Attaches

Les familles sont faites pour être lour­des. Elle ancrent au sol.

Guerre

Le gou­verne­ment de France par­le désor­mais de risque de “guerre civile”. Ce faisant, il fait le jeu de l’en­ne­mi. Que je sache, la guerre d’Al­gérie n’avait rien de civil.

Daugthers

Con­cert dans une dis­cothèque proche de la Gran Vía de Madrid. Depuis longtemps, ce que j’ai vu et enten­du de mieux en rock indus­triel. Enten­du comme je pou­vais, un doigt sur l’or­eille gauche, celle qui a explosé voilà main­tenant onze ans au con­cert de Killing Joke.

Déserts 5

Con­trée de pinèdes et de prés, de pierre sèche et de sources (dont la nais­sance du Tage), mag­nifiques Ser­ranías de Cuen­ca. Et ce vil­lage que j’avais aimé entre tous lors de mon dernier pas­sage, Lagu­nas del Mar­que­sa­do. Un lieu impres­sion­niste. Dans l’eau semée de feuilles rouges se reflète le ciel, un chemin de terre amène aux maisons. Pre­mière épicerie à soix­ante kilomètres.

Déserts 4

L’é­tape la plus longue, de Alia­ga à Albar­racín, en pas­sant par Bron­chales, demi-ville con­stru­ite à 1700 mètres. L’as­cen­sion se fait sur une route large, tout entière à notre dis­po­si­tion, mais il fait chaud et l’ou­ver­ture des paysages apporte du vent, à l’oc­ca­sion les cadres flot­tent. Après 126 kilo­mètres d’ef­fort, un tra­cas hôte­lier. Nous quit­tons la cham­bre réservée, le pro­prié­taire refu­sant d’en­tre­pos­er les vélos. A l’aide du télé­phone, je réserve plus loin. Un appel, c’est la pro­prié­taire: elle s’est trompée, l’ap­parte­ment n’est pas disponible. Or, ce week-end les Arag­o­nais fêtent la Vierge del Pilar, tout est plein. Nous aboutis­sons dans un dor­toir grée par une Russe, toi­lettes à l’é­tage, douch­es partagées. Qui par trois fois nous fait répéter:
-Vous voulez louer tout le dor­toir?
-Oui.
-Mais il ya cinq lit!
-Les cinq, pour êtres seuls.
Elle fait l’ad­di­tion lit par lit, présente sa fac­ture, compte les bil­lets, recompte.

Déserts 3

Vaste salle à manger rus­tique à Alia­ga, dans une ferme qui rap­pelle les posadas des con­tes picaresques. Le repas pour­rait être d’époque:  brasero de mou­ton, soupe à l’ail dans un bol de terre cuite, vin rouge et crème brûlée. Le vil­lage d’Alia­ga est au fond d’une gorge. Une rue, des immeubles fran­quistes à l’ap­proche, des bâtiss­es en colom­bages dans le cœur. Une église affublée d’un por­tail peint en turquoise. Grosse, sur­di­men­sion­née. Comme si cet endroit reculé avait, plus qu’au­cun, besoin de Dieu. Juste der­rière, un ruis­seau et des potagers. Sur le flanc de colline, un chemin de croix. Du bout du doigt, je par­cours le zig-zag. Quinze croix. Pourquoi? Plus une, de métal, entre pierre et ciel. En face, un pont de pierre qui donne sur une haute falaise. Un pan­neau indique la deirec­tion de Pitar­que. A en juger par le décor, un nid d’alti­tude. Nous avions prévu cette ral­longe d’é­tape. Une boucle de 36 kilo­mètres dans la pierre. Mon voisin au vil­lage d’A­grabuey, ingénieur des mines, m’a van­té l’ex­cur­sion. Réserve oblige, nous renonçons. Demain nous attend l’é­tape la plus longue. Pro­gramme de la soirée, boire de la bière, grig­not­er des chips et du Manchego. Hors-pro­gramme, un som­meil épou­vantable. Mus­cu­laire. Cela m’ar­rive chaque fois au début des cir­cuits: le corps peine à s’habituer. Au lieu de s’a­pais­er, il décon­tracte lente­ment pen­dant la nuit, si lente­ment qu’il est impos­si­ble de dormir.

Déserts 2

La sur­face de champs que nous avons devant nous, pour don­ner une échelle, ressem­ble à la vue que l’on a sur le lac Léman un jour où l’on voit Vil­leneuve depuis les hauts de Lau­sanne. Et ce n’est que terre rouge et jaune, pier­raille, sil­lons et tumu­lus (les cail­loux retirés des pro­fondeurs). Quant à la route, elle soupe au cordeau. Elle est droite. Quinze kilo­mètres de bitume silen­cieux, puis un virage et encore dix kilo­mètres. Ensuite des collines, puis en roue libre à tra­vers l’im­men­sité avec un pointe de vitesse à 55km/h. Sauf que le soir, l’hô­tel que j’ai choisi (le seul disponible) est dans un hameau. Le pro­prié­taire nous ouvre, nous installe. Il est pêcheur. Il par­le de tru­ites. Mon­tre le bassin qu’il a maçon­né dans la récep­tion.
“Mais ça ne va pas, elles s’échap­pent”.
Les vélos rangés, il indique le bar.
-Ici.
Nous regar­dons une porte. Voy­ant notre peu de moti­va­tion à ren­tr­er dans ce local éteint, il ajoute:
-Ou de l’autre côté de la rue.
Nous tra­ver­sons, nous ren­trons dans une pièce som­bre où sont qua­tre anciens, bérets vis­sés, appui sur cannes. Eparpil­lés le long du comp­toir des que­nouilles d’oignons, des tass­es sales, des patates ter­reuses, des sacs. Con­tre le mur, un cof­fre à bois­sons “ne pas se servir seul”.
-Elle va arriv­er, dit l’un des hommes.
Devant eux, ni jeu de cartes ni bois­sons. Sans tenir de con­ver­sa­tion, ils par­lent au hasard. Mon­frère m’at­tend dans la cou — il faudrait dire basse-cour s’il ne man­quait les ani­maux car pour les épluchures, les bassines, le grain répan­du et les chi­ures, tout y est.
-Oui, allez à l’ex­térieur, elle arrivera de la rue.
Mais non, “elle“ne vient pas. Alors, nous retournons à notre “hostal”. Le pro­prié­taire fait de la lumière dans la bar, apporte deux petites bouteilles de Estrel­la Gali­cia. Puis nous trou­vons la solu­tion. Peut-il nous con­duire au vil­lage voisin, celui où nous avons dîn­er à la mi-journée? Alfam­bra, un bourg ingrat, à demi-écroulé, un bourg de l’Es­pagne vide vers lequel les gou­verne­ments suc­ces­sifs s’ef­for­cent de déplac­er les immi­grés à coups d’al­lo­ca­tions. Le pro­prié­taire nous dépose. Il nous repren­dra à sept heures tapante car après il cui­sine pour les cou­vri­ers de la mine. A peine la camion­nette repar­ti, nous voyons que le bar est fer­mé. La suite st plus heureuse: pêcheur, femme de ménage, chauf­feur, ten­ancier, compt­able, soli­taire, le pro­prié­taire de l’hô­tel est aus­si bon cuisinier. 

Déserts

De retour à Cañete, ville emmu­rail­lée, bâtie au cen­tre des Ser­ranías de Cuen­ca. En mai, alors que je roulais depuis Mala­ga, j’ai passé la nuit dans ce même hôtel, avant d’at­ten­dre Agrabuey. Aujour­d’hui, je prends Mon­frère au train, à soix­ante kilo­mètres — il arrive de Madrid et de Genève. En soirée, nous obtenons nos cham­bre, je gare la voiture dans la garage de l’hô­tel. Le lende­main, pre­mière étape. J’ai dess­iné une cir­cuit de 450 kilo­mètres. Des petites routes, des cols à chèvres, des forêts de pins; vers Teru­el, des plaines sans fin; autour d’Al­baracín, une mon­tagne poudreuse et blanche, des vil­lages sus­pendus, des défilés, des mines. Et pour com­mencer, deux heures après le départ, une mon­tée à 10%. Elle sépare les provinces de Cuen­ca et Teru­el. Aus­sitôt m’est rap­pelé que je ne suis plus mon­té à vélo depuis le print­emps, que cet été la chaleur étouf­fante qui rég­nait à Venise à eu rai­son des mes pro­jets de course à pied — je monte avec peine, Mon­frère me prend vingt mètres, puis quar­ante. En fin d’é­tape, après avoir roulé 94 kilo­mètres pour 1500 mètres de dénivelé, nous prenons place sur une ter­rasse. Le garçon sert des “jar­ras” puis bal­aie devant nous, comme il peut, ce qu’il peut, dans le désor­dre, sans per­sévérance, ramas­sant ici un papi­er, là un mégot, renonçant à récupér­er une pelure d’o­r­ange ou un chew­ing-gum (le bal­ai, sujet de mon livre à paraître en novem­bre). Comme je vais pass­er une nou­velle com­mande, nous sym­pa­thisons. Il est Uruguayen. Ancien mem­bre des forces de police. Et m’ex­plique avoir été pris dans les forces spé­ciales, celles qui porte l’arme, pour son excep­tion­nelle rigueur.  

Cirque

Mou­ve­ments de foule à Barcelone. Mille, deux mille indi­vidus, désoeu­vrés, incer­tains, dont la presse fait des mil­liers. Ce qui a pour con­séquence de pren­dre en otage le reste du peu­ple cata­lan, qu’il soit ou non favor­able au ver­dict du tri­bunal de Madrid. Mais revenons à la rue: pourquoi est-ce que ces jeunes qui s’a­musent sous cou­vert de reven­di­ca­tions indépen­dan­tistes ne com­man­deraient-ils pas - dès lors qu’ils s’a­musent et ne risquent rien, ni prison ni répres­sion - sur des sites chi­nois via inter­net des uni­formes de la “policía nacional” des “mossos d’esquadra” afin d’at­ta­quer et vio­len­ter le per­son­nel des corps intermédiaires ?

Féminisme

La troisième libéra­tion fémi­nine (la pre­mière est poli­tique, égal­ité des droits, la sec­onde éro­tique, con­tra­cep­tion) est une idéolo­gie créée par le secteur postlibéral pour accroître la dynamique de pro­duc­tion donc, arith­mé­tique­ment, les béné­fices que ponc­tionne la minorité autorégulée sur le tra­vail-masse. Du point de vue psy­chique,  elle sous­trait de la femme sans addi­tion­ner du neuf, elle la mas­culinise par la liq­ui­da­tion de son human­ité spécifique.