Ce matin, départ pour Genève. Aplo et moi quittons l’appartement à six heures. Le village dort. C’est à peine si des voitures circulent. D’ailleurs, j’ai mal lu l’horaire. Le premier bus ne passe que dans trois quarts d’heure. La veille, nous sommes rentrés à minuit de l’entraînement. Séance double, Victor rattrapait un congé ; après le cours régulier ne restent que six forts en muscles, l’assistant et le Russe. Les exercices sont militaires : ramper au sol avec une plaque de 10 kg, saisir une barre à 2,20 mètre, se hisser à hauteur de menton puis de poitrine (je n’y arrive pas), traverser la salle ventre au sol en faisant vingt pompes revenir en grenouille. Si l’on ajoute les 25 kilomètres de vélo le long des quais pour se rendre au club, je vois pourquoi, ce matin, sur ce banc d’abribus, je suis vermoulu. Aplo branche sa musique. Les premiers ouvriers arrivent, des femmes. A l’aéroport, j’emprunte le raccourci des chapelles : de la bouche de métro, il permet d’atteindre le passage des douanes sans transiter par ces demi-étages où le commun des voyageurs se perd : le clochard du mois de février est toujours installé dans son lit de carton, derrière son caddie. Son ordinateur recharge. Avant le décollage, je m’écroule, assommé. Quand je me réveille, l’avion survole Genève et le capitaine annonce un atterrissage avec trente minutes d’avance. J’ai l’impression d’avoir ouvert une porte côté espagnol, glissé sur un tapis roulant et de me trouver là, avec Aplo, devant le train qui l’emmène à Satigny. A Lausanne, je me réfugie dans l’arrière-boutique et je dors. A la tombée de la nuit je suis sur les bords de la Sarine, à Fribourg, j’écarte les feuilles des buissons. S me colle une bière dans la main, nous contournons un feu, elle me présente les invités.