Chaque jour l’impôt est moins justifiable. Les manifestations de gilets jaunes français ne sont que l’avant-goût de l’exaspération qui gagne ce qu’il reste de peuple au travail. Comme tant de fois dans l’histoire antécédente, l’argent échappe des mains des laborieux pour alimenter une hiérarchie abusive et sa clientèle d’assistés.
Mois : juillet 2019
Apprendre à lire
Convaincu que la lecture est l’expérience personnelle par excellence. Qu’elle seule est capable de solliciter l’entière richesse de notre psychologie, harmoniser idée et action, tracer une voie originale et heureuse. Ainsi, je me lamente de l’effrayant changement de paradigme qui plonge la génération nouvelle dans le bain des images. Quand comprendra-t-elle que le monde lui est refusé? Qu’elle n’appréhende qu’un univers de fabrique où l’on se meut selon un scénario préconçu, de ce fait aussi statistique et prévisible comme le sont fatalement les approches collectives?
Tous les jours
Commencé d’écrire Le roi de Suisse, une farce. La température continue d’augmenter. Mardi, il fera quarante degrés. Les coqs chantent la nuit, l’oie s’agite derrière la haie. Ces animaux, qui sont juste là, sont invisibles. Impossible de se pencher, la haie est trop haute. Impossible de plonger la tête, la végétation est dense. Quant à la porte du domaine, elle est de fer, sans trouées. Gala annonce qu’elle ira sonner. Lorsque j’ai marché sur les berges de la rivière, j’ai dérangé un troupeau de chèvres. Lui aussi appartient au propriétaire du domaine. Après le premier orage, je commencerai la traduction de mon essai à l’espagnol.
Parc
Il y a sur le bord de la rivière, un parc alangui et chaud, entretenu et désordonné, rempli de toutes les espèces d’arbres. Nous y allons en voiture, car entre notre corps de ferme et le parc, passe une route. Sur le parking du terrain de foot, près de la borne d’eau gazeuse municipale, je décharge le vélo de Gala. Elle s’en va, je pars à la course. Sentiers et voies de bitumes permettent de se faufiler sous la frondaison. Moi qui ne sait rien de l’Italie, je dirais qu’il n’y a pas plus italien que ce parc. L’abandon est palpable, mais c’est à la nature que les hommes ont abandonné le parc, et il y règne une tranquille sauvagerie. D’ailleurs, les gens sont surpris. Ils n’ont pas tort; en marchant à travers les aplats d’herbes, les buissons, le branchage, on a l’impression que l’on trace une voie. Qu’un autre promeneur suive la même voie est donc une surprise. En réalité, on a sous les pieds un chemin, mais si peu dessiné, si divaguant, que l’on croirait le créer au rythme de son avancée. A petits foulées, je cours trois quart d’heure, répétant une boucle, tantôt sous les soles pleureurs, tantôt le long des aires de jeux. Dans un coin reculé, j’aperçois le vélo de Gala. Elle cueille des cerises et des prunes. De retour à la voiture où nous avons pris rendez-vous afin d’aller chercher notre vin avant la nuit, je ne vois pas Gala. En revanche, une femme me regarde. Je fais de même. Puis continue mes exercices d’assouplissement. Souffle et passe devant elle. M’en vais. Elle vient dans ma direction. Je la salue. Elle répond. C’est une invitation.
H‑M
Après six jours d’un travail de correction de l’essai Hommemachine, je m’assieds sur notre terrasse de Galluzzo et me découvre silencieux, inquiet, angoissé. Gala parle, je ne suis pas. Elle sert, je mange à peine. Elle verse du vin, je bois de l’eau. J’ignore si les prochains lecteurs de cet exposé sur la clôture sociale par le neuromarketing, le libéralisme dévoyé et la robotique feront la même expérience, mais pour moi, je suis assommé. Sur trois chapitres, les raisonnements sont boulonnés. Violente la charge. Et quand on réécrit, impossible de négliger un passage, de papillonner, il faut se pénétrer de chacun des arguments, les soupeser, au besoin les renforcer. D’où cette étrange intoxication. Quelque six mois après la première rédaction du texte, je le lis sans pouvoir me départir du sentiment qu’il dit vrai. Or, ses thèses étant les miennes, c’est dire avec quelle puissance elles emportent mon adhésion. Avec pour effet paradoxal la confirmation objective de mes pires attentes.
Camp du bien
Cher amis, depuis quelques jours des robots de la multinationale scannent ces pages de notes. Ils viennent de me délivrer un avertissement pour opinions non-conformes “sur la plainte de certaines personnes”. En cas de fermeture, j’indiquerai par une voie ou une autre mon parage d’immigré.