Mois : janvier 2018

Vieillesse

Sta­tique, vieil­lesse. Sta­tique et vieil­lesse. Ce n’est pas qu’on ait un rap­port aux murs, à leur fix­ité, c’est que, dans la vieil­lesse, cet envahisse­ment, la fix­ité établit un rap­port géométrique neuf. Les élé­ments de con­trainte, leur force comme leur poids, cette présence dia­bolique opposée à la vital­ité, devient refuge. C’est au solide, aux murs que va la sym­pa­thie finis­sante du vieil­lard. A force de tutoy­er ses mon­u­ments, la vieil­lesse croit avoir la clair­voy­ance ou devin­er à tra­vers leur pierre, leur bois et le noir, le vaste spec­ta­cle du pos­si­ble. Le vieil­lard sait aus­si qu’il mour­ra appuyé, que ce ciel qui rôde — ce sont les nuages — le quitte.

Futuribles

Tous ces films qui nous racon­tent l’avenir tel que nous l’imag­in­ions dans le passé.

Orizont

Ces jours, je cor­rige ORIZONT. Grand plaisir (pour une fois). J’en­tends, je ne cale ni ne raciocine, pas plus que je ne cor­rige, m’a­gace et m’ex­cite. Je tra­vaille en secré­taire con­scien­cieux et indif­férent, je retape sur mon clavier le let­trage tel que je le déchiffre en car­nets. Une hon­nête reprise. Un étranger eût-il écrit ces phras­es, l’at­ti­tude ne serait pas moins neu­tre. Sen­ti­ment que ce livre est sim­ple comme devrait l’être une lit­téra­ture qui exprime l’essen­tiel de la vie de son auteur ce qui, gageons, sig­ni­fie — ici, retour à la lit­téra­ture, à son phan­tasme — que l’au­teur vit désor­mais une vie de littérature.

Vecindad

Per­son­ne, je ne vois per­son­ne. Il y a deux rues. L’un en escaliers, elle monte à l’église, c’est la rue de l’Eglise. L’autre con­duit à la riv­ière, c’est la rue — je traduis — du Champ du vil­lage. L’église est aban­don­née. Le dernier curé préfère le ski. Il est pro­fesseur. Les cloches ne son­nent plus. Vaniel, l’an­cien bedeau, dit qu’il répar­era un jour… quand le gou­verne­ment enver­ra la somme. Tout à l’heure, je suis allé chez le voisin. Assis dans son poêle de douze mètres car­rés nous avons bu un vin de bar­rique de trente ans et grig­noté du chamois (salé, revêche). Je lui dis, “tu prends com­bi­en de vin par année?”.
-Oh, moi, je ne bois presque plus. Dans les trois cent litres.

Monde-truc

Le monde que l’on nous vend n’ex­iste pas. Il com­mence d’ex­is­ter quand on y croit.

Pieds

Il avait les pieds si longs que l’on con­fondait son corps et sa tête.

Etat

Qui veut aban­don­ner son état? Et pour­tant, c’est que nous faisons tous.

Résistance

Sont con­damnés les actes de résis­tance. En fait, il y en a peu. Jamais il n’y en eut beau­coup. Le reste est légende. Les hommes sont faits de telle manière qu’ils ne résis­tent pas. Ils doutent et, raisonnables, s’oblig­ent. Quand manque le pain, ils entrent en colère, mais ce n’est pas résis­tance, c’est dés­espoir. En revanche, il ne manque pas d’ac­tions néfastes, de celles qui créent des fébril­ités chez les gens de bien. Cela ne cesse jamais. Et se mul­ti­plie à la faveur de la for­tune. L’his­toire est tis­sée de ces actions néfastes. Elles sont l’en­vers de la résis­tance, elles por­tent con­tre la vie, elles sont le mal­heur natif de l’humanité.

Nus

“Qu’on ne me casse pas les nus!”, voilà ce que j’ai envie de dire à l’un des mes édi­teurs qui me traite comme un veau bon à traire pour amuser les enfants, mais à ma sur­prise, je ne trou­ve l’ex­pres­sion ni dans le Lex­ique romand-français de Cather­ine Hadacek ni dans Le patois vau­dois de Rey­mond et Bossard, à douter si ces nus qui, devenus couilles par métaphore, et sont des billes de bois (enfant, j’en pos­sé­dais), s’écrivent bien “n‑u”.

Pascale

Rêvé cette nuit, active­ment, avec gestes, émo­tions, réveils et amer­tumes suiv­antes à cette fille, Pas­cale, qui me fasci­nait tan­tôt à Madrid, j’avais douze ans. Sur le gravier du préau, plus agile que je ne l’é­tais alors, moins stu­pide et atten­tiste, je la plaquais et l’embrassais pour l’amen­er à con­stat: je l’aimais. Com­ment, inscrit sous les lobes, retenu dans je-ne-sais quel tis­su mémoriel de pareilles séquences, frus­trées du désir, peu­vent ressur­gir, quar­ante après aban­don — par­lez d’un mir­a­cle de l’esprit!