Mois : septembre 2013

Connaissances

D’où les gens tirent-ils toutes ces con­nais­sances qu’ils ne savent pas?

Gimbrède

Gim­brède est le lieu que j’ai préféré entre tous et, plus exacte­ment, allumer un feu dans la grande chem­inée ger­soise, éclair­er la table de bois, vers­er du café, regarder par la fenêtre la bastide, le tilleul, la place déserte.

Théâtre

Et en effet, je n’é­coute pas quand je ne veux pas enten­dre. Le moyen le plus sûr est alors de pour­suiv­re avec toute sa fac­ulté de con­cen­tra­tion un raison­nement dif­fi­cile. Cela m’ar­rive au théâtre. Heureuse­ment, je n’y vais que par oblig­a­tion donc rarement.

Parents

Au salon du livre de Morges, M. vient à ma ren­con­tre.
- Mes par­ents sont morts. D’abord mon père, puis ma mère. Une péri­ode dif­fi­cile.
- Et tu as dû débar­rass­er leur apparte­ment de Lyon.
Elle me regarde sidérée.
- Com­ment le sais-tu?
J’ai vu les par­ents de M. une fois, il y a trois ans. Les gens par­tent de l’idée que vous n’é­coutez pas.

Haldas

Quand on citait à Georges Hal­das un pas­sage de son œuvre, il fronçait les sour­cils der­rière ses lunettes, cher­chait à com­pren­dre puis fai­sait “mmh, oui, oui…”, et engageait un autre sujet.

White

L’hon­nête Nico­las Bou­vi­er, le faiseur Ken­neth White. Je les ai enten­du de pair, lors d’une lec­ture don­née à la salle com­mu­nale des Eaux-Vives en 1990. Bou­vi­er, fatigué, bien­tôt mort, lisait avec atten­tion un texte sobre et juste. White, intel­li­gent, se tenait. Mais quelques années plus tard, lorsque je l’ai revu dans les bureaux de Métrop­o­lis à Cham­pel, il était devenu un homme qui se donne en spec­ta­cle, qui existe à tra­vers son pub­lic, qui rit de ses pro­pres facéties, com­porte­ment d’ailleurs répan­du chez les anglo-saxons.

Police

Je me sou­viens de ma réac­tion dans cette dis­cothèque du Gers quand ma danseuse m’ap­prit qu’elle apparte­nait à la police. Aus­sitôt je desserre mon étreinte. Puis je pense avoir mal com­pris. Vous plaisan­tez? Alors c’est elle qui comprend.

Errants

Cer­tains des couloirs de l’u­sine désaf­fec­tée où nous viv­ions étaient fréquen­tés par des dégénérés. J’en repérais deux. L’un, coif­fé d’un bon­net de laine dif­forme, la mine épatée, pataugeait dans des bas­kets sans lacets, parais­sait aphone. La police l’u­til­i­sait pour obtenir des ren­seigne­ments sur les réseaux de squat­ters : on l’aperce­vait auprès des inspecteurs les jours d’é­vac­u­a­tion. L’autre, exalté, dithyra­m­bique, fou, sem­blait habité des démons. Il s’ex­pri­mait en français avec un accent alle­mand, mais trop vite et avec trop d’én­ergie pour ne pas laiss­er devin­er un état mod­i­fié. Avec quelques clochards, la plu­part jeunes, ils erraient dans la ville et dans l’u­sine. Lorsqu’ils étaient par trop désœu­vrés, ils ‘encu­laient les uns les autres.

Protection

Au guichet de la bib­lio­thèque can­tonale, comme je rap­porte une livre fait pour dur­er (du moins je le souhaite et l’e­spère, Pas­cal Quig­nard, Les Désarçon­nés), je m’aperçois que j’ai corné les pages. Dis­crète­ment, tan­dis que l’employé véri­fie ma carte de lecteur, je lisse. Le vol­ume est neuf. Je l’ai tenu sur moi quelques jours, l’ai manip­ulé sans excès. Or il a vieil­li. Je me sou­viens que l’une des tâch­es qui m’é­taient con­fiées au titre du tra­vail des étu­di­ants con­sis­tait à plas­ti­fi­er les livres du départe­ment de philoso­phie. Il sem­blerait que l’on choisit désor­mais de jeter et de remplacer.

Acablar

Aca­blar, que j’écris ces jours à Domeren, deux mil mètres, sous tente et sous la pluie. Même tech­nique de com­po­si­tion qu’ Ogro­rog mais sans le fil con­duc­teur, trop évi­dent, du voy­age — plutôt, du déplace­ment. Ain­si, j’au­rais sou­vent à pass­er par le chas de l’aigu­ille pour que tien­nent ensem­ble des notes dis­parates. Dans l’im­mé­di­at, elles s’at­tachent à la nature et à l’his­toire des idées, mais il va en venir d’autres et alors il fau­dra beau­coup de fil.