Déserts 3

Vaste salle à manger rus­tique à Alia­ga, dans une ferme qui rap­pelle les posadas des con­tes picaresques. Le repas pour­rait être d’époque:  brasero de mou­ton, soupe à l’ail dans un bol de terre cuite, vin rouge et crème brûlée. Le vil­lage d’Alia­ga est au fond d’une gorge. Une rue, des immeubles fran­quistes à l’ap­proche, des bâtiss­es en colom­bages dans le cœur. Une église affublée d’un por­tail peint en turquoise. Grosse, sur­di­men­sion­née. Comme si cet endroit reculé avait, plus qu’au­cun, besoin de Dieu. Juste der­rière, un ruis­seau et des potagers. Sur le flanc de colline, un chemin de croix. Du bout du doigt, je par­cours le zig-zag. Quinze croix. Pourquoi? Plus une, de métal, entre pierre et ciel. En face, un pont de pierre qui donne sur une haute falaise. Un pan­neau indique la deirec­tion de Pitar­que. A en juger par le décor, un nid d’alti­tude. Nous avions prévu cette ral­longe d’é­tape. Une boucle de 36 kilo­mètres dans la pierre. Mon voisin au vil­lage d’A­grabuey, ingénieur des mines, m’a van­té l’ex­cur­sion. Réserve oblige, nous renonçons. Demain nous attend l’é­tape la plus longue. Pro­gramme de la soirée, boire de la bière, grig­not­er des chips et du Manchego. Hors-pro­gramme, un som­meil épou­vantable. Mus­cu­laire. Cela m’ar­rive chaque fois au début des cir­cuits: le corps peine à s’habituer. Au lieu de s’a­pais­er, il décon­tracte lente­ment pen­dant la nuit, si lente­ment qu’il est impos­si­ble de dormir.