Errants

Cer­tains des couloirs de l’u­sine désaf­fec­tée où nous viv­ions étaient fréquen­tés par des dégénérés. J’en repérais deux. L’un, coif­fé d’un bon­net de laine dif­forme, la mine épatée, pataugeait dans des bas­kets sans lacets, parais­sait aphone. La police l’u­til­i­sait pour obtenir des ren­seigne­ments sur les réseaux de squat­ters : on l’aperce­vait auprès des inspecteurs les jours d’é­vac­u­a­tion. L’autre, exalté, dithyra­m­bique, fou, sem­blait habité des démons. Il s’ex­pri­mait en français avec un accent alle­mand, mais trop vite et avec trop d’én­ergie pour ne pas laiss­er devin­er un état mod­i­fié. Avec quelques clochards, la plu­part jeunes, ils erraient dans la ville et dans l’u­sine. Lorsqu’ils étaient par trop désœu­vrés, ils ‘encu­laient les uns les autres.