Vaste salle à manger rustique à Aliaga, dans une ferme qui rappelle les posadas des contes picaresques. Le repas pourrait être d’époque: brasero de mouton, soupe à l’ail dans un bol de terre cuite, vin rouge et crème brûlée. Le village d’Aliaga est au fond d’une gorge. Une rue, des immeubles franquistes à l’approche, des bâtisses en colombages dans le cœur. Une église affublée d’un portail peint en turquoise. Grosse, surdimensionnée. Comme si cet endroit reculé avait, plus qu’aucun, besoin de Dieu. Juste derrière, un ruisseau et des potagers. Sur le flanc de colline, un chemin de croix. Du bout du doigt, je parcours le zig-zag. Quinze croix. Pourquoi? Plus une, de métal, entre pierre et ciel. En face, un pont de pierre qui donne sur une haute falaise. Un panneau indique la deirection de Pitarque. A en juger par le décor, un nid d’altitude. Nous avions prévu cette rallonge d’étape. Une boucle de 36 kilomètres dans la pierre. Mon voisin au village d’Agrabuey, ingénieur des mines, m’a vanté l’excursion. Réserve oblige, nous renonçons. Demain nous attend l’étape la plus longue. Programme de la soirée, boire de la bière, grignoter des chips et du Manchego. Hors-programme, un sommeil épouvantable. Musculaire. Cela m’arrive chaque fois au début des circuits: le corps peine à s’habituer. Au lieu de s’apaiser, il décontracte lentement pendant la nuit, si lentement qu’il est impossible de dormir.