Mois : octobre 2014

Accord

Les vio­lons accordés, ils ren­trèrent chez eux; à ce jour, le pub­lic ignore tou­jours ce qu’est une symphonie.

Histoire

Ce livre à plat dans ma bib­lio­thèque faute de place. Pour la troisième fois en un mois, mon regard accroche son titre. Je lis His­toire de l’idée. L’en­t­hou­si­asme me saisit. Comme je m’ap­proche, je lis la deux­ième par­tie du titre, en rouge, indéchiffrable à dis­tance: His­toire de l’idée de… nature.

Options

Ceux qui font du zèle. Ceux qui jouent le jeu. Ceux qui sous-jouent. Ceux qui refusent, se déga­gent, vio­len­tent et sont empris­on­nés. Ceux qui y croient. Ceux qui déci­dent des règles du jeu. Ceux qui ne com­pren­nent pas les règles et se mor­fondent. Ceux qui pour qui le jeu est immé­di­ate­ment clair et qui entrent en silence.

Bon sens

Gala à Genève, tan­tôt joyeuse tan­tôt abattue, œuvrant dans le quarti­er de la gare. Impos­si­ble de savoir ce qu’elle fait. Trois mois que je ne l’ai vue. Elle a emporté ses affaires et quit­té l’ap­parte­ment de Fri­bourg sans autre expli­ca­tion le 27 juil­let. “Mais pas du tout, a‑t-elle fait val­oir au télé­phone début sep­tem­bre, j’é­tais à Genève, tu aurais pu m’ap­pel­er!” Aujour­d’hui, je la joins. Elle est sur une ter­rasse, elle boit de la bière, elle attend un résul­tat médi­cal, ne dit rien sur notre ren­con­tre de demain. “Et n’ou­blie pas mes chaussures!”

Excuse 2

A mon retour d’Es­pagne je trou­ve une let­tre du Cycle de Jolimont de Fri­bourg où Aplo est sco­lar­isé. Celui-ci man­quait un jour d’é­cole, le dernier, veille des vacances d’au­tomne. Olfoso a insisté: “triche, dit qu’il est malade!” J’ai remis au directeur une demande de con­gé. “Il faut jus­ti­fi­er”, a expliqué celui-ci à mon fils. “Il n’en est pas ques­tion”, ais-je dit à Aplo. Le directeur du Cycle m’a alors envoyé une for­mu­laire, que dis-je: le for­mu­laire, celui qui encadre les deman­des de con­gé. En quelque phras­es, (comme je l’ai fait auprès de mon inter­locutrice de Genève pour deman­der le même con­gé pour Luv, à l’o­ral dans ce cas, expli­quant que je ne jus­ti­fierai rien du tout, qu’il s’agis­sait de la vie privée et que ce serait don­nant-don­nant: si elle me dis­ait la couleur de ses sous-vête­ments, je lui dirai la rai­son de ma demande de con­gé), j’an­nonce au directeur du Cycle de Jolimont qu’il est hors de ques­tion que je me jus­ti­fie. Et donc ce matin, retour de vacances, j’ou­vre son cour­ri­er. Le con­gé que j’ai demandé et pris est refusé. En con­séquence, écrit-il, “je vous dénonce au préfet qui don­nera suite à l’af­faire.” Bref: en Suisse, les citoyens sont au ser­vice de l’Etat.

Mondialisation

La mon­di­al­i­sa­tion des ser­vices. Cela sig­ni­fie que les ser­vices vont dis­paraître. Les multi­na­tionales s’ac­ca­parent les marchés, élim­i­nent les con­cur­rents et dégrais­sent pour aug­menter la marge de prof­it. Le chô­mage aug­mente, dans la classe ouvrière la dépres­sion se généralise, et l’al­coolisme et les mal­adies. Les familles se divisent, la paupéri­sa­tion grandit, le savoir est per­du. La semaine dernière, nous roulions à tra­vers la région du Bier­zo, province de Castille et Léon. Des vil­lages déshérités ont gardé leurs sta­tions-ser­vices car la dis­tri­b­u­tion de l’essence dans ces lieux reculés est encore aux mains d’en­tre­pris­es nationales. Un ou deux ouvri­ers tien­nent la sta­tion, rem­plis­sent les réser­voirs, fac­turent, ali­mentent les frig­ori­fiques, font vivre leur famille. De même pour l’épicerie (par­fois fran­chisée), le bar, le marc­hand de tabac, la mer­cerie, le bouch­er… La mon­di­al­i­sa­tion des ser­vices, dis­cutée ces jours à Genève avec l’aval de la munic­i­pal­ité social­iste dans cet antre du dia­ble qu’est l’OMC annonce la fin de ce régime humain.

Course

Mon­frère me dis­ait: “au bout de quelques kilo­mètres, j’ou­blie que je cours”. Moi, c’est le con­traire. Je me sou­viens que je cours et je m’é­tonne. “Tiens, je suis sur un chemin et je cours! N’é­tais-je pas assis à ma table de tra­vail il y a un instant encore?” Que s’est-il passé? Saisi d’une envie soudaine, je me suis équipé et je suis par­ti à la course. Alors se pro­duit cette sen­sa­tion étrange: “j’aimerais m’ar­rêter”. Non, ce n’est pas cela, mais: “il faut que je m’ar­rête.” Et dans le même temps: “c’est impos­si­ble, il est hors de ques­tion que je m’arrête! ”

Premier état

Le pre­mier sou­venir. Quel est ton pre­mier sou­venir? Les écrivains dont la con­science est dilatée se van­tent de savoir. Les légen­des sont trop gross­es pour être avalées, mais quand bien même on met­trait le holà, il nous rap­por­tent sinon leurs paroles et actes de trois ans, ceux de qua­tre et cinq ans. Bien enten­du, dans le détail. J’y pen­sais hier. Mon sou­venir le plus ancien date de ma six­ième année: je marche sur un trot­toir de Prév­erenges, je vais à l’é­cole, j’évite les limaces. Rien de bien extra­or­di­naire. Et on voit aujour­d’hui ces par­ents, des par­ents meilleurs, lire des Ency­clopédie à un nour­ris­son qui bave dans le panier…

Profondeurs

Le mythe de la dis­cothèque ouverte en plein jour dans un quarti­er indus­triel. Grand soleil, les hommes sont au tra­vail, la ville à son rythme, mais les milieux inter­lopes ont des domaines réservés où sévit la débauche: on voit cela dans les films améri­cains. La porte poussée, la nuit se fait que seuls divisent les stro­bo­scopes. Dans des canapés avachis des maffieux tit­il­lent de putes ivres en se gorgeant de wyskie. Sauf qu’il y dix ans, arrivé à Mar­seille par le route Napoléon, imbibé et four­bu, j’ai atter­ri avec Lejuif dans la cui­sine d’une pizze­ria, nous avons mangé avec le per­son­nel de cui­sine et après avoir fini un bouteille rangée dans le cof­fre, nous avons pénétré en milieu de mat­inée dans un local souter­rain où un orchestre nègre jouait du jazz et là, cinquante per­son­nes indif­férentes à l’heure fes­toy­aient  nues sans inten­tion vis­i­ble de regag­n­er les surfaces.

Retenue

Les faits sont étab­lis, la semaine dernière un Musul­man cagoulé bran­dit une hache dans une rue de New-York et tranche la tête d’un polici­er avant d’at­ta­quer ses col­lègues, mais: “ne jugeons pas trop vite”.