Mondialisation peut-être, une chose est sûre, les gens s’occupent de balayer leur pas de porte, surveillent l’horaire du voisin et s’intéressent à l’équipe de football du quartier. Sauf pour un quarteron de fous du pouvoir qui tissent une toile géante dont ils espèrent tenir le milieu, l’horizon est local.
Mois : juillet 2018
Richard
Cette idée géniale de Richard Aschcroft lors de son concert à l’Arena de Londres. Nous sommes sept mille sur des gradins noirs, la lumière ne se fait pas. Soudain, un son venu des profondeurs et une image sur écran géant. La star marche dans un tunnel de vestiaire, plat comme un asmathique, drogué comme un drogué, façon boxeur, entouré de ses gorilles, et à la fin, appelé par les sifflements, le battement rapide des mains, il émerge, paraît sur scène, entonne This It How It Feels.
Bivial
Par moments c’était un chat, par moments un guéridon, l’essentiel étant pour lui de trouver la porte car il n’oubliait pas que son rendez-vous chez un nouveau spécialiste auteur d’une thèse sur la mémoire devait le rencontrer à dix-huit heures précises. Mais la porte était parfois dans le chat parfois sur le guéridon.
Substitut
Confession oblige, j’eus nettement préféré un suicide général de la société blanche, façon secte des apocalypses. La substitution mécanique de motifs utilitaires aux valeurs génétiques de notre histoire (quoiqu’on puisse en juger par ailleurs) ayant autant d’intérêt que le remplacement de l’humanité coalisée par une fourmilière de laboratoire.
Désinvestissement
Envie de partir. Sans viser un parage. En renouvelant sans fin le mouvement. Ce qui offre l’avantage de n’avoir pas à s’adapter à des circonstances extérieures lesquelles semblent, chaque jour que Dieu fait, enfin faisait, un peu plus pensées par une race extra-terrestre. L’occupation inconstante du temps, dérisoire du sol, permet au moins — car il y a un revers à la médaille — d’admirer ce à quoi consentent les sédentaires pour faire société et aimer leurs compromis, compatir à leur souffrances, oui, admirer le prix de leur folie.
Confusion
Sur le plan de travail de la cuisine, la tapette à mouches, un pinceau imprégné (je peins au salon), mon verre de vin, plusieurs spatules et un autre verre de vin mêlé de produit vaisselle, piège à mouche selon une recette de grand-mère. Ecrivant ou peignant, distrait absolument, il faut, lorsque je surveille à distance la confection d’un plat, une grande attention pour ne pas soulever les œufs avec la tapette à mouches ou ne pas boire le piège à mouches.
Loi 2
Nantes, toujours: imagine-t-on un voyou bagdadi se faisant exploser au pied d’un véhicule chargé de soldats américains (lesquels n’ont selon moi rien à faire en Irak) dont la famille, aussitôt après l’acte meurtrier, recevrait du président des Etats-Unis un témoignage de sympathie? Le chauffard immigré qui fonce sur un barrage de police, freine, recule pour tuer et tente la fuite, par ailleurs récidiviste, n’est pas un conducteur contrôlé par la police, mais un guerrier en zone de combat. L’adaptation du vocabulaire relève de l’impératif sécuritaire. Contre lui, aussi cyniques que les nobles dégénérés de 1793 dont la réthorique n’avait d’égale que l’arrogance, les éléments fonctionnels de la classe politique nationale.
Mondial
Match éliminatoire au bar du village. Les voisins sont tous là, mais séparés: les femmes à la table du fond, sous les vues d’Agrabuey peintes par Luisa et José-Luis (un couple), les homme sur des tabourets, la tête levée vers l’écran où Croates et Russes disputent le quart de final. Serrés derrière une table, en rang d’oignons, Luv, Aplo, moi, parlant français, ce qui au comptoir inquiète un paysan, puis parlant espagnol, ce qui le surprend, et les autres, qui me connaissent, expliquent: “Oui, c’est lui… Pas Espagnol, non. Je sais, il parle comme un Castillan, mais non, il est de… Où déjà Cala?”