Mois : novembre 2016

Grandes causes

A quoi ser­vent les grandes caus­es, les caus­es nationales, les caus­es uni­verselles? A jus­ti­fi­er l’or­gan­i­sa­tion de con­férences nationales, de grandes con­férences, de con­férences mon­di­ales. Le jour, les délégués se reposent des excès de la nuit, du sexe et de la bois­son. Dans les derniers jours de la con­férence, ils com­mu­niquent les pro­grès réal­isés, soulig­nent l’im­por­tance de la cause et s’ac­cor­dent sur la néces­sité d’un nou­velle ren­con­tre. Nul n’évoque la fonc­tion pre­mière de ces con­férences. Elles ser­vent à détourn­er l’ar­gent des peu­ples au nom d’une morale sans responsabilité.

Acteurs 2

En fin de compte, je me rabats sur Arte. Ce qui offre un avan­tage, je vais pou­voir aller me couch­er. Car pour ce qui est des fic­tions, cette chaîne que l’on dit cul­turelle donne dans la série poli­cière dif­fusée par épisodes ou dans les moyens-métrages à voca­tion tiers-mondiste. Scé­nario type: Abdul, jeune berg­er afghan que son père a répudié… Ou encore: dans le petit vil­lage africain, la sai­son des pluies approche quand… J’ou­bli­ais une dernière caté­gorie: les suc­cès de la fin du XXème siè­cle dont nul cinéphile n’a enten­du par­ler. Nous en voyions un hier, Lisa et le dia­ble. Coif­fures des années 1980, jeu hési­tant, ralen­tis mys­térieux et, dans le rôle du dia­ble, Tel­ly Savalas, en cos­tume noir, la boule à zéro. Soudain, un sen­ti­ment de déjà-vu. Expéri­ence fréquente, mais moins fugace que d’or­di­naire. La scène de film mon­tre l’héroïne embar­quée côté pas­sager dans une lim­ou­sine des années cinquante. Elle jette un œil au rétro­viseur et décou­vre sur la ban­quette arrière une femme qui a le même port de tête et la même coupe de cheveux. Le réal­isa­teur ques­tionne l’ef­fet miroir. Or, à l’in­stant où cette scène se déroule devant mes yeux — scène lente- je con­state que j’ai regardé ce même film il y a quelques temps, en com­pag­nie de Gala, dans notre salon espag­nol et prends con­science que cela avait lieu a la même époque, juste après notre retour en avion de Suisse, que le film m’avait ennuyé et que je m’é­tais levé pour aller au lit, ce que je fait peu après que le sen­ti­ment de déjà-vu se soit estompé.

Acteurs

Gala se plaint que nous ne regar­dons que des films en anglais. Je proteste: je fais de mon mieux. Pour en trou­ver un, j’en trie près d’une cen­taine. Puis il y les aléas de la machine. Le film ne charge pas, il est flou, il est incom­plet. Vient le prob­lème des sous-titres. Peut-être mon anglais se détéri­ore-t-il? A moins que ce soit l’ouïe? D’ailleurs, même en Français j’éprou­ve des dif­fi­cultés. Il me faut ten­dre l’or­eille. Mais enfin, que se dis­ent ces acteurs? Quand ils ne cri­ent pas ils par­lent, mais dans un cas comme dans l’autre, sans artic­uler. Autre­fois, les acteurs étaient émoulus des écoles de théâtre. Aujour­d’hui, c’est tout juste s’ils sont allés à l’é­cole. Et sous pré­texte que tout le monde sait par­ler, ils jouent leur rôle sans com­plexe, comme si cela allait de soi. Résul­tat, ils par­lent dans leur barbe, ânon­nent, susurrent. Quand il s’ag­it d’y met­tre de la rage, ils hurlent. Nous autre, pau­vres spec­ta­teurs, voyons alors défil­er à l’écran des actions dont nous ne sai­sis­sons ni les ten­ants ni les aboutis­sants. Par­fois, dès le début du film. Une fille dit son nom. “Com­ment, dis-je à Gala, quel prénom a‑t-elle dit?” Alors en Anglais, je veux dire en argot améri­cain, avec un accent de l’Out­back ou dans un cokney gal­lois, c’est dire!

Loi

Une loi sim­ple. Lorsque cha­cun cherche à gag­n­er le plus d’ar­gent pos­si­ble, la quan­tité d’ar­gent disponible aug­mente et la qual­ité de la vie baisse.

Squat

Retour dans l’ap­parte­ment espag­nol. Le temps est superbe. Un ciel pro­fond, une mer scin­til­lante. Dès le soir cepen­dant, l’air est frais. Et comme nous vivons sous un toit défon­cé, l’hu­mid­ité attaque les murs. Hier, je me mets au lit à minu­it. Je n’ai pas froid. Pas vrai­ment. Mais je n’ai pas chaud. Je remonte la cou­ver­ture jusqu’au men­ton, cherche le som­meil. Dès que je m’en­dors, je rêve que je suis dans mon squat, celui des Eaux-Vives, couché sur la palette de chantier qui pen­dant dix ans m’a servi de som­mi­er. Puis je sors dans la rue et ne peux plus regag­n­er ma cham­bre: les murs glis­sent, des câbles élec­triques flot­tent en tra­vers des fenêtres. Olof­so vient à mon sec­ours. Je pousse un cri et me réveille. Telle est la mémoire du corps, absolue. Il y a longtemps que je n’avais pas eu froid dans un lit, mais le corps se sou­vient: il pointe immé­di­ate­ment sur la péri­ode de la vie qui cor­re­spond à cette sensation.

Houellebecq

Que Houelle­becq doive se déplac­er flan­qué de deux garde du corps est un signe. A sa place, je serai fier. Jamais je n’ai aimé son écri­t­ure — ce plaisir de bâcler — mais j’ai de l’ad­mi­ra­tion pour son car­ac­tère et son intu­ition. J’aime aus­si sa révolte tran­quille. Il est intel­li­gent et en remon­tre. Quand un homme de parole doit engager des garde du corps (dans mes rela­tions, deux con­férenciers vivent la même sit­u­a­tion), cela prou­ve que la bêtise est répan­due dans la société et que l’E­tat lui donne droit de cité.

Acceptation

Ces gens qui ne savent pas dire non. Une majorité. Ne serait-ce que par principe, pour établir qu’autre chose est pos­si­ble. Quitte à accepter ensuite. A dire oui. L’élite — con­sti­tuée du groupe d’in­di­vidus aco­quinés qui se définit comme telle — joue sur cette con­vic­tion que la majorité n’osera pas dire non. Que pour en impos­er, il suf­fit de pren­dre de vitesse. De dire: cela est. Aus­sitôt les gens s’or­don­nent  et avan­cent dans la voie de l’acceptation.

Mari

Chez Ravet, le grand restau­rant, le mari qui à haute voix, afin que toute la salle entende, à sa femme qui se lève pour aller aux toi­lettes dit: “Que tes chaus­sures sont jolies! Tu as bien fait de les mettre!”

Examen

L’ex­a­m­en d’é­conomie se présen­tait sous la forme d’une série de ques­tions écrites. Con­fi­ant, je répondais en rem­plis­sant les espaces en pointil­lé. Ayant fini, je tendis mon devoir au pro­fesseur. Il me retour­na: la feuille était vierge. Mon­trant mon cray­on-papi­er, je jurais avoir répon­du à toutes les ques­tions. Je recom­mençais au sty­lo. A peine le devoir remis, le pro­fesseur me le ren­voy­ait: il était vierge. Cette fois je traçais les let­tres une à une, sur­veil­lant le début du mot tan­dis que j’écrivais afin que les let­tres que le com­po­saient ne s’ef­facent pas. Les mots s’ac­cu­mulèrent. Lorsque je ter­mi­nais ma pre­mière ligne de réponse, je rel­e­vais la pointe du sty­lo. Alors, toute la ligne disparut.

Trump

A tous égards, Trump est un homme du passé et sauf à abolir le présent, le passé n’est pas une solu­tion d’avenir.