Mois : juin 2017
Eté
Vertiges
Rêve
Cet or en pièces et lingots que nous jetions devant nous s’élevait en un tas parfait. L’atmosphère était à la communion entre Suisses. D’autres voisins affluaient, déposant leurs économies, serrant les mains. L’idée de Fédération était retrouvée. Ce n’est pas la valeur d’usage de l’or qui nous retenait mais sa dimension mystique. L’avenir ayant rejoint le passé, le présent dans lequel le pays s’était fourvoyé désormais aboli, tout irait bien.
Electrototalitarisme (suite)
A la poste, pour réclamer. C’est la deuxième fois. Toujours aussi aimable, la postière prend sa collègue à témoin:
-C’est incroyables les manuscrits que ce client à envoyés à Paris ne sont pas arrivés!
L’autre, avec désinvolture:
-Tu cliques sur l’icône caméra, tout est filmé!
Large sourire de l’employée:
-Voyons-voir!
Elle clique, puis se lève
-Un instant?
De la salle des machines, elle revient l’air embêtée:
-Le film est flou, on ne voit pas qui a réceptionné votre colis.
-Imaginez que je sois Stephen King…
-Qui?
-Est-ce que quelqu’un d’autre à pu prendre le colis? Un type qui passait par là?
La collègue énonce:
“Toute personne adulte qui se trouve à l’adresse de destination peut recevoir la recommandée.”
-En tout cas, il est indiqué ici que le colis à été remis le 2 juin à 8h58. Vous voulez faire une réclamation? Soit vous la faites chez vous, par internet, soit je la fais maintenant.
-Allons‑y!
-Bien… Votre numéro de téléphone.
-Je ne sais pas.
-Ce champ est obligatoire.
En fin de compte, vendredi matin, je reçois dans ma boîte à lettres une réponse de l’Organe supérieur des réclamations:
“Monsieur Friederich, nous avons le plaisir de vous informer que votre envoi à été remis le 2 juin à 8h58. N’hésitez pas à nous rappeler pour tout renseignement supplémentaire.”
Homme à tout faire (suite)
Jusqu’ici il ne m’avait jamais été donné de rencontrer un homme aussi calamiteux. C’est peut-être pour cette raison que le propriétaire l’emploie, me disais-je incrédule, afin éviter que les locataires ne réclament. D’abord, ce type, Paco, est un ouvrier sans outils. Vous lui montrez le problème. Il fixe la trappe (mettons). “Vous avez un tournevis?” Ou alors un écoulement d’eau. “Je peux avoir un baquet?”. Ensuite, il tâte. En tâtant, il brise. Si c’est une vis, il la tord (je parle de la trappe), s’il touche à l’écoulement, aussitôt la pression augmente. “Vous auriez un second baquet?” Quand il a fini, il faut engager une femme de ménage. Il jette tout sous lui. Pas seulement les déchets: les écrous, votre tournevis, le chiffon. S’il fumait, il jetterait son mégot sur la moquette (“vous n’avez pas un extincteur?” Cette fois, il s’agissait du couvercle du jacuzzi. Une pelure de vingt kilos, défoncée, pleine de colle et de vieille poussière. Au propriétaire, je demande à ce qu’il récupère ce truc qui m’encombre. Ni d’une ni de deux: “Paco, récupère ce truc qui l’encombre!”
- Attention, c’est plein de colle, il faut des gants!
Le propriétaire et Paco, muets.
- … une paire de gants de chantier.
-Mais non, fait Paco.
-Si.
Plus la moindre expression dans le visage des deux hommes.
-Alors? Qu’est-ce qu’on fait? Demande Paco au propriétaire.
-Eh bien, va acheter des gants!
Dix minutes plus tard, l’homme à tout faire sonne à la porte — sans gants. Il monte sur la terrasse, saisis le couvercle. “C’est lourd! Je vais le couper. Vous auriez une paire de ciseaux?“
Quand il a coupé, mes ciseaux son cassés, il les jette au sol. Il empoigne le couvercle crasseux et s’enfile dans la cage d’escalier, tape contre les murs, noircit les peintures.
-Halte!
Il insiste. Je lui barre le passage.
-Remontez-moi ce couvercle!
Je considères mes murs maculés.
-Regardez!
-Ce n’est rien. Vous avez une éponge?
Il mouille et frotte. Il étale.
-Mais enfin, c’est dégueulasse!
-C’est autonettoyant, il suffit d’attendre !
Excédé, je le mets à la porte.
-Et ne revenez pas sans la solution!
Peu après, on sonne. Paco est allé quérir le propriétaire. Ensemble, ils montent sur la terrasse, considèrent le couvercle.
-Tu vas le descendre par les terrasses Paco.
Alors l’homme à tout faire sort de sa poche un bout de ficelle. De la ficelle d’emballage cadeaux… Plutôt que d’assister au massacre, je me réfugie dans mon bureau.
-Vous êtes là?
Le propriétaire.
-Est-ce que vous avez un balai?
Une minute plus tard, il rend le balai à Gala tandis que Paco bourre le couvercle dans l’ascenseur. Je vais sur la terrasse supérieure, dans la chambre à coucher, je reviens par le couloir et gagne la terrasse inférieure: tout est sale, le propriétaire n’a balayé que devant la porte et il a laissé la poussière sous le balai.
Le soir, je sors dans le village, je croise Paco: chemise blanche, cravate, sa fille à la main, fier, l’air satisfait. Il me salue. Il a fait du bon travail.
Librement
Aussi je me réjouissais d’aller librement sur des routes qui emportent autant qu’il faut, persuadé que les paysages construits ne sont que de grosses machines à combustion qui fabriquent contre un lot d’illusions chaque jour plus dérisoire (l’expérience aidant) une vie de répétition et d’allégeance.