Allemagne 3

Chas­sé de la ville par les prix des cham­bres d’hô­tel. Trois, qua­tre cent euros la nuit, et tout affiche com­plet! Die Messe! Qu’y mon­tre-t-on? Des BMW, des frigidaires et des tracteurs, du vin et des tur­bines? Presque envie d’aller y voir. Gala s’y oppose. Elle fait bien, comme nous roulons sur l’au­toroute pour quit­ter Munich par le sud, nous remon­tons un embouteil­lage de quinze kilo­mètres. Une par­tie des cham­bres va donc rester vide, les clients dormiront dans leur voiture; les villes-vit­rines, les villes-machines, les tas de choses, quels attrape-nigauds! En octo­bre, de retour de Bel­grade et de Budapest, même sat­u­ra­tion, c’é­tait la fête de la bière. A cinquante kilo­mètres, Rosen­heim n’avait plus un lit à louer. C’est d’ailleurs dans cette direc­tion que nous filons, mais cette fois, à peine ai-je vu le pan­neau je mets en garde Gala: “sort de l’au­toroute, Rosen­heim, c’est rem­pli d’im­mi­grés débar­qués d’I­tal­ie.” Main­tenant, au hasard dans une cam­pagne verte et ordrée, nous com­mençons notre quête des Gasthaus. Arrêt devant une splen­dide ferme à bal­cons de bois et volets sculp­tés. La pente de toit est en tavail­lons, le jardin est plan­té d’un sole, il y a deux bûch­ers… “Récep­tion à par­tir de 17 heures”. Affaire réglée (j’ob­serve d’ailleurs que les journées ou plutôt les nuits en hôtel, c’est général en Europe, sont de plus en plus cour­tes: on vous dit à quelle heure arriv­er, à quelle heure repar­tir, 15h00-10h00, si je compte bien, cela fait dix-neuf heures et, génie robo­t­ique au ser­vice de l’op­ti­mi­sa­tion civile, les bâti­ments les plus mod­ernes sont désor­mais dotés d’un sys­tème de ver­rouil­lage des portes, à l’heure dite de fin du con­trat, votre carte d’ac­cès à la cham­bre se bloque). Gala démarre, nous roulons entre des ter­rains coquets clô­turés de bois ten­dre, les fontaines coulent, les mon­tagnes bril­lent dans le ciel turquoise, un paysage fait pour la pen­sée, un paysage hei­deg­gérien. Seule­ment, depuis que j’ai voy­agé dix-huit mois (années 1990) en changeant chaque soir ou presque de par­age, tenu de négoci­er par­fois des heures pour obtenir un lieu de som­meil faute d’avoir les moyens financiers pour choisir à mon goût, je n’ai plus aucune patience pour ces recherch­es d’hô­tels. Autre Gasthaus. Au tour de Gala. Elle pousse la porte, appelle. Dix min­utes plus tard : “il n’y a per­son­ne”. En début d’après-midi, nous emmé­na­geons au Schloss­wirt de Bran­nen­burg, entre l’église, sa flèche claire, son toit rouge et le château, mas­sif, brun, dressé sur un rocher mousseux. Le bal­con donne sur la ter­rasse de l’auberge, tables avec bancs alignées au pied de la façade, bruit d’eau dans le bassin de pierre, cloches au cam­panile pour le rythme des heures et un kiosque à musique, mod­erne celui-là, avec pour sculp­ture orne­men­tale une clef de sol que Gala aime, que je n’aime pas. En face, dans la mon­tée, une étable qui selon la direc­tion du vent donne l’im­pres­sion de partager la cham­bre avec les vaches.