Mois : novembre 2016

Lendemain

Il ne ces­sait de s’in­ter­roger sur ce qu’il ne ferait pas le lendemain.

Promotion d’un livre 2

En fin de compte, j’ar­rive à Morges avec une heure d’a­vance. Pour les livres à la vente, je ne sais pas. Les organ­isa­teurs de la con­férence n’ont pas répon­du. Mieux, ils n’ont pas com­pris la ques­tions. Leur mes­sage est: “oui, bien sûr”. Avant de rejoin­dre l’hô­tel, je passe à la librairie que dirige Syl­viane Friederich. Treize heures trente, je trou­ve la porte fer­mée. Je me dirige vers l’hô­tel. La récep­tion­niste du Savoy ne trou­ve pas ma réser­va­tion. La façade que j’ai iden­ti­fiée sur la page inter­net est celle d’un autre hôtel, la Nou­velle couronne. J’y pose ma valise. Gala me rejoint. Dix min­utes avant le début de la con­férence, nous par­tons en direc­tion de la salle. Le Gre­nier bernois. Gala demande notre chemin à un relieur instal­lé rue Louis-de-Savoie. Il nous envoie en direc­tion de Prév­erenges. Nous revenons vers le port par le Casi­no. Une fois de plus, je suis sur le point de renon­cer lorsque j’aperçois un homme grand et plat devant un bâti­ment ancien. Inqui­et, il fouille la ruelle du regard. Je passe à devant lui: “vous atten­dez quelqu’un?” Un ascenseur nous amène dans une mansarde. Trente per­son­nes patien­tent sur des chais­es pli­ables. Je par­le une heure. Après les remer­ciements, et quelques échanges sym­pa­thiques, Gala annonce que nous ren­trons à l’hô­tel.
-Un hôtel? Vrai­ment?
-Mais oui, nous arrivons d’Es­pagne.
L’or­gan­isa­teur a cru que je plaisan­tais lorsque je fai­sais allu­sion dans un mail aux bil­lets d’avion. 

Conversation rêvée

Cette nuit, je me tourne vers Gala qui dort. Je lui explique alors, tout en dor­mant moi-même, que notre con­ver­sa­tion est rêvée, que nous rêvons tous deux mais que cela ne nous empêche pas de parler.

Pluies

Deux jours de pluies bat­tantes. Les pre­mières depuis mars. Plus de voitures dans les rues, la pop­u­la­tion a fon­du de moitié. Où est-elle?

Ecoute

Avec un peu d’ex­péri­ence, il est facile de ne pas écouter l’in­ter­locu­teur tout en le lais­sant croire qu’on l’en­tend. Et cela, même dans une langue étrangère. Maîtris­er le rythme de la parole et sup­put­er le sens des paus­es y suf­fit. Dans cet art, Mon­père était passé maître. Il était diplo­mate. L’une des sagess­es du méti­er est de savoir écouter. La per­ver­sion de cette sagesse est de pré­ten­dre le faire. Mon­père n’é­coutait pas. Par des signes de tête, un mot par­fois ou une brève réplique, il témoignait de son atten­tion. Et au cas où l’autre décou­vrait sa duplic­ité, qu’im­porte? La dis­cus­sion finie, cet inter­locu­teur s’é­clipserait pour ne jamais reparaître. Mais à la fin, c’est l’al­lé­gorie de l’ar­roseur arrosé. Sous le coup de l’habi­tude, Mon­père éprou­vait de la dif­fi­culté à écouter l’autre, qu’il lui soit proche ou indifférent.

Croisière

-Et dites-moi mon amie, quelle est le pro­gramme de cette croisière?
-D’une var­iété! Il y aura même un naufrage!

Force

La force des textes, la pos­si­bil­ité de traduire en textes une force tient aus­si à la prox­im­ité de la fin. Une con­science spé­ciale s’in­stalle. Elle compte le temps. Stig Dager­man ou Paul Nizan sont de ces auteurs dont le génie est talon­né par la mort.

Clochards au village

Après huit mois passés au vil­lage, je con­nais chaque clochard. Ramon a la tête bour­souf­flée d’un cra­paud. Il porte des lunettes épaiss­es à mon­ture car­rée. Il mendie penché. Son corps sem­ble fait de deux moitiés. Quand ses talons touchent le mur d’ap­pui, le buste est d’é­querre. Le teint de peau est cramoisi. Il a un air de grand brûlé. C’est une mal­adie. Il pose au sol une cas­quette, remer­cie sans regarder ce qu’on y jette. Il salue le badaud. Sa rési­dence est sous un pili­er de la A7. C’est une sorte de cham­bre en car­ton que le vent fait trem­bler. Il a soix­ante ans et tra­vail­lait comme métal­lur­giste.
Pedro, lui, vient à vélo des quartiers pop­u­laires du Nord. Sa famille croit qu’il a un emploi chez un pêcheur du vil­lage. Il roule ses vingt-cinq kilo­mètres par jour pour allumer un poste de radio devant le super­marché. Con­tre les sous dont les vil­la­geois lui font l’aumône, il dif­fuse de la musique. L’ap­pareil est cassé, il hurle. Pedro a les cheveux gras et longs, il est plus mai­gre qu’un manche à bal­ai. Sa spé­cial­ité est le gar­di­en­nage des chiens de ces dames. Plutôt que de les attach­er au dis­trib­u­teur de cad­dies, elles les lui con­fie. Déter­miné à faire de son mieux, il les caresse avec énergie pour éviter qu’ils n’aboient. Lorsqu’il en a trois entre les jambes, il leur par­le sans dis­con­tin­uer afin de ne pas fail­lir dans sa mis­sion. Ensem­ble, nous cau­sons vélo élec­trique. Il col­lec­tionne des pièces de moteur épars­es con­va­in­cu à terme de les assem­bler pour équiper son vélo. Trou­vé dans une poubelle, celui est frag­ile. Dernière­ment, il m’a mon­tré une cour­roie d’en­traîne­ment. Il en était fier.
La mémère — j’ig­nore son nom — est aphone. Elle tire une valise d’en­fants Win­nie l’Our­son. Une rib­am­belle de sachets crasseux sont accrochés à l’ar­ma­ture. Jamais je ne l’ai vue mendi­er. Il m’ar­rive de la crois­er dans les rayons du super­marché. Son vis­age est bur­iné, ses cheveux de paille. Elle ne pèse pas quar­ante kilos. Elle porte des chaus­sures d’homme qui ressem­blent à des palmes. Hier, je descends au vil­lage sous une pluie bat­tante. Instal­lée dans le ren­fon­ce­ment d’une porte, elle buvait une canette de bière en regar­dant fix­e­ment le park­ing.
Le long de la rue prin­ci­pale, il y a le fou. Assis sur le muret de la boulan­gerie, il passe la mat­inée à pli­er en cinq, dans le sens de la longueur, des feuilles de papi­er cou­vertes d’écri­t­ure qu’il arrache dans un cahi­er d’é­cole; le reste de la mat­inée, il les déplie, les con­sulte, réfléchis, puis, selon, les jette dans la benne ou les classent.
Enfin, il y le groupe des ivrognes. Ils occu­pent un banc proche du parvis de l’église. Vêtus de train­ings, ils passent inaperçus. Il sont jeunes, dans les trente ans. Et usés. Ils se repassent des bouteilles à longueur de journée. Si l’ar­gent man­quent, l’un d’en­tre eux endosse un gilet de sec­ours orange et se poste au cen­tre du park­ing. Il fait alors devant les voitures des gestes vagues et pour prix de son aide au sta­tion­nement, tend la main devant la portière.

Féministes

Après avoir dévir­il­isé les hommes au moyen du fémin­isme faute de savoir être femmes, les voici qui sou­ti­en­nent avec la même fer­veur l’im­por­ta­tion de mâles aux moeurs archaïques et aux com­porte­ments simiesques.

Noria

J’écris Noria. Une bête fic­tion. Ce livre com­plètera Stab­u­la­tions, un livre intel­li­gent. La ques­tion est de savoir si ce qui est intel­li­gent n’est pas bête et ce qui est bête ne l’est pas trop. Cela dépend de ce que le lecteur pense de la société et ce qu’il pense dépend en par­tie de ce qu’il lit.