Gênes

Gênes, aus­si laide que Toulon (moins agres­sive cepen­dant). Fripée, tor­due, odor­ante. Un vieux bouquin qui aurait pris l’eau. L’av­enue prin­ci­pale est flan­quée de bâtiss­es à colon­nades. On croirait des théâtres. Cinquante théâtres au ven­tre vide. Dans les rues étroites ten­dues de lessive, presque des boy­aux, une pop­u­la­tion de toutes les couleurs, mais délavée. Beau­coup d’Andins. Des noirs en uni­formes por­tu­aire, des musul­mans vendeurs de semoule. L’air triste. Usé. Même les Ital­iens ont per­du le sourire. Je pen­sais à Pon­tianak. La cap­i­tale du Bornéo indonésien. J’y suis allé il y a trente ans. J’ar­rivais de Kuch­ing-Sarawak. Nous logions sur les bor­ds du fleuve noir, gris, jaune qui coupe la ville en deux. Pour aller boire, il fal­lait pren­dre une bar­que. Avec Olof­so, nous regar­dions l’eau avec crainte. Com­bi­en de temps pou­vait-on sur­vivre dans cette eau puante? Puis au cen­tre, dans des rues inter­lopes, entre des mag­a­sins vides, nous avons croisé un ado­les­cent à gui­tare. A tue-tête, il a chan­té “Aline” de Christophe. Il avait appris la chan­son mais igno­rait tout de la langue. Nous avons traduit les paroles. Il me sem­blait que c’é­tait ça, le tiers-monde. Mais il n’y a plus besoin d’aller aus­si loin — il y a Gênes ou Toulon.