Mois : février 2011

De Rouge­mont conçoit la pos­si­bil­ité d’une vérité qui rende compte de la total­ité de l’homme et de ses fins les plus loin­taines (dans Penser avec les mains), mais cette con­cep­tion, qui est comme l’in­ver­sion de l’in­car­na­tion chris­tique, ne revient-elle pas à fonder l’or­gan­i­sa­tion future de la société sur l’homme en tant que source de tous les pos­si­bles, de sorte qu’en répon­dant aus­si généreuse­ment à la ques­tion qu’il pose, De Rouge­mont admet une con­tin­gence totale? Prob­lème con­sub­stantiel à l’a­n­ar­chisme dont le principe légitime a pri­ori les actions dès lors qu’elles sont le fait d’un homme libre. S’il veut éviter de dis­paraître dans la con­tra­dic­tion des lib­ertés qu’il engen­dre, l’a­n­ar­chisme doit être inclus dans un shé­ma lim­i­tatif de règles, lesquelles, sauf à réin­tro­duire l’ar­bi­traire, doivent s’or­don­ner sur une métaphysique.

Une human­ité qui se dés­in­téresse de son sort.

Avec des alle­mands.
- Nous habitons Nürem­berg, ville de sin­istre mémoire.

Quit­té l’île de Jum. Retour sur le con­ti­nent à bord d’un bateau de tourisme. Gala prend l’air à la proue, je lis au milieu de voyageurs endormis. Le long de l’é­trave, des rochers noirs émergés de flots. Et ces arbres dont les branch­es cherchent la terre pour s’enraciner.

Du respect de la valeur tra­vail (con­cep­tion libérale) au respect de la valeur argent (con­cep­tion néo-libérale).

Par­ler sans savoir ce que l’on dit. Juger cela sans prob­lème. Ecrire à façon. Agir à façon. C’est le monde des fous.

Que mes grands-par­ents aient défaits les liens de la croy­ance par anti-cléri­cal­isme ne poserait pas de prob­lème si la société comme entité morale était ordon­née à des valeurs, cela le devient dans une société sans tran­scen­dance, car alors la cri­tique de la croy­ance, au lieu de rejeter dans la camp adverse, enferme dans le monde fini.

Octo­bre — tra­ver­sée de l’Es­pagne à vélo, d’Oviedo à Séville. Pre­mières étapes sur les sen­tiers de la Via de la pla­ta, puis à par­tir de Gui­jue­lo, cité du cochon noir, la N‑635. Régime habituel, inchangé depuis le voy­age sur le chemin de Saint-Jacques en 1991: dix heures de route inter­rompues pour le café et le menu ouvri­er de midi (en fait, à deux heures). Le soir, bar à bières. Cette fois nous roulons avec peu de bagages. Le paysage est austère et mis­érable dans les Asturies, il se col­ore au-dessous de Sala­manque. Sen­sa­tion de silence pétri­fié. Les paysans sont rares. Les vil­lages tra­pus et som­bres. Mais l’é­ten­due, le ciel don­nent au pays sa puis­sance. A l’é­tape, les gens sont aimables et directs. Vivants. Entiers. Le cinquième jour, nous pas­sons les 900 kilo­mètres. A l’en­trée de Séville nous sym­pa­thisons avec un juge qui roule devant nous. Il fait le guide et nous amène jusqu’à la cathé­drale. Fatigués et con­tent, nous cher­chons un hôtel pen­dant deux heures et ne le trou­vons qu’à la nuit, en banlieue.

Mieux vaut not­er les petites choses dans l’acte. Avec le recul, elles parais­sent encore plus petites et alors on ne les note pas.

Dans le sud-ouest, l’été dernier. Mes amis anglais font savoir au vil­lage qu’ils embaucheront un car­releur. Il en vient un, con­duit par sa maman. Un homme de cinquante ans, bon­homme et peu cau­sant. Il prend con­nais­sance du chantier (une salle à manger à par­er de tom­mettes), dit son prix. Le voilà engagé. Le lun­di suiv­ant, à la pre­mière heure, il déballe ses out­ils et se met au tra­vail. Et le lende­main et tous les jours. A la fin de la semaine, il a posé une rangée de tom­mettes. Alors mes amis anglais com­pren­nent: il n’a pas toute sa tête. Par cour­toisie, ils n’en dis­ent rien et l’homme con­tin­ue le chantier, à ce rythme, amené par la maman le matin, récupéré le soir. Trois mois plus tard, le salon est fini. Lorsque mes amis me le mon­trent, en sep­tem­bre, Dave a ce com­men­taire:
- C’est un homme méticuleux.