mètres qui séparent la plaine de Brannenburg du piton rocheux. A bord des deux wagons, vingt personnes pour un âge cumulé de 1400 ans. Le convoi glisse à travers la forêt, surmonte des précipices, coiffe les alpages. A la fin, il entre dans un tunnel, les passagers débarquent dans une grotte, empruntent un boyau dans le roc et débouchent dans la lumière, sur une esplanade qui domine trois vallées. Au fond, des champs en damier, des lacs ovales, des villages minutieux; au-dessus de vastes pentes aux sapins sombres, puis la pierre, la glace, et au loin, parcouru de nuées, les pics neigeux. De l’esplanade où boivent et dînent cent vieillards qui, les pauvres, peinent à marcher jusqu’au comptoir pour passer la commande de bière et de saucisse, partent des escaliers en tourbillons. D’un côté ils mènent à un promontoire flanqué d’une longue vue que l’on oriente vers Brechtesgaden et le Chiemsee, de l’autre côté à une petite chapelle entouré d’un déambulatoire qui ouvre sur le vide. De la base au sommet physique, il y a encore une demi-heure de marche qui se fait sur des escaliers creusés, scellés (en métal) ou par des tunnels piétons. Qui lève les yeux depuis l’esplanade aperçoit à 1800 mètres la boule blanche de la station météo. L’exercice de voir, de tous côtés, la tête dans les nuages, est fascinant, mais aussi difficile: cette dentelle de cimes posée devant le ciel, ces montagnes coniques qui jalonnent des fonds luminescents, ces avalanches de pierre morte, tout cela, devant nous, à portée de la main, à la fois naturel et construit, échappe sinon à la vue du moins à l’appréhension. Comme disait je ne sais plus quel philosophe devant les Alpes, ce qui me fait toujours rire, “das ist”.