Mois : août 2019

Sexe-marteau

Le délire sex­uel façon marteau pilon est un symp­tôme de la déca­dence, c’est à dire de l’in­ca­pac­ité à imag­in­er l’ac­cès à la tran­scen­dance (plus sim­ple­ment l’ex­térieur — comme on ouvri­rait une fenêtre pour respir­er) sinon par la sub­li­ma­tion matérielle du corps, la destruc­tion matérielle de l’être moral, l’acharne­ment matériel, le sexe mor­tifère. Que cette folie ani­male soit d’abord le fait des gou­ver­nants et de leurs sou­tiens financiers relève de l’év­i­dence: eux seuls ont tout misé sur le pou­voir, cette absolue per­ver­sion de l’équili­bre humain.

Plis

Mon bref séjour de dix semaines en Toscane me fait dire: ces gens d’I­tal­ie n’ont que des qual­ités. Mais com­ment font-ils? Pour se mou­voir dans une telle con­cen­tra­tion de collines et de val­lées. Com­ment font-ils? Leur ter­ri­toire me rap­pelle ces chiens à peau plis­sée, les Sharpei. Aux temps préhis­toriques, un titan aura don­né un coup de pied con­tre les falais­es côtières provo­quant une brusque surten­sion de l’e­space. Le Min­istère des travaux pub­lic le sait: nuit et jour, il creuse des tun­nels et jette des ponts. Pour ceux qui cir­cu­lent et sont nés ailleurs — les étrangers placés face à cet étrange phénomène — c’est un enfer!

Merveille…

…de beauté ce Cia­cona en F mineur pour orgue de Johann Pachelbel.

Dieu

Que Dieu soit nom­mé est le meilleur des rem­parts con­tre l’aber­ra­tion qui con­siste à rem­plir le ciel d’il­lu­sions sec­ondaires, tout aus­si fab­riquées, moins sub­tiles. Dieu, c’est l’habi­tude: on se partage et se con­fronte, on aime ou fustige, cer­tain prient d’autres protes­tent. Vacant, la place n’est plus occupée par quelque chose d’assez vis­i­ble pour que l’on puisse lui don­ner nom. C’est dire que cela se com­plique. Le régime d’oc­cu­pa­tion n’a pas changé. Il y a un occu­pant. Ses admin­is­tra­teurs, ses créanciers, ses thu­riféraires y veil­lent. Il n’est que de voir le pape (l’im­bé­cile vat­i­canais en poste), il ne sait plus où don­ner de la tête: ahuri d’Amérique, pousse colo­niale, demi-com­mu­niste, il voit bien que l’af­faire lui échappe. Alors, minable entre tous, il se met en devoir de con­cur­rencer les pou­voirs tem­porels de basse extrac­tion, par­le poli­tique et chif­fons. Non vrai­ment, mieux vaut con­serv­er en place ce Dieu auquel nous étions habitués, que de pré­ten­dre qu’il est mort, rangé au mag­a­sin des antiques et subir derechef les pou­voirs incon­trôlés de quelques agis­sants, lar­rons de la méta­physique com­plotant der­rière des Con­cepts neufs (comme si cela pou­vait être, “neuf” — allons Messieurs!)

Nature

Dans l’ar­bre rouge du jardin, des oiseaux affolés, rapi­des, petits. J’ou­vre la fenêtre, je me penche. Ils jouent, piquent vers le ciel, se heur­tent et s’évi­tent, retour­nent dans les branch­es. Neuf semaines que je suis absent. Ils ne savent pas que je suis là. Ce matin, l’ar­bre — silen­cieux — rouge — atten­tif à ma présence.

Avers, envers

Tou­jours plus nom­breuses, ces per­son­nes qui ont le courage de leur opin­ion aus­si longtemps que vous êtes d’ac­cord avec elles.

G7

Via Skype.

Gênes 3

En cab­ine, ce règle­ment: Ne prenez une douche que si votre con­di­tion physique vous le permet.

Gênes

Gênes, aus­si laide que Toulon (moins agres­sive cepen­dant). Fripée, tor­due, odor­ante. Un vieux bouquin qui aurait pris l’eau. L’av­enue prin­ci­pale est flan­quée de bâtiss­es à colon­nades. On croirait des théâtres. Cinquante théâtres au ven­tre vide. Dans les rues étroites ten­dues de lessive, presque des boy­aux, une pop­u­la­tion de toutes les couleurs, mais délavée. Beau­coup d’Andins. Des noirs en uni­formes por­tu­aire, des musul­mans vendeurs de semoule. L’air triste. Usé. Même les Ital­iens ont per­du le sourire. Je pen­sais à Pon­tianak. La cap­i­tale du Bornéo indonésien. J’y suis allé il y a trente ans. J’ar­rivais de Kuch­ing-Sarawak. Nous logions sur les bor­ds du fleuve noir, gris, jaune qui coupe la ville en deux. Pour aller boire, il fal­lait pren­dre une bar­que. Avec Olof­so, nous regar­dions l’eau avec crainte. Com­bi­en de temps pou­vait-on sur­vivre dans cette eau puante? Puis au cen­tre, dans des rues inter­lopes, entre des mag­a­sins vides, nous avons croisé un ado­les­cent à gui­tare. A tue-tête, il a chan­té “Aline” de Christophe. Il avait appris la chan­son mais igno­rait tout de la langue. Nous avons traduit les paroles. Il me sem­blait que c’é­tait ça, le tiers-monde. Mais il n’y a plus besoin d’aller aus­si loin — il y a Gênes ou Toulon.

Gênes 2

Embar­qué sur l’Ex­cel­lent, un fer­ry de neuf étages. Prévu pour midi, le départ est retardé de deux heures. Les voitures sont à l’ar­rêt sur les pistes. Quelques touristes à des­ti­na­tion de Barcelone patien­tent sous un soleil brûlant. De l’autre côté de la clô­ture, cinq, six, sept cent Maro­cains. Ils passent les pre­miers, rangent leurs véhicules sur­chargés ( ficelés sur le toit, frig­ori­fiques, mate­las et vélos) dans le fond de la cale. Avec le cou­ple espag­nol qui me précède, nous impro­vi­sons un apéri­tif. Chips, “bir­ra Moret­ti”. A bord, je dis­pose d’une cab­ine famil­iale. Au dernier moment, Gala a renon­cé à venir. Instal­lé sur le pont, je lis Dan­tec et bois. Le cou­ple de Madrilènes me rejoint, nous par­lons jusqu’à la nuit. Au lever du jour, la côte cata­lane est en vue.