Mois : juillet 2019

Sage

Ne par­ticiper à rien. Début de la sagesse.

Ancilangue

Main­tenant que tout se sait, pourquoi con­tin­uons-nous à croire au men­songe? Parce que penser est la pire des punitions.

Hoquets

Epou­vantable hoquet hier dans la nuit. Epou­vantable n’est pas un mot lit­téraire: j’avais peur. Ayant bu de fortes quan­tités après ces quinze jours à l’eau, le corps sec­ouait. Ne sachant que faire — les spasmes durent, les poumons con­tractent, le gorge brûle — je sors du lit, ren­verse ma bouteille, éponge, sors dans la cour aux ani­maux, trou­ve ma corde à sauter et de retour dans la cham­bre saute. J’ai dans l’idée de réguler la res­pi­ra­tion en l’ac­célérant — ça ne marche pas. Le hoquet per­siste. Je me con­tor­sionne. J’émets des bruits, je râle, je soupire, je souf­fre. Le hoquet, le hoquet. Dans cet état, me dis-je, mieux vaut mourir. Le jour où cela se pro­duira à grande échelle, me dis-je, il fau­dra se tuer. Pour l’heure, je ne sais com­ment faire. Je vais à la salle de bains, au jardin, dans la nuit, à l’é­tage, au rez, jurant, cri­ant, hoque­tant; je parie que dans le silence des heures on m’en­tend dans toute la ferme. Au bout de cinquante min­utes, l’épou­vante ren­tre dans le corps, il se tait. Les bras m’en tombent. Epuisé, je regagne le lit, me ren­dors. Ce matin, au réveil, à midi, nou­veaux hoquets. Démon­té, je vais au petit-déje­uner. Gala m’ac­cueille:  “Tu es là, tu es là,? J’ai cru que tu mourrais!”.

Spaghettis

Sorte de pâtes en forme de “petites ficelles”.

Vitesse

Un ordi­na­teur ne se déplace pas. Il a le don d’u­biq­ui­té. Au ser­vice de l’homme, ce don d’u­biq­ui­té a un effet : l’homme ne se déplace plus. Il grossit. Il stagne. L’or­di­na­teur et l’homme sont là, inertes, le don d’u­biq­ui­té circule.

Cactus

Posé sur ma table de tra­vail un cac­tus, comme j’ai l’habi­tude de faire depuis mon instal­la­tion à Mala­ga. En pot, pris au marché du vil­lage, je l’ai choisi en rai­son de son zoomor­phisme. Quand on le regarde sous un cer­tain angle, il ressem­ble à un éléphant. Se détachent les oreilles sou­ples et vastes, un début de trompe, deux mains naines. Puis le doute m’est venu. Le marc­hand l’au­rait-il trafiqué? A‑t-il con­fec­tion­né ce cac­tus? Dans quel cas cer­taines excrois­sances vont faib­lir avant le tronc. J’observe.

Livres d’Amérique

Bret Eas­t­on Ellis, dont j’ai telle­ment admiré le pre­mier roman, Moins que zéro, lu il y a trente ans, ce matin à la radio pour un entre­tien, et quelle décep­tion: lent, pataud, bon­homme. Un Améri­cain cri­tique, ini­tiale­ment sur­doué, encore intel­li­gent, mais si peu intel­lectuel, si peu lan­gagi­er, si peu cul­tivé. Peut-être m’é­tais-je égaré? Ecrire Moins que zéro ou Les lois de l’at­trac­tion est impos­si­ble pour un Européen: trop de mémoire, de philoso­phie, de raf­fine­ment. Pas assez d’im­ages au quo­ti­di­en. Un défaut réd­hibitoire de plas­tic­ité. Aus­si, l’an­i­ma­teur de France-Cul­ture! Pon­cif sur pon­cif. “Main­tenant que vous êtes ici, à Paris, la ville des Lumières…”. A‑t-il seule­ment lu un des sept roman d’Eas­t­on Ellis? Ain­si, dans la dernière généra­tion, Jim Har­ri­son ferait excep­tion. Chez cet écrivain, on devine une cul­ture authen­tique: lit­téra­ture, pein­ture, cui­sine, his­toire. Et ce n’est pas du ver­nis, il vivait dans la Mon­tana. Ver­nis un Tom Wolfe, supercherie un Don Delil­lo, névrose (et belle qual­ité lit­téraire) un Paul Auster, mais pas Harrison.

Roi de Suisse

Ecrire Le roi de Suisse m’a­muse. Je ris. Le rire par­ticipe de l’écri­t­ure. Rien de tel que de manip­uler des vies cour­tes et car­i­cat­u­rales au moyen de la farce. Un monde grotesque où chaque coup porte, aucun ne tient. Amu­sant encore de con­stater qu’il ne peut y avoir pro­gramme. Le théâtre, dans son essence, est sub­ver­sion. Les répliques tirent les per­son­nages à hue et à dia. L’au­teur doit se laiss­er entraîn­er. Il n’est que de juger par les oeu­vres engagées des années rouges: qu’en reste-t-il? L’ab­surde a mieux résisté. La farce, elle, est éter­nelle. Elle ne s’ac­com­pa­gne d’au­cune méta­physique. Elle con­vient et peut plaire parce que les hommes, tous les hommes, mêmes les plus sérieux, savent dans le for intime que leur action s’ap­par­ente à une farce.

Minorités 3

L’é­gal­i­tarisme est un pro­jet d’in­dif­féren­ci­a­tion. Autre­fois marx­iste (liq­ui­da­tion de la bour­geoisie) et com­mu­niste (homme nou­veau), il est aujour­d’hui cyberné­tique. La per­son­ne doit faire place au sys­tème. L’in­di­vidu sans qual­ités dis­tinc­tives ou cumu­lant toutes les qual­ités admis­es (ce qui revient au même) est l’u­nité de fab­rique de l’ensem­ble social. Il con­vient ici de revenir à la plus con­nue des cita­tions de Paul Valéry, qui est aus­si la plus mal com­prise: “enrichissons-nous de nos mutuelles dif­férences”. Ce qui sous-entend des dif­férences. Pré­cisons: reflets d’une his­toire. Les minorités qui revendiquent des droits sec­ondaires ser­vent ain­si d’épou­van­tail au sys­tème pour abolir le type d’être issu de la con­struc­tion human­iste par le lan­gage, l’his­toire et la tech­nique. Désor­mais, la tech­nique est seule est en faveur: elle chiffre les récep­teurs, mesurent les besoins, agen­cent les indi­vidus, cod­i­fie les rap­ports, et sup­prime l’homme. Dans cette logique, après les immi­grés, il est tout a fait nor­mal d’in­tro­duire dans la société les ani­maux, et de leur con­fér­er droit égal. Le principe fonc­tion­nal­iste autorise a pri­ori l’extension.

Camp du bien 2

La nou­velle loi améri­caine dite Cloud act per­met aux agences fédérales de con­sul­ter les serveurs de toutes les entre­pris­es nationales du numérique afin de lire les con­tenus des util­isa­teurs que ceux-ci soient situés aux Etats-Unis ou ailleurs dans le monde.