Mois : septembre 2013

Syrie

Aujour­d’hui servi par des hommes faibles, des amants de la vie dégénérée, le pou­voir pro­pose au peu­ple, pour le sauver de l’an­goisse et rassem­bler ses voix, une fausse guerre. L’en­voi de machines à l’autre bout du monde pour bat­tre des guer­ri­ers prim­i­tifs non seule­ment ne soulagera rien, mais excit­era par des vic­toires faciles, jusqu’à la témérité, un courage absent. L’ad­hé­sion ain­si acquise au principe de la guerre per­met d’ex­ercer une ascen­dant psy­chologique sur des citoyens dupes afin de les enrôler à terme dans la seule bataille qui intéresse le pou­voir : celle qui vainc l’an­goisse par la destruc­tion des corps où elle est logée.

Sand

Let­tre de George Sand à Flaubert: mon cerveau ne procède plus que de la syn­thèse à l’analyse.

Morges

Invité à Morges pour y présen­ter mes livres, je m’in­quiète de savoir si H. sera présent. Et s’il devait occu­per une table voi­sine? Je ne le con­nais pas et ne veux pas le con­naître, car il me faudrait lui dire ce que je pense, et le dire sans détours, toute retenue équiv­a­lent à de l’hypocrisie. Le vex­er n’est pas dans mon inten­tion. Plus grave, il met­trait mon juge­ment lit­téraire sur le compte de la jalousie. Une réac­tion soutenu par l’avis général: nous avons enfin, en Suisse, un écrivain à succès.

Moines

Moines hum­bles et pressés par­mi des mères albanais­es, turques, iraki­ennes en fichu prim­i­tif ou en tchador mil­i­tant, le regard amor­phe, le physique bedonnant.

Notes

Eon­nante con­fes­sion — j’u­tilise à des­sein ce terme inap­pro­prié — de Calaferte à pro­pos de la prise de notes. Elle traduit le mys­tère dont il entoure par mesure d’en­chante­ment des actes qui appa­raî­traient moins secrets et ne s’en trou­veraient pas déval­orisés s’il les don­nait dans leur état naturel. Trait de car­ac­tère qui me rap­pelle cer­tains livres de René Guénon, ou encore ce réc­it frus­trant et bour­sou­flé de Her­mann Hesse, Le voy­age en Ori­ent, même si, dans le fond, je partage l’idée que le tra­vail, inces­sant  auquel con­traint l’an­no­ta­tion (qu’on écrive ou pas), crée une ten­sion d’e­sprit pro­pre à mod­i­fi­er le rap­port au monde.
“La joie que je retire à pren­dre ces notes à son secret, que je me garderai de dévoil­er; que quelques autres rares écrivains, qu’on iden­ti­fie comme entre ini­tiés, ont dû con­naître avant moi, que d’autres à venir con­naîtront. S’il était révélé, sans doute serait-il déval­orisé par cette pas­sion qu’a l’homme de notre temps d’être sans cesse dans son rôle utilitaire.”

Bec

Aux Bains de la Mot­ta. Je lis appuyé sur la fontaine. L’eau gicle d’un bec de cuiv­re. Un enfant grimpe, avance la main. Sa mère observe. Il va mouiller mon livre. Il hésite. Il mouille mon livre. La mère ne réag­it pas. A qui don­ner la fes­sée? Je me déplace et vais lire dans l’herbe.

Désordre

Gala avoue son décourage­ment. Je ne sup­porte plus cette insta­bil­ité. Je sais. Olof­so me l’avait déjà dit. V. y avait trou­vé une rai­son pour ne pas emmé­nag­er. Je regarde Gala et rit, je la vexe. Car c’est mon état habituel. Hélas, je suis indemne. Désor­dre, insta­bil­ité, je les vois et les sens, mais ils demeurent extérieurs. Je fais rem­part, les tiens à dis­tance. Il me suf­fit de regarder dans la rue pour être ren­voyé à moi-même. Autour de ce noy­au de con­vic­tions, peu importe le déror­dre. L’or­gan­i­sa­tion des mois à venir, sans par­ler des années, me lais­serait indif­férent n’é­tait-ce mon devoir de père. Ce serait plutôt un objet de spécu­la­tion. D’ailleurs, jouer avec les pos­si­bil­ités, les plac­er au hasard des envies sur la ligne du temps, avec tout le sérieux de celui qui se donne la lib­erté d’a­gir, pourquoi s’en priv­er? Quant au rôle d’époux, je n’en tiens pas compte. D’un adulte j’at­tends la même cer­ti­tude et la même spécu­la­tion opposés au désas­tre du quotidien. 

Vertiges

Con­tre la mal, j’ai recours à l’ex­cès. Hier dans la nuit, je suis pris de ver­tiges. Le sol se dérobe, les parois flot­tent. Je me couche. Le matin, le mal est inchangé. Je vaque. Assis, les ver­tiges s’estom­pent, mais que j’a­vance la tête, lève les yeux, me tourne, il est là. Je monte et descends les escaliers, pour me ras­sur­er, j’émets des hypothès­es. Tout effort est décon­seil­lé. Que je me sou­vi­enne, il y a deux ans, même affecf­tion. A l’aube, seul dans la mai­son, à Lhôpi­tal, je regar­dais tourn­er l’hor­loge et me demandais si con­duire les enfants à leur école, sur soix­ante kilo­mètres, dans la nuit, ne serait pas dan­gereux. Tout à l’heure, je suis allé boxé. J’ai sauté, cou­ru, don­né et reçu des coups. Aus­sitôt les ver­tiges ont reculé A moins qu’il ne s’agisse d’une illu­sion. J’ai ajouté au régime trois litres de bière. Ils ont reculé. J’ai peu dor­mi. Ils ont presque dis­paru. Se soign­er par l’ex­cès, jusqu’au jour du soin défini­tif, qui est la mort.

Recherche

Quand on cherche, on trou­ve. Si on ne trou­ve pas ce qu’on cherche, c’est qu’on en sait pas ce qu’on cherche. Si on le savait, on l’au­rait trouvé.

Renoncer

Renon­cé aujour­d’hui à écouter la radio aux heures d’in­for­ma­tion. De même, renon­cé à lire Le Monde. Ne mérite pas d’être lu un jour­nal qui titre en pre­mière page: Les bons chiffres de la crois­sance con­for­tent le prési­dent Hollande.