Mois : mars 2017

Singes

Les vis­i­teurs des zoos, explique cet étho­logue, aiment voir les singes dans ce qui est présen­té comme leur envi­ron­nement naturel, mais en dehors des heures d’ou­ver­ture, il n’est pas rare que les direc­tion, aux Etats-Unis, remet­tent à leurs bêtes des tablettes et, vous seriez éton­nés, elles s’en tirent très bien, notam­ment avec les logi­ciels de dessin. Atten­dez-vous à recevoir d’i­ci peu des mails envoyés par des gorilles ou des orang-outans.

Endogénétique

Dans sa con­férence don­née en Argen­tine en jan­vi­er de cette année, Michel Houelle­becq explique le régime de coop­ta­tion qui pré­vaut dans les milieux intel­lectuels français, il mon­tre les familles d’in­térêt, les devoirs de l’in­di­vidu qui appar­tient au groupe, les com­pro­mis exigés de celui qui veut s’y main­tenir. Toutes déter­mi­na­tions fondées sur le passé monar­chique d’une société française qui ordon­nait le réel sur une base fan­tas­ma­tique, sou­vent au détri­ment des mérites authen­tiques. En ce sens, la médiocre hor­i­zon­tal­ité de la société suisse demeure incom­préhen­si­ble pour l’e­sprit français — enfin, ce qu’il en reste. D’abord parce que, avant que nous n’im­por­tions les valeurs absur­des de la mon­di­al­i­sa­tion, nous n’é­tions que ce que nous sommes: des paysans dont le tra­vail fonde les valeurs, organ­ise le quo­ti­di­en et fixe les limites. 

Ghetto

Sur la colline, pour un ren­dez-vous au Lycée français de Mala­ga où Aplo étudiera peut-être dès la ren­trée. Le porti­er com­mande l’ou­ver­ture d’une grille. Der­rière, une vaste demeure andalouse fleurie, des étages de jardins plan­tés de palmiers, des patios et des bal­cons peints à la chaux. Mais nous sommes en avance. Le porti­er nous envoie promen­er. Nous déam­bu­lons le long de vil­las lux­ueuses avec piscines, hautes clô­tures et garage mul­ti­ple. Les pelous­es sont ras­es et vertes, des femmes coquettes passent au volant de voitures 4x4. À Aplo, je fais remar­quer que c’est exacte­ment ce que j’ai vécu. Sans même fer­mer les yeux, je peux m’imag­in­er à Lomas de Hipó­dro­mo, ce quarti­er du dis­trict fédéral de Mex­i­co où j’ai passé mon bac­calau­réat il y a trente ans et écrit, le titre trahissant mon état d’e­sprit d’alors, Le Cloaque des cap­tures. Con­tent de m’être éloigné défini­tive­ment de cette vie de ghetto.

Femme 2

Tal­ent des femmes en art: elles poussent l’homme à se dépasser.

Femme

Ces jours, dans la vie d’un homme récur­rents, où l’on est sur le point de per­dre sa femme. Mais à mesure que baisse la con­cu­pis­cence, baisse le pou­voir à elle impar­ti de jouer sur les sentiments.

Agencement

Au-dessus de mon lit blanc, dix toiles blanch­es achetées chez les Chi­nois. Cha­cune per­met de cacher un des clous que le pro­prié­taire a fiché dans le mur. Depuis quelque temps, je pousse le radi­a­teur, baisse le store et enfonce de la cire dans mes oreilles avant de dormir. Seul repère: l’heure pro­jetée en chiffres dig­i­taux rouges con­tre le pla­fond. Hier, je devine une prob­lème. Quelque chose, dans le noir. Je ral­lume. Un des tableaux est de travers.

Aplo 3

Ce qui me rap­pelle la sor­cière de Xala­pa, Mex­ique, en 1999, l’an­née de la nais­sance d’Ap­lo. Nous nous trou­vons dans le jardin intérieur d’un hôtel de l’époque colo­niale. Les cham­bres don­nent sur une végé­ta­tion. Trois fontaines de faïence ruis­sel­lent. Olof­so s’a­vance avec Aplo, je vais der­rière. Un cou­ple attend au fond du jardin. La femme nous aperçoit, se tourne, remar­que Aplo:
- Un enfant de la nou­velle ère! Un clair­voy­ant! dit-elle a son com­pagnon alors que nous sommes à dix mètres.
Olof­so rit, je hausse les épaules. Arrive Tol­do avec ses filles. Il nous présente la dame, c’est la sor­cière. C’est surtout la future asso­ciée de l’é­cole qu’il entend créer; les jours suiv­ants, nous tra­ver­sons à pied un site toltèque pour pren­dre des déci­sions inspirées. A tout moment, la sor­cière man­i­feste une curiosité éblouie devant Aplo, enfant qui — elle le dit et le répète — n’a pas de rap­port réel avec ce que nous sommes, nous ses parents.

Aplo 2

Le soir, après des heures à lire les clas­siques, l’Ab­bé Prévost, Baude­laire, Beau­mar­chais, nous regar­dons des films, Eden Lake, Sout­bound, Notre jour vien­dra. Plusieurs fois, Aplo annonce: il va se pass­er ceci, il va se pass­er cela. Je m’é­tonne. Ni la déduc­tion ni la sim­i­lar­ité avec d’autres scé­nar­ios ne per­met de prévoir ce qu’il annonce. Cela se pro­duit comme annoncé.

Aplo

Sur le quai, nous par­lons avec Aplo de la réal­ité sub­atomique et du pro­grès des nou­velles tech­nolo­gies dans le codage du cerveau. Pour mon­tr­er que, dans le principe, la recherche devrait buter sur le notion de con­science, il me répond.
- Oui, c’est comme pour un chat. Il se voit dans le miroir, mais il effrayé car il ne recon­naît pas l’an­i­mal qui lui fait face.
Avant d’a­jouter, remar­que que je ne com­prends pas:
-A cause du troisième œil.
Quelques sec­on­des plus tard, passe le long du quai une dame qui a peint sur son front un troisième œil.

Parallèle

On a tort de s’échin­er à con­stru­ire le monde dans lequel on aimerait vivre car il y a, en par­al­lèle, un chantier mieux pourvu en finance comme en ouvri­ers. Cepen­dant le régime de l’ac­tion sera tou­jours insuff­isant: ceux-là qui com­man­dent à la réal­ité par le par­al­lèle n’ont que l’idée de leur action. Creusons les idées, on s’y réfugie mieux qu’on ne le croit. L’ac­tion suivra.