Mois : juillet 2013

Devant la poste de Fribourg, une fille en pleurs.

Devant la poste de Fri­bourg, une fille en pleurs. Egarée, titubante, elle se pré­cip­ite dans les bras de son amie qu’elle a dû appel­er au sec­ours. Dès qu’elle a la tête posé sur sa poitrine, elle s’a­ban­donne et pousse des cris de dés­espoir. Les pas­sants sont alar­més, les plus sen­si­bles se frot­tent les yeux. Vu l’heure, l’en­droit, l’âge de la fille — une petite ado­les­cente — on imag­ine qu’il s’ag­it d’une rup­ture amoureuse. Gravis­sant les pre­mière march­es de l’escalier qui mène à mon apparte­ment, je l’en­tends encore pleur­er. Dans quelques mois, elle ne se sou­vien­dra de rien.

Avant le départ

Avant le départ pour Berlin tra­vail assidu sur le dernier volet du Tryp­tique de la peur con­sacré au gonzo pornographique. Raison­nements com­pliqués dont je retrou­ve sans peine la logique et le sens mais qui risquent de rebuter le lecteur. Si j’é­clair­cis et m’au­torise la redon­dance, je perds le style, si je tiens la hau­teur de ton, je perds en clarté. Dilemme qui éclaire le lan­gage rébar­batif des philosophes dont les ouvrages ser­vent avant tout de mise au pro­pre des con­cepts dont ils n’ont avant écri­t­ure qu’une solide intu­ition, par oppo­si­tion aux lit­téra­teurs qui en ado­ra­tion devant la phrase priv­ilégient musi­cal­ité et bon mots.

Devant l’Hôtel Elite

Devant l’Hô­tel Elite, rue du Criblet, un jeune femme en petite jupe pro­pose à un homme de l’aider à porter son cageot de pommes de terre. Elle ne voit pas qu’il s’ag­it d’un paysan qui livre les pro­duits de sa ferme et que s’il est voûté, il a la force d’un boeuf.

Dussé-je représenter pour mes enfants la compétition sociale à laquelle ils seront affrontés

Dussé-je représen­ter pour mes enfants la com­péti­tion sociale à laque­lle ils seront affron­tés, je super­poserais deux tri­an­gles, la base du sec­ond reposant sur le som­met du pre­mier. Et leur dirais: voyez le tri­an­gle supérieur, il sym­bol­ise l’or­dre des statuts: beau­coup d’ou­vri­ers à l’in­struc­tion défail­lante, une classe moyenne laborieuse, peu de per­son­nes capa­bles de se hiss­er par le tra­vail et la cul­ture jusqu’au som­met, mais ceux-là, soutenus par tous les autres et leur ordon­nant. Puis je leur mon­tr­erai la pyra­mide inférieure. Et voici la poussée qu’ex­erce le reste du monde sur notre pyra­mide sociale, prêt à tout pour s’y inscrire.

La chrétienté a fait l’Europe.

“La chré­tien­té a fait l’Eu­rope. La chré­tien­té est morte. L’Eu­rope va crev­er.” Bernanos.

Couché sur la banquette arrière de la voiture pour passer devant la maison du maire.

Couché sur la ban­quette arrière de la voiture pour pass­er devant la mai­son du maire. Il est là, les pouces sous les bretelles, à digér­er. Mon voisin a sor­ti sa coc­cinelle turquoise. Sur le toit, mon surf. Il s’en­traîne sur le vague de Chancy, bosse d’eau arti­fi­cielle que crée l’é­cluse du bar­rage. Plus tard, comme je dois porter un pouf qui servi­ra de mate­las pour Fri­bourg (Luv et Aplo dor­ment dans le même lit), j’en­voie Gala en recon­nais­sance. La voie est libre. Au même moment une voiture sur­git. Le maire. Il descend au cimetière. Je jette le pouf, me déplace le long de la pile de bois. Au Rond-Point de Col­longes, gar­ni­son de policiers. Ils arrê­tent la voiture qui nous précède, nous pas­sons. Ni la Gen­darmerie ni les Douanes. une Police. Une de plus.

La télévision publique anglaise

La télévi­sion publique anglaise a retrans­mis ce matin pour la pre­mière fois l’ap­pel à la prière du Ramadan. Le mul­ti­cul­tur­al­isme pré­pare la sor­tie de la démocratie.

Clefs

Clefs de mon ate­lier d’écri­t­ure cachées dans la par­tie basse de la cafetière ital­i­enne, bil­lets de 50 Euros dans la par­tie haute, clefs sur la poutre gauche de la mar­quise, clefs de la buan­derie dans le tiroir à ser­vices, sous les fourchettes , bil­lets cachés der­rière le miroir de la chem­inée, tableaux sous les lits, clefs dans les stères de bois, stéréos que j’en­lève et rapporte.

Curieux

Curieux de l’in­térêt que man­i­feste Calaferte pour les dernières pages du jour­nal de Drieu la Rochelle dont il évoque la con­science glacée, je com­mande le vol­ume en poche inti­t­ulé Jour­nal d’un homme trompé (titre de l’édi­teur?). Aus­sitôt pris à par­ti par Gala, je suis men­acé des foudres si je per­siste dans mon achat et inter­dit de lec­ture. Il est hon­teux de lire cet écrivain, hurle-t-elle. Je lui demande quels romans elle a lu. Aucun, dit-elle, mais est-il besoin de lire Drieu pour savoir? Je dresse un por­trait du cama­rade de pro­mo­tion de Sartre, Mau­rice Bardèche, pré­cise son engage­ment, le dis­tingue de celui de Brasil­lach dont je rap­pelle la tra­vail de jour­nal­isme lors des jeux olympiques de 1936, cite le Jour­nal d’Alle­magne de Denis de Rouge­mont, en vient à Drieu. Je ne veux pas savoir, rétorque Gala, si tu emportes ce livre, je ne pars pas en vacances à Berlin!
Et le lende­main, dans un con­texte autre, même furie. Nous réfléchissons à un voy­age en Amérique cen­trale. Gala veut se ren­dre au Cos­ta-Rica (que je sache sans rai­son). Je cherche une route qui nous ramèn­erai au Mex­ique où j’ai des amis à voir. C’est alors que je me sou­viens du Pana­ma dont par­le Paul Ther­oux dans Patag­on­ian Express, mais pour représen­ter l’in­térêt d’une vis­ite j’ai le mal­heur d’évo­quer ce que m’en dis­ait mon amie Coréenne de Los Ange­les.
- C’est très Améri­cain…
Le mot m’a échap­pé. Je pen­sais à l’his­toire du canal, à la colonie d’ex­pa­triés, aux enjeux stratégiques. Trop tard!
- Jamais je n’i­rai, crie Gala.
J’ou­vre le dic­tio­n­naire, lui prou­ve que le pays est indépen­dant.
- …c’est ça! Et alors pourquoi ton amie aurait-elle dit que c’é­tait Améri­cain? Ce sera sans moi!

Rue du Criblet

Rue du Criblet, brail­lards adossés aux immeubles dès la nuit. Toi aus­si tu cri­ais quand tu étais jeune, me reproche Gala. D’ailleurs, lui dis-je, hier encore j’é­coutais Con­verge, à la fois éton­né et ravi de ce que l’on puisse garder à quar­ante ans une telle rage, avant de décider à part soi: rien de com­mun entre les cris motivés du hard­core qui représen­tent une cri­tique du social par un retour con­scient au prim­i­tif et cette dépense d’én­ergie en pure perte qui évoque le rat pris au piège du labyrinthe.