Allemagne 4

Som­met du Wen­del­stein dans les alpes bavarois­es. Gravi par le train cré­mail­lère les mille trois cent mètres qui sépar­ent la plaine de Bran­nen­burg du piton rocheux. A bord des deux wag­ons, vingt per­son­nes pour un âge cumulé de 1400 ans. Le con­voi glisse à tra­vers la forêt, sur­monte des précipices, coiffe les alpages. A la fin, il entre dans un tun­nel, les pas­sagers débar­quent dans une grotte, emprun­tent un boy­au dans le roc et débouchent dans la lumière, sur une esplanade qui domine trois val­lées. Au fond, des champs en dami­er, des lacs ovales, des vil­lages minu­tieux; au-dessus de vastes pentes aux sap­ins som­bres, puis la pierre, la glace, et au loin, par­cou­ru de nuées, les pics neigeux. De l’e­s­planade où boivent et dînent cent vieil­lards qui, les pau­vres, peinent à marcher jusqu’au comp­toir pour pass­er la com­mande de bière et de saucisse, par­tent des escaliers en tour­bil­lons. D’un côté ils mènent à un promon­toire flan­qué d’une longue vue que l’on ori­ente vers Brecht­es­gaden et le Chiem­see, de l’autre côté à une petite chapelle entouré d’un déam­bu­la­toire qui ouvre sur le vide. De la base au som­met physique, il y a encore une demi-heure de marche qui se fait sur des escaliers creusés, scel­lés (en métal) ou par des tun­nels pié­tons. Qui lève les yeux depuis l’e­s­planade aperçoit à 1800 mètres la boule blanche de la sta­tion météo. L’ex­er­ci­ce de voir, de tous côtés, la tête dans les nuages, est fasci­nant, mais aus­si dif­fi­cile: cette den­telle de cimes posée devant le ciel, ces mon­tagnes coniques qui jalon­nent des fonds lumi­nes­cents, ces avalanch­es de pierre morte, tout cela, devant nous, à portée de la main, à la fois naturel et con­stru­it, échappe sinon à la vue du moins à l’ap­préhen­sion. Comme dis­ait je ne sais plus quel philosophe devant les Alpes, ce qui me fait tou­jours rire, “das ist”.