Mois : août 2018

Misère

Plus d’aléas et d’imag­i­na­tion! Des esprits flot­tants mais chercheurs, un car­naval véri­ta­ble de la race humaine. Les mains vul­gaires cherchent à ramen­er au sol pour appli­quer l’or­dre? Quand il n’y a que boue, il le faut. Quand il y a des con­sciences gavées de lumière — c’est aujour­d’hui — il ne faut pas. Ce décor dans lequel nous évolu­ons en morts-vivants per­suadés de faire des­tin, n’est que faux désor­dre, illu­sion vitale, morti­er. Un réel auquel ne par­ticipent pas ceux qui font souf­frir, ceux qui n’ont qu’am­bi­tion de pou­voir, est une misère.

Anarchisme

Le cauchemar, c’est l’é­gal­ité. Bien sûr, cela n’ex­iste pas. Il faut l’im­pos­er. Une fois créés, les égaux ne pour­ront être main­tenus dans cet état con­tre-nature qu’au moyen d’une force tierce traduite en norme légale, celle dont les faibles s’ar­ro­gent la ges­tion, habituelle­ment coal­isés dans un appareil de com­mande qui sert leurs intérêts au nom de l’in­térêt général. Voilà où nous en sommes. Voilà où, sans cesse, et de façon récur­rente, quand bien même l’his­toire va, nous en sommes. L’E­tat. Auquel il con­vient d’op­pos­er un droit pre­mier, lui authen­tique­ment naturel, celui de ne jamais soumet­tre son corps ni son esprit quand les rela­tions au sein du groupe n’im­pliquent pas un degré de lib­erté sup­plé­men­taire à ce qui est pour­voi de nature.

Présence

Cette nuit dans ma cham­bre, Gala.
“Non! Je dois rêver.“
Réveil­lé, je vois: tout est noir — je rêvais.

Ghetto 2

Du social­isme il con­vient de se méfi­er comme la peste. Hox­ha, Honeck­er, Mus­soli­ni, Salazar, d’autres vio­lents que l’on ose à peine nom­mer en firent bon usage. Aujour­d’hui, les pro­gres­sistes scan­di­naves don­nent l’ex­em­ple de ce qu’il ne faut pas faire. Le Dane­mark, cette société de la famille élargie (aucun esprit pam­phlé­taire, mes enfants sont Danois) a accueil­li pen­dant trente ans, au nom de l’habituel chara­bia human­i­taire des éner­gumènes de la périphérie africaine et asi­a­tique. Lesquels ont cer­taine­ment pen­sé à leurs fratries mais très peu à la société danoise. On ne peut leur en vouloir: le niveau d’é­d­u­ca­tion req­uis pour demeur­er libre dans une con­fig­u­ra­tion social­iste aus­si sub­tile que celle du Dane­mark n’est pos­si­ble que si l’on addi­tionne générosité et protes­tantisme (pari dif­fi­cile pour un étranger). Résul­tat: viol, vio­lences, crimes et rit­uels, la répli­ca­tion de ce que cette engeance pré­tendait fuir. Et donc, l’E­tat va de l’a­vant. Dans le meilleure tra­di­tion social­iste (qui pour­rait être hitléri­enne): sco­lar­i­sa­tion des enfants de deux ans, tuteurs imposés aux ménages, bracelets élec­tron­iques pour les pop­u­la­tions éner­gumènes, inté­gra­tion par les pro­grammes oblig­a­toires. Et ain­si de suite — il ne manque pas de fonc­tion­naires péd­a­gogues pour innover dans ces régimes de haut social­isme. Tout à l’heure je lisais une fois de plus Bernard Stiegler, dont j’ad­mire le par­cours et appré­cie le brio. Son livre, Dans la dis­rup­tion évoque le cas de cet immi­gré (choisi au hasard tant le cas est com­mun, aimerait-on ajouter), délin­quant et drogué, con­ver­ti en prison par des idéo­logues, con­duit à la guerre “sainte”, bref, à la tuerie. Le philosophe nous donne alors son analyse dans le lex­ique désor­mais con­nu de “l’époque de la société sans époque” de l’ ”appareil­lage de dis­posi­tifs dis­rup­tifs” et “du défaut qu’il faut” — soit, j’en suis. Mais en l’oc­cur­rence, on sim­pli­fierait à par­ler de bêtise. La philoso­phie doit aus­si savoir ren­dre jus­tice aux faits. Un gamin bête, pau­vre, sans espoir, importé d’une société prim­i­tive et placé dans une société civil­isée, exigeante, com­plexe. Pau­vre de lui! Oui — seule­ment, sec­ourir la faib­lesse, ce qui était le rôle de l’E­tat prov­i­dence est une chose, se servir de la bêtise des éner­gumènes d’im­por­ta­tion pour impos­er un bridage des lib­ertés sous pré­texte d’é­gal­i­sa­tion social­iste, en est une autre. Après tout, la mil­i­tari­sa­tion de la jeunesse des pro­grammes fas­cistes n’est qu’une autre expres­sion pour sco­lar­i­sa­tion oblig­a­toire, bracelet élec­tron­ique et tuteur. Ce qui per­met de voir, au ralen­ti certes, mais en images, com­ment une for­mi­da­ble machine à détru­ire la lib­erté est mise en place ces jours en Europe. Avec pour cible évi­dente, ceux qui jugent la démoc­ra­tie fondée sur le débat et la critique.

Chèvres

Un autre voisin, bon­homme et jeune, la barbe laineuse, un car­ac­tère spon­tané. Il tra­vaille dans une coopéra­tive d’él­e­vage, des chèvres.
-Ah non! Elles sont stu­pides. Par exem­ple… euh.. dans un enc­los, trente bêtes, tu vois? Je m’a­vance sur la pointe des pieds, très calme. Elles entrent dans un tel état d’ex­ci­ta­tion qu’elles se jet­tent la tête la pre­mière con­tre les murs. Et tu vois, c’est mon boulot! J’en­tre tous les jours…

Nom

Nous mon­tons à l’al­page, au dessus de Vien­niel-de-Castil­lo, par la forêt et le maire, tan­dis que nous pro­gres­sons sur le chemin de cail­loux:
-Là c’est Lierde… après le pin, El sisio, à droite Los Ver­nue­ses Bajos…
Et devant mon éton­nement:
-Oui, tout a un nom.

Notion à déconstruire

Cette cri­tique de l’é­tat-nation, idée aber­rante, à voca­tion total­i­taire. L’usage banal­isé de cer­tains ter­mes bloque toute remise en ques­tion; mais si j’y réfléchis, je vois. La nation, représen­ta­tion mys­tique, référée à la reli­gion, l’é­tat, appareil admin­is­tratif. Créer l’ad­hé­sion par l’ap­pel religieux, con­train­dre par l’or­gan­i­sa­tion arithmétique.

Bière 2

Décou­vert une épicerie au vil­lage voisin qui représente cette bière, la seule que je puisse avaler par­mi dix, quinze, vingt mar­ques locales. Les vendeuses com­men­cent de vider le stock.
-Là.
Je fais la moue.
-Vous en pren­driez plus…?
-Met­tez tout.
Soix­ante litres.
-Où est votre voiture?
Je la désigne: mon­tée sur le trot­toir, le pare­choc est à deux mètres de la caisse enreg­istreuse, der­rière l’un de ces rideaux de per­les qui tamisent la lumière vio­lente de l’été (le côté west­ern des lieux reculés de mon­tagne).
Sont apparues deux autres vendeuses. Passe un gosse. Que je salue. C’est l’un de ceux que j’ai emmené en camp dans la forêt, le jour de sor­tie pour les enfants d’A­grabuey. Mes litres encof­frés, je démarre la voiture et rase une ter­rasse de bistrot: on me fait de grands signes, tous les amis du vil­lage, guides et ani­ma­teurs, sont là. J’ar­rête, je saute à terre.
-Pro­vi­sions? Demande Enrique.

Arrière-garde

Cette thèse, pro­posée selon le délire habituel et opti­miste de ces gens — Deleuze, Fou­cault, Blan­chot — que la com­mu­ni­ca­tion est l’in­verse de l’art (je cau­tionne)… Quar­ante ans plus tard (je cau­tionne tou­jours), nous voyons ce qu’il en est des idées: elles cir­cu­lent à la vitesse de la lumière à tra­vers le cerveaux, mais ne s’ar­rê­tent plus, et insai­siss­ables, font détritus.

Autre

Gala me dit sans cesse — à dis­tance, n’ayant pas le plaisir de par­ler avec elle de vive voix  — “nous sommes la généra­tion sac­ri­fiée, celle qui doit s’adapter au nou­v­el appareil­lage élec­tron­ique de l’ex­is­tence”. Elle en a con­tre la mul­ti­pli­ca­tion des dis­posi­tifs de médi­ati­sa­tion. D’ac­cord. Cepen­dant, plus j’y pense, plus je me dis qu’elle décrit l’ex­i­gence imposée à sa généra­tion, celle qui est née dans l’après-guerre. Pour moi, le sen­ti­ment serait plutôt : nous sommes les pre­miers à sen­tir qu’au­cune des solu­tions résul­tant de la com­bi­na­toire ter­restre peut suf­fire pour l’avenir et qu’il va donc fal­loir trou­ver autre lieu, autre chose, autre idée.