Mois : octobre 2018

Arabes 4

Ce ven­dre­di, même scène des tapis. Il va son­ner midi. Lorsque je me penche à la fenêtre, le square a été repeint aux couleurs de l’is­lam. Je ful­mine. Pas d’en­fants. Ils ont fui. Rem­placés par des Magrhébins et des noirs en pyja­ma, djellabas et que sais-je. Ils se tien­nent la main, se couchent, s’age­nouil­lent, fument et monop­o­lisent. De la mosquée sort un bar­bu un haut-par­leur à la main. Il s’en va. Revient avec un sec­ond haut-par­leur. Main­tenant, il tire un câble en tra­vers de la route. Et apporte un engin. Cinq min­utes plus tard, un chant reten­tit. Enfin, chant, c’est beau­coup dire. Les Arabes, les noirs s’age­nouil­lent, com­men­cent à prier. Je me dresse à la fenêtre. “Viva Italia! Back to Africa! Islam e mer­da!” Quinze ans de hard­core ont cul­tivé ma voix; elle porte. “Democrazia! No Islam!” Cette fois, c’est l’émeute. Les Ital­iens de Bor­go Alle­gri sont aux fenêtres: les cuisiniers sor­tent des trat­to­rias, et les anti­quaires, et le boulanger du Forno. Com­mence la prière. Deux cent éner­gumènes en rythme, et je me relève et je me couche. Des gars qui dor­ment dans la rue, sen­tent encore la cas­bah et l’eau de la Méditer­ranée. Au cen­tre de Flo­rence, à trois cent mètres du Dôme! Je prends mon souf­fle et dou­ble la mise: “Is-lam, mer-da! Democrazia!”. Entre-deux:
-Gala, va chercher les flics avant que ces crétins ne mon­tent me lynch­er!
Les bras se ten­dent, les insultes fusent. Gala se maquille.
-Main­tenant Gala, si tu veux me retrou­ve entier! Ils sont deux cent!
Calme et affolée, elle répète:
-Oui, attend, oui, j’y vais!
De retour à la fenêtre, j’en­voie de nou­veaux slo­gans, mais dois couper court, on sonne: la police. Deux agents mon­tent, la main sur leurs flingues. Gala fait entr­er. Au début, ils ne sont pas ras­surés. Puis ils voient que je suis sobre et décidé. Ils com­pren­nent ce que je dis:
-Ras­surez-moi, cette saloperie n’est pas autorisée!
Elle l’est. Par le préfet. Ces pau­vres clan­des­tins débar­qués par la maf­fia n’au­raient pas assez de place pour prier donc, en atten­dant une meilleure solu­tion, les politi­ciens leur ont don­né le square. Je me tape la tête. En lan­gage uni­versel: “mais enfin, vous les Ital­iens, êtes com­plète­ment fous!”. A nou­veau on sonne. Il me sem­blait bien, tan­tôt le flic a par­lait dans son walkie-talkie. Gala ouvre: c’est l’in­specteur. Il est en civ­il. Le flic a dû lui dire que ce n’é­tait pas dan­gereux. Il vient pour clore l’af­faire. Pen­dant qu’il par­le en ital­ien avec Gala, les flics en uni­forme me font signe. Ils m’en­traî­nent dans la cham­bre à couch­er et refer­ment la porte sur nous.
-Moi, me dit l’un des agents, je pense comme vous, il faut les pen­dre, mais je ne peux rien faire. C’est le préfet.
-De quel par­ti?
-Sinies­tra.
-Por­ca mis­e­ria!
Une heure plus tard (les flics sont par­tis), c’est les pro­prié­taires de l’ap­parte­ment qui débar­quent. Ils sont inqui­ets. Trem­blants. Surtout la femme. Gala leur fait des politesses. Je tranche: “écoutez, si j’avais su qu’il y avait une mosquée sous ce loge­ment, jamais je n’au­rai loué. Je déteste ces musul­mans qui vien­nent pour­rir ce qui reste de nos démoc­ra­ties”.
Alors le pro­prié­taire:
-Je suis musul­man.
Depuis ven­dre­di, je sors armé. Et avant ou après Gala. Car il me faut chaque fois pass­er devant les quinze, vingt, trente éner­gumènes qui règ­lent leur traf­ic sur le trot­toir. Et qui savent qui je suis.

Arabes 3

Ven­dre­di dernier, c’est le matin, le soleil éclaire la rue Bor­go Alle­gri, le parc et le square. Les cloches son­nent. Je m’ha­bille devant la fenêtre. Un enfant joue au pied du tobog­gan. Assis, les par­ents bavar­dent. Un Arabe pousse une char­rette. De loin, je vois des tuyaux. Ce sont des tapis. Il en déroule un. Long et vert. Tapis de pro­pa­gande avec crois­sant et minarets. Un deux­ième. Peu à peu, il recou­vre le gravier, la pelouse, une moitié du square. Les par­ents sont éton­nés. L’Arabe passe et repasse, lisse ses tapis. Il se retire. Le gamin monte sur le tobog­gan, se reçoit sur un tapis.
-Gala? Viens-voir! Qu’est-ce que tu en pens­es? Tu trou­ves nor­mal?
A peine ai-je fini que l’Arabe ressort de la mosquée et gronde le gamin. Pas un regard pour les par­ents. Si: voilà que d’un revers de main, il leur intime l’or­dre de s’en aller. Et sec­oue le tapis. Je descends l’escalier qua­tre à qua­tre, passe devant les quinze cor­réli­gion­aires de l’Arabe au tapis (qui le jour et le soir encore sta­tion­nent et s’oc­cu­pent à de menus trafics). Désig­nant le gamin:
-Ici, c’est une parc pour les enfants, et là c’est un enfant, pas une suc­cur­sale de l’is­lam. Pas d’is­lam!
Cela en Ital­ien, comme il me vient. Réac­tion immé­di­ate, les Arabes se mobilisent. J’avais prévu: je me suis mis à l’abri dans le square, je les invec­tive depuis l’autre côté de la bar­rière. Ils essaient de cam­ber. Je recule. Un bar­bu sort de la mosquée. J’at­trape les deux tapis à mes pieds et les jette en l’air. Aus­sitôt je m’ex­cuse auprès du père, je n’avais pas remar­qué que l’Arabe, en lis­sant, avait fait gliss­er son trousseau de clefs dans le gravier — il le cherche à qua­tre pattes. Cepen­dant le ton monte côté Arabes. Pour moi, je hurle. Des choses pleines de bon sens telles que “retournez dans votre désert!” La maman enlève l’en­fant et bat en retraite. Le père a peur. Soit. Et main­tenant, le plus dif­fi­cile: pass­er devant les quinze éner­gumènes musul­mans sans avoir à se bat­tre. Un noir a enfin com­pris, il s’écrie:
-Racista!
Sur quoi je le traite de noir, marche en crabe et ren­tre dans l’im­meu­ble. Un Arabe se jette sur la porte. Il veut défon­cer. A notre étage, Gala me dit:
-L’i­mam est sor­ti, il a calmé le type qui voulait cass­er la porte.
-Appelle les flics! Non mais, un jardin pub­lic! Manque plus  que la prière de rue!

Sonnante et trébuchante

Idée d’un livre qui pour­rait me faire gag­n­er beau­coup d’ar­gent; de la lit­téra­ture. Immé­di­ate­ment, cela m’a posé un prob­lème de morale. Même avec les moyens de con­tourne­ment et sous-pseu­do­nyme. La lit­téra­ture mérite mieux. Oui, mais…

Recevoir

Ces hôtes qui vous reçoivent chez eux comme s’ils étaient seuls.

Egyptologie

Vis­ite atten­tive des galeries égyp­ti­ennes du musée archéologique. A quelques rues, la file d’at­tente pour les splen­deurs des Offices s’étire sur cinq cent mètres, ici c’est le silence. Éton­nants sar­cophages de bois peints ouverts sur des momies entières, au milieu de col­lec­tions rap­portées par le dis­ci­ple ital­ien de Cham­pol­lion, Ippoli­to Roselli­ni. Ce que je peine à com­pren­dre c’est com­ment des ves­tiges de trente siè­cles et plus sont mieux con­servés que des poter­ies étrusques ou romaines. Affaire de matéri­au et de tech­niques j’imag­ine (quel futur pour les ves­tiges mod­ernes ?) : un éru­dit bal­ay­erait la remar­que en un tourne­main. Tout de même, ce char­i­ot roy­al qui sem­ble prêt à servir aux champs? cette urne canopique comme neuve? Bref, je me suis avancé dans ces pièces con­stru­ites en enfilade où rég­nait une pénom­bre jaune. Les vit­rines étaient pleines d’a­mulettes, de bas-reliefs, de papyrus. Plus loin, un pan­neau expli­quait la tech­nique de l’embaumement. Pour exem­ple pra­tique, un croc­o­dile sous ban­delettes, un spec­i­men jeune, de la taille d’une miche de pain. C’est alors que je remar­que de dos une sur­veil­lante assise sur une chaise. La même que dans une autre par­tie du musée. Elle pian­ote sur son télé­phone, je ne vois que sa chevelure, mais je la recon­nais, c’est la dame qui était assise dans la pre­mière salle, et dans la même pos­ture. Aus­sitôt je con­clus: s’il y a deux gar­di­ennes iden­tiques, ce sont des jumelles. Pour en avoir le cœur net, je reviens sur mes pas. A la place qu’oc­cu­pait la pre­mière gar­di­enne, il y a désor­mais un homme. Dis­crète­ment, alors que j’é­tais penché sur les momies, un tour­nus a eut lieu.

Générateur de vocabulaire 7

Soumonde.

Spaghettis

L’autre jour chez Mon­père à Lau­sanne en l’ab­sence de sa femme.
Lui: Tu as faim?
-Je mangerais bien quelque chose.
-Quoi?
-N’im­porte quoi! Fais des spaghet­tis!
-Des spaghet­tis? Tu sais toi?

Italiens.

Les Ital­iens aiment par­ler, ils ne s’en privent pas. Se taire si on est malade, fatigué ou dépres­sif, c’est pos­si­ble, toute autre rai­son point­erait sur votre muflerie. Et d’ailleurs on par­le avec tout le monde. Deman­der votre direc­tion, il y en a pour dix min­utes. Tout juste si l’on ne finit pas dans le salon de la per­son­ne avec ses enfants sur les genoux. Dans les rap­ports de com­merce de même. Au super­marché, ce lieu de con­géla­tion de la spon­tanéité: on s’y exprime, on rit. Est-ce que j’aime? J’ad­mire. Pour ce qui est de se refaire, je suis un Suisse.

Union

Quand nos peu­ples com­pren­dront-il que l’U­nion européenne est une officine des grandes entre­pris­es et qu’elle orchestre pour elles?

Dîner

Inutile d’in­sis­ter, les ali­ments, fruits, légumes sont meilleurs à Flo­rence que dans autres lieux d’habi­ta­tion, et surtout l’An­dalousie. Certes, les échanges par les mers, mas­sifs et con­stants. Mais il suf­fit de com­par­er la terre grasse de la Toscane à la poudre rouge de Mala­ga: il n’y a pas de mir­a­cle. Si, le plaisir de dîn­er d’un plat pau­vre mais excel­lent qui engage au savoir-vivre.