De retour à Cañete, ville emmuraillée, bâtie au centre des Serranías de Cuenca. En mai, alors que je roulais depuis Malaga, j’ai passé la nuit dans ce même hôtel, avant d’attendre Agrabuey. Aujourd’hui, je prends Monfrère au train, à soixante kilomètres — il arrive de Madrid et de Genève. En soirée, nous obtenons nos chambre, je gare la voiture dans la garage de l’hôtel. Le lendemain, première étape. J’ai dessiné une circuit de 450 kilomètres. Des petites routes, des cols à chèvres, des forêts de pins; vers Teruel, des plaines sans fin; autour d’Albaracín, une montagne poudreuse et blanche, des villages suspendus, des défilés, des mines. Et pour commencer, deux heures après le départ, une montée à 10%. Elle sépare les provinces de Cuenca et Teruel. Aussitôt m’est rappelé que je ne suis plus monté à vélo depuis le printemps, que cet été la chaleur étouffante qui régnait à Venise à eu raison des mes projets de course à pied — je monte avec peine, Monfrère me prend vingt mètres, puis quarante. En fin d’étape, après avoir roulé 94 kilomètres pour 1500 mètres de dénivelé, nous prenons place sur une terrasse. Le garçon sert des “jarras” puis balaie devant nous, comme il peut, ce qu’il peut, dans le désordre, sans persévérance, ramassant ici un papier, là un mégot, renonçant à récupérer une pelure d’orange ou un chewing-gum (le balai, sujet de mon livre à paraître en novembre). Comme je vais passer une nouvelle commande, nous sympathisons. Il est Uruguayen. Ancien membre des forces de police. Et m’explique avoir été pris dans les forces spéciales, celles qui porte l’arme, pour son exceptionnelle rigueur.