Mois : avril 2016
Danse
Pense contre toi-même : tu deviendras un pantin dont la forme et la position dépendent des forces et des pressions extérieures.
Population nocturne
Lundi, j’avale un somnifère. Du pont de bateau, j’assiste aux préparatifs d’une bande de vampires prêt à conduire une attaque. Hier, j’avale le même somnifère et fais le même rêve, mais d’un point de vue différent : une maquilleuse me grime de noir en exposant mon visage au pot d’échappement d’une moto puis me barbouille de cicatrices. Elle m’ordonne alors de rejoindre les vampires du quai.
Chalet
Les enfants sont réapparus vendredi. J’ai quitté l’arrière-boutique. H. me fait remarquer que je ne peux pas coucher Luv dans le coffre de l’utilitaire, que c’est interdit, que la police veille, que c’est à mon risque. « Vas‑y ! » Luv se glisse entre les valises et les sacs de commission. Avant de prendre l’avion pour Madrid où il court le marathon, Monfrère m’explique comment nourrir les lapins, enfermer les poules, alimenter le poêle. Nous grimpons en direction du chalet lorsque la pluie commence de tomber. Pendant deux jours, elle tombe. Dimanche, lorsqu’elle s’arrête, un rayon de soleil illumine le champ puis il se met à neiger. Les flocons volent, montent et descendent. Les poules picorent du risotto et des tartines, rejettent les feuilles de poireau. Aplo tire au fusil, Luv lit la poésie de Rimbaud, je lis la poésie de Bukowski et me demande ce que c’est, je boxe dedans, puis sur la terrasse, par zéro degré et tombe malade. La nuit, une fouine attaque. Je la chasse, elle revient, court sur le toit, cogne aux vitres. Lundi, nous apprenons qu’après notre départ, le voisin a oublié d’enfermer le couple de lapins : Madame a disparue.
Sentiment
Sentiment étrange de ne pouvoir résumer ce que je fais lorsqu’une conversation de courtoisie exigerait qu’on le fît. A quoi s’ajoute la question des horaires. Mes interlocuteurs boivent et mangent car il est l’heure de boire et de manger. Non qu’ils consultent leur montre (justement, ils ne la consultent pas), ils savent quand il va être l’heure de se retirer, quand il le faut, quand il est trop tard. De sorte que je me retrouve soudain seul, sur le bord de la Sarine, avec le feuillage et la nuit, cherchant ce que je pourrais bien faire. Réfugié dans l’arrière-boutique, je me demande comment je pourrai faire pour n’avoir pas à en sortir avant de reprendre l’avion pour Porto, jeudi prochain.
Départ
Ce matin, départ pour Genève. Aplo et moi quittons l’appartement à six heures. Le village dort. C’est à peine si des voitures circulent. D’ailleurs, j’ai mal lu l’horaire. Le premier bus ne passe que dans trois quarts d’heure. La veille, nous sommes rentrés à minuit de l’entraînement. Séance double, Victor rattrapait un congé ; après le cours régulier ne restent que six forts en muscles, l’assistant et le Russe. Les exercices sont militaires : ramper au sol avec une plaque de 10 kg, saisir une barre à 2,20 mètre, se hisser à hauteur de menton puis de poitrine (je n’y arrive pas), traverser la salle ventre au sol en faisant vingt pompes revenir en grenouille. Si l’on ajoute les 25 kilomètres de vélo le long des quais pour se rendre au club, je vois pourquoi, ce matin, sur ce banc d’abribus, je suis vermoulu. Aplo branche sa musique. Les premiers ouvriers arrivent, des femmes. A l’aéroport, j’emprunte le raccourci des chapelles : de la bouche de métro, il permet d’atteindre le passage des douanes sans transiter par ces demi-étages où le commun des voyageurs se perd : le clochard du mois de février est toujours installé dans son lit de carton, derrière son caddie. Son ordinateur recharge. Avant le décollage, je m’écroule, assommé. Quand je me réveille, l’avion survole Genève et le capitaine annonce un atterrissage avec trente minutes d’avance. J’ai l’impression d’avoir ouvert une porte côté espagnol, glissé sur un tapis roulant et de me trouver là, avec Aplo, devant le train qui l’emmène à Satigny. A Lausanne, je me réfugie dans l’arrière-boutique et je dors. A la tombée de la nuit je suis sur les bords de la Sarine, à Fribourg, j’écarte les feuilles des buissons. S me colle une bière dans la main, nous contournons un feu, elle me présente les invités.