Mois : septembre 2013

Des bour­rasques écrasent la tente. Le matin mes dix-huit plaques de choco­lat flot­tent. Je récolte des cail­loux pour con­stru­ire des sup­ports, je fais fonc­tion­ner le réchaud. Il a fait froid. Dormir habil­lé ne suf­fit pas et mon sac à vingt ans. A l’aube, grelot­tant, je me suis répété ce mes­sage: peux-tu m’en­voy­er en poste restant le sac blanc et vio­let qui se trou­ve sur le meu­ble de notre cham­bre. Reste à savoir com­ment le faire par­venir à Gala.

En trois voy­ages, je monte cent kilos de matériel. Lorsque je retourne rem­plir le bidon à la fontaine de l’al­page, les oies ont mangé la housse de ma chaise. Sur le bord du sen­tier qui mène au bivouac j’a­ban­donne le mate­las gon­flable, des boîtes de con­serve, les haltères, le pét­role et un mot: das nehme ich Mor­gen.

Les cochons reni­flent mes sacs. Pour regag­n­er Ober­wil, Gala doit rouler sur les précipices. Inquiète, elle dit adieu, la voiture dis­paraît. Je chas­se un cochon, vien­nent deux oies. La pluie cesse.

De retour de Morges où se tenait de la man­i­fes­ta­tion Le livre sur les quais, j’a­joute un veste à mes pré­parat­ifs. Il pleut. Je prévois d’at­tein­dre la mon­tagne de Hömadeli en fin de matinée.

Du bout des ciseaux, plusieurs fois par jour, elle coupe ses cheveux. Elle les coupe un peu, de sorte que jamais la coif­fure ne change.

Accepter ce qui était hier inac­cept­able? Est-ce un pro­grès? Qu’en­tend-t-on par là? Ce qui est n’é­tait pas, ce qui fut n’est plus. Par­le-t-on de qual­ité? Mais alors? De quoi par­le-t-on? Savoir ses valeurs et savoir les amender pour jus­ti­fi­er de celles qui les rem­pla­cent. Ajou­tons: s’il y a lieu. Mais cet exa­m­en se pro­duit-il? N’a-t-on pas affaire plutôt à de la veu­lerie? Pren­dre la fuite du temps pour indice suff­isant d’une amélio­ra­tion, le mod­erne étant par déf­i­ni­tion plus juste, ne revient-il pas à démet­tre l’e­sprit pour légitimer ce qui sou­vent n’est qu’imposture?

La nuit ma mère se lève et joue de la bat­terie pour chas­s­er les fouines.

Sig­na­ture hier du con­trat de pub­li­ca­tion d’ easy­Jet chez Allia. Le cor­po­rate iden­ti­ty de la com­pag­nie servi­ra de titre, la couleur orange RAL de fond. Je ne pou­vais espér­er mieux. Récom­pense après huit lec­tures atten­tives exigées par l’édi­teur suc­cé­dant elles-mêmes à une dizaine de relec­tures spontanées.

Pro­jet de texte qui mon­tr­erait que l’his­toire des idées est une créa­tion arti­fi­cielle. Est retenue et placée dans le temps l’idée au moment de son déploiement plutôt que de la pre­mière saisie. Or il est pos­si­ble de retrac­er les occur­rences des grandes idées, sous forme frag­men­taire ou intu­itive mais non moins cer­taine, de façon à mon­tr­er que celles-ci ne précè­dent ni ne suc­cè­dent mais sont. Une présen­ta­tion quan­ti­ta­tive rem­place alors la présen­ta­tion linéaire, fausse­ment géné­tique: les idées sont disponibles et dévelop­pées puis envelop­pées en dif­férents temps et lieux. D’où cette con­séquence: lorsque toutes les idées auront été explorées et con­stru­ites, l’his­toire de l’e­sprit humain touchera à sa fin.

Lucrèce: nul ne se réveille s’il n’a sen­ti une fois le froid de la mort s’in­fil­tr­er dans ses veines.