Avant de quitter la côte, je prépare l’appartement. Pour l’auvent, la femme du vendeur de fenêtres et de profils en acier griffonne un devis sur un coin d’enveloppe. Le soir, je retourne à la boutique, son mari revient de ses chantiers, je lui parle de mon projet d’installation.
-Manuel l’auvent ?
-Manuel. De 7 mètres de long.
-6,50, c’est le maximum.
-Et si on en pose deux ?
-On en pose deux. De 3,20 (ces cinq centimètres de différence prouvent que j’ai affaire à un professionnel de l’auvent).
Il ouvre une brochure, fait glisser le doigt sur un tableau, énonce le prix.
-Six cent-vingt Euros, plus les taxes, et le second au noir.
Je le remercie ; poussant quelques minutes plus tard la porte de l’appartement, je dis à Gala :
-Ce sera sans auvent !
Elle me fait signe de me taire : elle prend sa pression, il lui faut du silence. Je monte faire la sieste, descend le store (électrique celui-là). Quarante-huit minutes plus tard, je le remonte. La machinerie lâche.
-Gala, le store est foutu !
-Et voilà ! Et puis je t’avais dit de ne pas te rendre ainsi chez le fabricant d’auvents, il t’aura pris pour un touriste !
A l’agence, Jésus et sa fille Mercedes : « comment bloqué ? allons-voir ça ! ». Lui à la manœuvre, en cravate, elle en observation, habillée en mannequin de vitrine (elle apprend le métier). Jésus appuie cérémonieusement sur la commande. Le store s’enroule.
-Je t’assure, il y a quelques minutes… Sinon, pourquoi serai-je descendu ? Essaie encore !
Sûr de son fait, Jésus appuie sur la commande. Le store ne bouge pas (il y a une justice).
-Bon !
Ils s’en vont. Et reviennent avec le vendeur d’auvents. Il sort un tournevis, tapote, établit une diagnostique.
-Du moment que vous êtes là, lui dis-je, profitez de venir voir le balcon où j’aimerais installer l’auvent.
Nous descendons au premier, il prend les mesures, fixe la mer.
-En première ligne, avec les tempêtes, c’est compliqué.
Il désigne les auvents des voisins : en lambeaux.
Plus tard dans la journée, il envoie son devis. Le prix est le même. Voyant que j’étais là, à demeure, locataire de Jésus… Mais non, c’est le prix.
-Affaire réglée, dis-je à Gala, on va rôtir !
Mais elle ne répond pas. Elle dort.
Le lendemain, je roule jusqu’à l’aéroport pour acheter un parasol. Auparavant, j’ai comparé les modèles sur internet. Nous sommes dans la camelote indochinoise ou dans les prix de fous. Sous une tente ventilée installée à même le parking, devant un magasin géant pour bricoleurs, j’achète un store de toile et de bois (moins cher que l’aluminium). Je déballe sur le balcon. Le mât est formé de deux pièces. Je visse et déploie. Un pas en arrière. Le vent secoue mon parasol. Pourtant, aujourd’hui, il ne vente pas. Je jette un œil à la visserie qui solidarise les deux moitiés du mât : un travail d’enfant de six ans. Les vis sont dorées, c’est chic, mais courtes, posées de biais, incomplètement enfoncées, c’est merdique.
-Alors ?
-Va voir ! Mais attention à ne pas le casser !
Puis je passe à la corvée suivante, faire des doubles des clefs. A la quincaillerie, je trouve le même parasol, au même prix (alors que j’ai roulé trente kilomètres pour me rendre à l’aéroport).