Mois : avril 2009

Occupé à mas­ti­quer les inter­stices du par­quet je fais tourn­er une suite de musiques baro­ques. A ce que je crois. Au bout de dix min­utes cette réflex­ion: l’or­eille est défor­mée, j’en­tends la même chose là où les dif­férences sont sub­tiles. Volon­taire je prête une atten­tion renou­vel­lée. Le début, l’en­volée des orgues, … non, décidè­ment je vois mal la dif­férence avec la pièce précé­dente. Pour cause, le lecteur tourne en boucle, j’ai écrouté six fois la même pièce.

A l’U­sine où je croise à l’oc­ca­sion d’un con­cert deux, trois, dix, trente per­son­nes. Avec toutes, une his­toire, mais déjà loin der­rière nous ce qui per­met de n’en rien dire et rend d’au­tant plus chaleureuse l’embrassade.

S’af­firmer plusieurs dans une société où le paraître ren­voie à l’être c’est men­tir, déclare Sla­ma à la radio.

Hommes en bleu qui se saoulent dans la cham­bre froide de la boucherie de Coupy tan­dis que je com­mande de la côtelette à l’employé. Le télé­phone sonne.
- Patron, ta femme!
Cela ne suf­fit pas à le faire venir. L’employé s’ex­cuse, dépose le couteau, va. Le patron vient au com­biné, s’én­erve, bidouille la prise.
- Cette saloperie ne veut pas fonc­tion­ner!
L’employé pose encore le couteau, enfonce la prise:
- Là… essaie!
“Quoi, s’écrie le patron au télé­phone, et tu m’ap­pelles pour ça…!“
Il rac­croche, retourne dans la viande, avec les copains.
L’employé qui finit de tranch­er la côtelette:
- Avec ça?

A Stras­bourg où Didadac­tures est lue par une troupe du théâtre munic­i­pal, la met­teur en scène, à l’heure du débat ‚déclare le texte super­fi­ciel. Je dis “oui”. Elle tient pour un défaut une volon­té. Ce qui la cha­grine c’est l’ab­sence de mes­sage. On est faibles avec les idiots. L’é­tant moins j’au­rais pu l’adress­er au par­ti communiste.

Que la société ne trou­ve pas d’u­til­ité à ses écrivains, c’est avéré: elle en fait des pan­tins ou des marchands de livres. Aucune impor­tance. Que l’écrivain trou­ve une util­ité à être écrivain suf­fit. Le pathé­tique c’est quand l’écrivain se juge inutile parce qu’il n’est pas un bon pan­tin ou un bon marc­hand de livres.

Mon ami. J’ai passé tous les week-ends de l’an­née avec lui pen­dant trois, qua­tre ans et les jours de la semaine bien sûr, puis les vacances, cer­taines longues. Je viens de le revoir. Je le rever­rai peut-être une fois, au détour d’une rue. Puis jamais.

Sur le park­ing d’un super­marché de Fer­ney un clochard aide les auto­mo­bilistes à se gar­er.
- Merde.
D’ailleurs il n’y a pas de place.
Tout de même j’en trou­ve une. On me collera une amende. Au clochard:
- Casse pas ma voiture.
Je m’en vais.
Chez Tele­com on me dit “qu’il y a vingt min­utes d’at­tente.” Vingt min­utes plus tard: “que la com­pag­nie ne peut rien faire si la ligne pour laque­lle je paie ne fonc­tionne pas”, “que la com­pag­nie ne peut pas m’ap­pel­er sur mon télé­phone portable: c’est inter­dit par la com­pag­nie”, “qu’il ne faut pas que je m’én­erve”, “que je ne peux pas rap­pel­er la com­pagie de télé­phone parce qu’elle ne répond pas au télé­phone.“
Je sors.
Au fond de ma poche je récupère la fer­raille: pièce de 2, de 5, de 10, de 20, cherche le clochard — il s’est déplacé — et lui donne toute la poignée de pièces. Il a vingt ans, regarde dans le creux de sa main, hésite à accepter.

Pay­er quelqu’un pour vol­er ses amis et ain­si appren­dre qui ils sont.

- Qui a enduit la façade?
- Pas moi, répond le gars qui maçonne le seuil de l’église, je suis bénév­ole.
- Ah.
- Oui, et je demande 15 euros l’heure si ça peut vous intéress­er.
- Pourquoi pas? Votre nom?
- Duparc. Je ne bois pas, je ne fume pas et je n’ai pas de portable.
Le type à les yeux bouff­is d’al­cool, le cheveu fourché et rare, une dégaine à ventre.